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Cachez ces pauvres que je ne saurai voir !

Publie le mercredi 23 décembre 2009 par Open-Publishing

où il est dit le nombre de morts et JB EYrault et Balsko refoulés à l’élysée

Un chiffre

Après la note d’hier, si légère, sur les illuminations de Noël, aujourd’hui on change de registre et on tombe carrément dans le lourd. C’est ça, Paris : aussi aisément qu’on y change de trottoir, on passe du plus frivole au plus sinistre. Au risque, si près de Noël, de casser un peu l’ambiance, c’est un chiffre qui est tombé hier et qu’on peut difficilement passer sous silence. Il concerne le nombre de personnes qui, en 2009, sont mortes dans la rue, pas seulement dans la capitale mais dans toute la France.

338. Soit, à peu de chose près, un mort chaque jour. Dont 12 morts rien que la semaine passée. Et le dernier en date survenu cette nuit à Marseille. 338, c’est le chiffre « artisanal et donc non exhaustif » rendu public hier par le « Collectif Les morts dans la rue » : ces bénévoles qui veillent notamment à ce que ces malheureux retrouvés morts un matin sur un trottoir aient tout de même des funérailles dignes de ce nom. On écrivait l’autre jour dans ce blog qu’intuitivement, on n’avait pas l’impression que, d’année en année, le problème du mal-logement et des SDF s’améliorait fondamentalement à Paris. D’après les chiffres de ce collectif, c’est vrai pour la France entière. Puisque l’an dernier, il avait recensé à peu près le même nombre de décès.

Le gouvernement n’est pas d’accord avec ce chiffre, qu’à ses yeux il faut revoir à la baisse. Au final, d’année en année, se poursuit la même bataille stérile d’arguments. D’un côté, les pouvoirs publics affirment mordicus que jamais on n’a construit autant de logements en France qu’à présent. De l’autre côté, les associations s’indignent que, néanmoins, globalement dans ce pays, perdure voire s’aggrave le fléau du mal-logement. Qui, pour mémoire, selon Emmaüs, frappe 3 millions de personnes dans l’Hexagone, dont 100.000 SDF.

C’était encore frappant hier, ce ping-pong oratoire si lassant. Menés par des personnalités comme la comédienne Josiane Balasko ou le Pr Albert Jacquard, les représentants d’associations de lutte contre le mal-logement voulaient remettre à l’Elysée une pétition réclamant la réquisition de logements vides par l’Etat – rien qu’à Paris, selon l’Insee, on compte 120.000 logements vides. Les forces de l’ordre ont empêché la petite troupe d’approcher du palais présidentiel. Où, en revanche, ont bel et bien été reçus, le même jour, les dirigeants du SAMU social. Dès l’issue de cette rencontre, les communicants de l’Elysée ont fait savoir que ces interlocuteurs avaient félicité le chef de l’Etat pour le « vrai effort » qui aurait été accompli cette année dans la « prise en charge des sans abris ».

Pour autant, Nicolas Sarkozy s’est bien gardé hier de réitérer à ses hôtes la grande promesse qu’il avait faite en décembre 2008, en pleine campagne pour l’Elysée : « Je veux, si je suis élu Président de la République, que d’ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid ». 338 personnes, de toute manière, ne sont plus là pour lui rappeler cet engagement.

http://parislibre.lalibreblogs.be/archive/2009/12/23/un-chiffre.html