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Un air de lutte finale à "L’Humanité"
Publie le mercredi 27 juin 2007 par Open-Publishing2 commentaires
de Marion Van Renterghem
Rue Jean-Jaurès, à Saint-Denis, une grande silhouette courbée de béton et de verre a le vague à l’âme. Le siège de L’Humanité, symbole du Parti communiste français et figure du patrimoine architectural, conçu en 1989 au cœur du "neuf-trois" par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer pour abriter le quotidien fondé par Jaurès, est sur le point d’être vendu. Partiellement ou dans sa totalité. Le même Niemeyer avait créé l’immeuble du Parti communiste, place du Colonel-Fabien, à Paris, avec sa fameuse demi-boule futuriste en béton blanc. "Fabien", malgré ses bureaux vides, n’est pas encore à vendre. A L’Huma, l’affaire est plus urgente.
Les crises, à L’Huma, on connaît. Un an après sa création en 1904, le quotidien est menacé de disparition. "Nos forces sont à bout", écrit Jean Jaurès en 1906. Au congrès de Tours, en 1920, le journal inventé par ce père fondateur du socialisme français (assassiné en 1914) devient l’organe des communistes. Aujourd’hui, L’Humanité et ses soixante journalistes sont toujours en crise. Mais le déclin est double : presse écrite nationale et Parti communiste battent de l’aile. L’honnête prestation des communistes aux législatives ne va pas changer la donne.
Quand le PCF agonise, L’Huma va mal. La baisse de la diffusion (51900 exemplaires contre environ 150000 dans les années 1970) bat au rythme de "Fabien". Le journal ne peut plus compter sur les aides financières discrètes du parti, ni sur la Fête de L’Humanité qui a également cessé de faire recette, pour renflouer un déficit cumulé de 8 millions d’euros. "Faire L’Huma après le 1,9 % du parti à la présidentielle, faut la santé !, s’alarme Claude Cabanes, éditorialiste et ancien directeur de la rédaction. Même si les résultats de dimanche donnent un peu d’air, L’Huma est au bord de la nécrologie." L’Humanité doit-elle s’affranchir de la tutelle du PCF pour survivre, comme a pu le faire le quotidien italien L’Unita ? Les conférences de rédaction, les réunions du conseil de surveillance et surtout les couloirs en béton gris de l’immeuble de Saint-Denis bruissent de cette dialectique lancinante.
Théoriquement, tout le monde semble d’accord. "Nous devons laïciser nos rapports avec le PC", affirme le directeur, Patrick Le Hyaric. "L’Huma doit être le lieu du débat de toute la gauche de transformation sociale", renchérit le directeur de la rédaction, Pierre Laurent. Claude Cabanes : "Libération est devenue la Pravda de Ségolène Royal. Profitons-en ! L’Huma a devant elle un boulevard." Le boulevard, c’est "l’autre gauche", loin du centre. Cette galaxie de gauches antilibérales réunies dans le "non" à la Constitution européenne.
L’Humanité, journal commun à la gauche de la gauche ? Cela fait rigoler le trotskiste Alain Krivine, qui avait vendu L’Huma dans sa jeunesse. "C’est très bien que le PC ait son journal, mais L’Huma ne sera jamais l’attrape-mouche des gauches." Pari déjà réusssi, en revanche, pour Jean-Luc Mélenchon, de l’aile gauche du Parti socialiste. "Nous sommes en deuil d’un journal de référence. Libération est devenu libéral. L’Huma est sur les mêmes rails que nous." La socialiste Edmonde Charles-Roux préside la Société des lecteurs, dont fait partie José Bové. Certains événements politiques, comme le non à la Constitution ou les débats sur la candidature unitaire sont fédérateurs. Le reste du temps, le journal se recentre sur les intérêts de son actionnaire principal : le parti (via des porteurs de parts).
L’Humanité, pourtant, a bien changé, affichant des signes de prise de distance avec le PC une fois sa débâcle confirmée, dans les années 1990. Les journalistes ne sont plus nécessairement encartés. On vouvoie les "camarades" dans les interviews. En 1993, le logo historique de la "une" prend un coup de neuf : L’Humanité, "organe central du Parti communiste français", devient le "journal du Parti communiste français". Avec la nouvelle formule de 1999, le lifting est plus radical : la faucille et le marteau disparaissent pour toujours de la "une". Le sous-titre s’en va aussi. En 2000, la mise en place d’une nouvelle structure avec conseil de surveillance donne lieu à l’entrée de partenaires extérieurs par le biais d’une société, dont Lagardère et TF1. Depuis un an, les pages "débats" du samedi s’ouvrent sur tous les points de vue, y compris de droite.
