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Une introduction au Hezbollah (2ème partie)
Publie le vendredi 4 août 2006 par Open-Publishing11 commentaires

Lara Deeb, anthropologue, est professeur assistante à l’Université Irvine de Californie, où elle enseigne la sociologie des femmes. Elle est l’auteur de l’ouvrage "Une modernité ré-enchantée : genre et manifestations publiques de la piété chez les Chiites du Liban" [An Enchanted Modern : Gender and Public Piety in Shi’i Lebanon]
de Lara Deeb
Action sociale
Entre autres conséquences de la guerre civile libanaise, la stagnation économique, la corruption gouvernementale et un fossé allant s’élargissant entre une classe moyenne de plus en plus réduite et des pauvres de plus en plus nombreux. Les quartiers chiites de Beyrouth avaient aussi à faire face à des déplacements massifs de population en provenance du Sud et de la vallée de la Bekaa. Dans ce climat économique, le clientélisme communautaire devint un outil indispensable à la survie.
Un réseau social musulman chiite s’est développé, au cours des années 1970 et 1980, avec des acteurs clés dont Al Sadr, Fadlallah et le Hezbollah. Aujourd’hui, le Hezbollah joue le rôle d’une organisation-parapluie sous laquelle beaucoup d’institutions sociales sont gérées. Certaines d’entre elles apportent des allocations mensuelles et assurent une aide dans les domaines alimentaire, éducatif, du logement et de la santé à la population déshéritée ; d’autres se consacrent au soutien aux orphelins ; d’autres encore se vouent à la reconstruction des zones endommagées par la guerre. Il y a aussi des écoles sponsorisées par le Hezbollah, des cliniques et des hôpitaux quasi gratuits. Il y a même une école spécialisée dans l’accueil d’enfants atteints du syndrome de Down.
Ces institutions sociales sont situées partout au Liban et elles sont au service de la population locale sans égard pour l’appartenance confessionnelle, même si elles sont particulièrement concentrées dans les régions chiites du pays. Elles sont en quasi totalité gérées par des volontaires bénévoles, en particulier des femmes, et le plus gros de leur financement provient de dons individuels, de bourses de parrainage d’orphelins et du denier du culte. Les musulmans chiites versent chaque année un "denier du culte" appelé le "khums", ce qui signifie "le cinquième", correspondant effectivement au cinquième de leurs économies après leurs dépenses courantes. La moitié de ce denier du culte est allouée à l’entretien du marja’ auquel ils adhèrent. Depuis 1995, année à Khamenei a nommé Nasrallah et un autre dirigeant du Hezbollah comme ses mandataires religieux au Liban, les revenus "khums" des Chiites libanais adeptes de Khamenei sont allés directement dans les vastes coffres-forts du Hezbollah. Ces Chiites donnent aussi leur "zakat", c’est-à-dire l’aumône exigible de tous les musulmans en mesure de la payer, au vaste réseau d’institutions sociales locales du Hezbollah. Le plus gros de ce soutien financier provient de Chiites libanais vivant à l’étranger.
Qui soutient le Hezbollah ?
Un des buts proclamés de la guerre actuelle menée par Israël étant l’ "élimination" du Hizbulah du Sud du Liban, il est fondamental de relever que ce parti bénéficie d’un très large soutien, non seulement dans le Sud, mais dans l’ensemble du Liban - un soutien qui ne dépend absolument pas de l’appartenance communautaire. Etre né dans une famille musulmane chiite, voire même être un musulman chiite pieux et pratiquant, ne détermine en rien l’affiliation politique de quiconque.
Le statut socio-économique n’entre pas non plus en ligne de compte. On suppose parfois que le Hezbollah se servirait de ses organisations sociales pour s’acheter des soutiens, ou que ces organisations ne sont que des couvertures pour des "activités terroristes". Ces représentations des choses ne font que trahir une vision simpliste de ce qu’est réellement ce parti. Une lecture plus attentive et exacte suggère que la popularité dont jouit ce parti est fondée pour partie sur sa dévotion aux pauvres, mais aussi sur son programme politique et sur ses réalisations au Liban, sur son idéologie islamiste, et sur sa résistance à l’occupation du Liban et aux violations de sa souveraineté par Israël.