Mais L’Huma porte toujours l’image du PCF. Sa fierté et son fardeau. La direction du journal est nommée par le parti, le parti a les faveurs du journal. Le directeur de la publication, Patrick Le Hyaric, et le directeur de la rédaction, Pierre Laurent, sont au conseil national du PCF. Le président du conseil de surveillance, Michel Laurent (frère de Pierre), est l’un des plus hauts responsables de "Fabien". Faudrait-il couper ces liens organiques ? "Pourquoi faire ?", répond Michel Laurent. "J’y pense", dit Pierre Laurent. Se reprenant : "Ma fonction ici et mon engagement communiste sont deux choses bien distinctes." Dans la rédaction, les critiques fusent sur la couverture des élections. "On a refait de la propagande pendant des mois." "Entre L’Huma et le parti, nuance Jean-Emmanuel Ducoin, rédacteur en chef, ce n’est pas que de la dialectique. C’est aussi, hélas !, de la schizophrénie. Nous avons du mal à mettre en œuvre ce que nous voulons. Nous restons souvent dans l’incantation plus que dans la démonstration, dans le fantasme de la réalité plus que dans la description. Notre vieille culture revient malgré nous." Les lecteurs aussi ont leurs habitudes. La "nouvelle Humanité" de 1999, en voulant conquérir un nouveau public, avait fâché à la fois "Fabien", alors conduit par Robert Hue, et le cœur du lectorat.
En 2000, les ventes s’effondrent. Le parti change la tête du journal. La nouvelle équipe redresse la diffusion, avec les mêmes tiraillements. Pierre Laurent le dit sans détour : "Si se séparer plus radicalement du Parti communiste m’assurait des milliers de lecteurs en plus, je n’hésiterais pas !" Autre blocage : le journal a toujours dû sa survie au soutien des militants communistes. En 2006, 2,5millions d’euros ont été versés par les lecteurs, en réponse à un nouvel SOS… L’immeuble de Saint-Denis, évalué en 1997 à 11 millions d’euros, est désormais le seul actif dont dispose L’Humanité. Selon Michel Laurent, une "opportunité intéressante" est en cours d’étude et n’exclut pas que le journal demeure locataire d’une partie de l’immeuble. Permettra-t-elle au quotidien de s’engouffrer sur le "boulevard" desgauches ? Cela dépendra aussi de la recomposition, ou non, de ces gauches elles-mêmes. Et nécessitera que L’Huma n’emménage pas, comme certains le murmurent, place du Colonel-Fabien…
Messages
1. Un air de lutte finale à "L’Humanité", 27 juin 2007, 15:08
Et pourquoi il emménagerait pas à Fabien ? Si l’Huma devient complètement indépendant, on sait déjà comment il finira, histoire qu’il n’y ait plus de vecteur médiatique au service du communisme, que la droite combat farouchement, Sarkozy et ses potes l’ayant rappelé au moment des élections.
Résister, toujours résister...
1. Un air de lutte finale à "L’Humanité", 28 juin 2007, 13:34
SAUVER L HUMA POUR QU ELLE DEVIENNE UN AUTRE" IMMONDE" NON MERCI.
Il y a pour cela des patrons de presse capitaliste qui ont le monopole des médias.
De l’audace, camarades, l’Humanité doit rester l’organe officiel au service du PCF.
Il nous faut être plus rigoureux dans les instances du PCF ; les adhérents du PCF doivent être responsabilisés et sollicités indiviuellement pour mettre au service de l’Huma l’énergie nécessaire pour rassembler les fonds dont a besoin notre journal.
Je pense que si tout un chacun a bien conscience que la disparition de l’Huma laisserait sans voix notre parti, un adhérent du Parti Communiste ne peut rester sans réaction.
Aux lecteurs de l’Huma, je sais que vous avez déja fait des efforts, mais sans l’Huma que serions nous ? comment nourrir notre quodidien ? Alors on va se faire l’honneur de relever ce défi
Sauver l’Huma c’est sauver le PCF, c’est donner la parole aux travailleurs, c’est notre seule raison d’être.
7 millons d’euro divisé par X ce n’est pas la mer à boire si l’on veut vraiment se donner les moyens.
Si nous sommes conséquents avec nous même et conscients des acquis obtenus grâce au PCF et à l’HUMA, nous nous devons de reverser une petite part de ces acquis pour que les luttes continuent.
Camarades, soyez généreux, chacun se doit d’apporter une pierre à l’édifice.
Le Parti Communiste a besoin d’un journal digne de ce nom.
Les capitalistes vont sabler champagne si l’Huma et le PCF venaient à se diluer.
FELIX