La popularité du Hezbollah est fondée sur une combinaison d’idéologie, de résistance et d’une approche du développement politico-économique. Pour certains, l’idéologie du Hezbollah est considérée représenter une alternative viable à un gouvernement libanais soutenu par les USA et à ses projets économiques néo-libéraux au Liban, ainsi qu’une opposition au rôle joué par les USA au Moyen-Orient. Ses électeurs ne sont pas seulement les pauvres, mais de plus en plus des Libanais appartenant aux classes moyennes, et on y trouve aussi beaucoup de Libanais extrêmement mobiles et hautement éduqués. Beaucoup de ses partisans sont des musulmans chiites, mais il y a parmi eux également beaucoup de Libanais appartenant à d’autres communautés religieuses, qui soutiennent ce parti et / ou la Résistance islamique.
"Partisan du Hezbollah" est en soi une expression on ne peut plus vague. Il y a des membres officiels du parti et / ou de la Résistance islamique ; il y a des volontaires oeuvrant dans des organisations sociales affiliées au parti ; il y a ceux qui ont voté pour le Hezbollah aux dernières élections ; il y a ceux qui soutiennent la Résistance dans le conflit actuel, qu’ils soient d’accord ou non avec son idéologie. Prétendre débarrasser le Sud du Liban du Hezbollah, en faire son objectif, cela risque de revenir à dépeupler totalement le Sud, ce qui équivaudrait à une épuration ethnique de cette région.
Dans le conflit actuel, alors que l’opinion publique libanaise semble divisée sur la question de savoir si c’est le Hezbollah ou Israël qu’il faut incriminer dans la dévastation qui s’est abattue sur le pays, cette division ne suit pas nécessairement des lignes de faille confessionnelles. Plus important : il y a beaucoup de Libanais qui ne sont pas d’accord avec l’idéologie islamiste du Hezbollah, ou avec son programme politique, et qui pensent que son opération du 12 juillet [comportant notamment la capture de deux soldats israéliens, NDT] fut une erreur, mais qui soutiennent la Résistance islamique et qui voient en Israël leur ennemi. Ces positions ne sont en rien mutuellement exclusives. Un des effets des bombardements israéliens sur certains quartiers sélectionnés de Beyrouth a été d’accentuer les oppositions de classe au Liban, ce qui ne pourra qu’augmenter la popularité du Hezbollah parmi les Libanais qui se sentaient déjà exclus par le style de reconstruction et de développement mis en úuvre par Hariri.
Les violences actuelles
Le 12 juillet, des combattants du Hezbollah ont attaqué un convoi de l’armée israélienne, capturant deux soldats. Le parti a déclaré avoir capturé ces soldats afin de les utiliser comme des moyens d’échange lors de négociations indirectes en vue de la libération de trois prisonniers libanais détenus sans procès et contre l’avis rendu par la Cour suprême d’Israël. Comme je l’ai déjà indiqué, il existe des précédents de négociations de cette nature. Le raid du Hezbollah avait été planifié depuis des mois, et le parti avait fait au moins déjà une tentative visant à capturer des soldats israéliens. Nasrallah avait déclaré déjà auparavant que l’année 2006 serait l’année où des négociations auraient lieu en vue de la libération des trois prisonniers libanais demeurant dans les geôles israéliennes. Au cours d’une interview diffusée le 20 juillet par la chaîne arabe Al-Jazeerah, il a également déclaré que d’autres dirigeants, au Liban, étaient au courant de son intention de donner l’ordre d’une tentative de capture [de soldats israéliens], bien qu’ils n’eussent pas été au courant des détails de cette opération en particulier.
Après la capture de ses (deux) soldats, Israël a déclenché l’assaut de son aviation contre les villes et l’ensemble des infrastructures du Liban à une échelle inédite depuis l’invasion de 1982. Cette attaque a été accompagnée d’un blocus maritime, puis, plus récemment, d’une incursion terrestre. L’invasion terrestre est fortement contrée par les combattants du Hezbollah, ainsi que par ceux d’autres partis. Tant le Parti Communiste Libanais que le parti Amal ont annoncé la mort de combattants originaires de leurs rangs dans la bataille. Ce sont au moins 516 Libanais qui ont perdu la vie, pour la plupart des civils ; le bilan des morts communiqué par le gouvernement libanais s’établi à 750 personnes, au minimum. Un décompte de l’ONU indique qu’un tiers des victimes sont des enfants. Dans plusieurs occurrences, des villageois qui avaient été prévenus par Israël au moyen de tracts lancés par avion ou de messages téléphoniques automatiques d’abandonner leurs maisons qui allaient être bombardées ont été tués quelques instants après sur les routes, les Israéliens ayant pris leurs voitures pour cibles. Le 30 juillet, des avions israéliens ont bombardé un immeuble de trois étages utilisé comme abri à Qana, tuant au minimum 57 civils [nombre de victimes revu à la baisse le 3 août, NDT], remettant dans les mémoires le massacre perpétré au même endroit en 1996. Le gouvernement libanais estime que 2 000 personnes ont été blessées depuis le 12 juillet, tandis que non moins de 750 000 personnes ont été contraints de quitter leur domicile. Le Hezbollah a répliqué, pratiquement dès le début de la campagne des bombardements israéliens, en tirant des centaines de roquettes sur Israël, tuant jusqu’ici dix-neuf civils israéliens. A noter également que 33 soldats israéliens ont été tués dans les combats.
Au Liban, en particulier dans le Sud, des villages entiers ont été nivelés par les bombes, ainsi que des quartiers entiers dans les faubourgs du Sud de Beyrouth. Les pistes et les réservoirs de kérosène de l’aéroport international de Beyrouth, les routes, les ports, les centrales électriques, les ponts, les stations services, ainsi que les camions transportant des fournitures médicales, des ambulances et des minibus bondés de civils ont été pris pour cibles et détruits. L’ONU met en garde contre une crise humanitaire, et elle a indiqué que des enquêtes sur des crimes de guerre sont en cours après la prise pour cible de civils tant au Liban qu’en Israël. L’association Human Rights Watch a documenté l’utilisation par Israël de bombes à fragmentation, dont elle pense qu’elles "violent l’interdiction des attaques indiscriminées du droit humanitaire", les "petites bombes en grappes" étant largement répandues par le bombardement et n’explosant souvent pas, comme elles devraient le faire lors de leur impact, devenant de faite des mines terrestres. Des témoins oculaires, à Beyrouth, ont rapporté que le type des destructions, dans les quartiers durement bombardés, évoque celles causées par des armes thermonucléaires, ou par des "bombes à vide" (à implosion), dont les effets de souffle frappent par définition aveuglément. Les médecins libanais qui reçoivent les corps des morts et les blessés ont allégué que les bombes israéliennes peuvent renfermer du phosphore blanc, une substance qui est considérée, si elle est utilisée lors d’opérations offensives, comme une arme chimique prohibée.
Le but initialement affiché par Israël, à savoir assurer la libération des deux soldats capturés, s’est évanoui dans le discours officiel israélien, cédant la place à deux nouveaux objectifs : le désarmement, ou tout au moins l’ "affaiblissement" de la milice du Hezbollah, et son élimination du Sud Liban. D’après un article publié le 21 juillet dans le quotidien américain San Francisco Chronicle, "un haut responsable de l’armée israélienne" a présenté des plans en vue d’une offensive aux mêmes fins à des diplomates usaméricains et d’autres pays plus d’un an avant que le Hezbollah ne capture les deux soldats israéliens. Tout en violant de nombreuses résolutions de l’ONU, l’armée israélienne semble tenter, toute seule - avec le soutien des Etats-Unis, toutefois - de faire mettre en application la Résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU.
On ne voit pas très bien de quelle manière le bombardement aérien des infrastructures du Liban et l’assassinat de civils libanais pourrait contribuer en quoi que ce soit à la réalisation de ces objectifs, d’autant que le soutien au Hezbollah et à la Résistance islamique semble s’accroître. La colère contre les exactions d’Israël l’emporte sur le désaccord idéologique avec le Hezbollah chez beaucoup de Libanais, actuellement. Par conséquent, il est vraisemblable que le soutien dont bénéficie ce parti va continuer à grandir.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique ( www.tlaxcala.es ). Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner les sources et auteurs.
Messages
1. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 4 août 2006, 13:25
merci de tout coeur de nous eclairer, j’ai les larmes aux yeux en vous lisant, je suis de nationalité francaise, chiite de confession et indien d’origine, et cette reabilitation me fait chaud au coeur, toutes ces valeurs de solidarité envers les personnes les plus demunies de notre société, nous essayons de les perpetruer au sein des associations chiites en France, merci à vous
1. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 4 août 2006, 16:02
Et moi je suis juif, français et athée.
J’en arrive à avoir honte d’être juif !
Je ne comprends pas (ou plutôt je comprends trop bien) pourquoi Israël n’est pas condamné par le Conseil de Sécurité de l’ONU et les membres de son gouvernement traduits devant la Cour Pénale Internationale.
2. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 4 août 2006, 17:21
Cher Athée,
Je suis très contente de pouvoir enfin lire le message d’un juif qui a honte de ce que Israel fait subir aux libanais. Ceci est rare.
Malheureusement, la plupart se campe sur leur position, et ne veulent voir leur tort. Je parle aussi bien des israéliens que du Hezbollah.
Et ce non-vouloir de se remettre en cause et de voir ses torts a pour résultat : des civils tués des deux côtés !
Le jour où Hezbollah reconnaît Israel, sans menace, sans terrorisme et qu’Israel reconnaît les musulumans non comme une menace mais en tant que pays et peuple indépendant et voisin, alors je pense qu’il va y avoir une possibilité de paix.
Faisons déjà la paix entre nous, entre internautes, athée, juif, musulman, orthodoxe, bouddhiste ou autres....
3. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 4 août 2006, 18:39
la grande faute incombe aux politiens ayant tracé les frontioères de l’état d’Israë, comportant une division division arbitraire et illogique de la, popolation de la Palestine. Sans une ridimension logoque tlogique tenant compte des droits des palestiniens, cette région ne connaïtra jamais laa paix. Ameglio Ernest. Monaco
4. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 4 août 2006, 18:50
Ce qui est terrible, c’est que l’on ne peut plus se référer autrement qu’a une religion pour se définir et cela même ci on est rien de cela, appart le fait de ses « origines ».
Lorsque la religion devient nationalisme la spiritualité se meurt. (La spiritualité unit les multiples perceptions, la religiosité divise.) Cela est valable pour toutes les religions. La mondialisation consumériste ne peut mener qu’a la perte d’identité de soi et donc à la nécessitée de s’identifier à tel ou tel groupe identitaire pour donner sans à sa vie.
Tout cela est un non sens Désespérant !...
5. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 5 août 2006, 11:09
comme vous le dites, jamais cette région du monde ne connaitre la paix , le contentieux étant trop important la situation actuelle fera des modérés libanais des sympathisants du hezbollah
6. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie) PETIT MOT POUR L’AMI JUIF, FRANCAIS ET ATHEE..., 10 août 2006, 20:45
oui, mon ami juif, francais et athee.
j’ai un conseil pour toi : brules ton passeport francais, commence a prier dare-dare, et casse toi en israel, pour de bon.
si tu attends, tu risque de te retrouver a Pithiviers ou Drancy, en partance pour Bergen-Belsen. TA FAMILLE T’Y ATTEND DEJA.
2. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 5 août 2006, 11:57
israel cherche des alibis ( comme les americains ) pour assujétir le proche orient par la force et les guerres, et instaurer " le grand israel ", au mépris des peuples autochtones ... ce mépris va jusqu’a leur vie, qui n’a de valeur que pour ne pas perdre " la guerre des images " et retourner l’opinion publique internationnale contre israel.
les barbares sans pitié sont démasqués : israel, les usa et les sionistes !
3. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 5 août 2006, 19:05
Qu’on le veuille ou non, on est considéré comme Juif par ses ascendants. Être Juif ne souligne pas seulement l’adhésion à une religion, mais aussi l’appartenance à une culture, à une communauté.
Lors de la Shoah, un Juif athée ou laïque subissait le même sort qu’un Juif croyant.
Le Yéti
1. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 7 août 2006, 01:49
Vous n’avez pas à avoir honte d’etre Juif, c’est exactement ce qu’ils veulent, qu’un Juif qui ne soutiens pas l’attaque israelienne ai honte d’etre Juif
4. > Une introduction au Hezbollah (2ème partie), 8 août 2006, 14:40
simplement, merci pour cet article !!