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Laporte : l’affaire du casino arcachonnais revient sur le tapis
Publie le mardi 30 octobre 2007 par Open-PublishingJustice. Une plainte a été déposée au pénal contre le ministre des Sports.
de RENAUD LECADRE
Une plainte pénale visant Bernard Laporte vient d’être déposée auprès du parquet de Paris. A la différence d’autres procédures fiscales ou commerciales en cours, qui tournent autour de la galaxie Laporte et mettent plutôt en cause ses partenaires en affaires, celle-ci le pointe directement du doigt. La plainte est initiée par un petit casino du bassin d’Arcachon, en butte à l’ostracisme du ministère de l’Intérieur qui lui mégote ses autorisations d’ouverture et de machines à sous – tout en déroulant le tapis vert aux cadors du secteur, les groupes Partouche et Barrière.
Versions.En août 2005, Laporte aurait fait miroiter ses relations avec Nicolas Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur, tuteur des casinos) à Frédérique Ruggieri, tenancière du casino de Gujan-Mestras (Gironde), contre des parts de son établissement. Le nouveau secrétaire d’Etat aux Sports a évolué dans sa version des faits. En mars 2007, il dément dans Libération : « Elle raconte n’importe quoi, j’en ai rien à foutre de son casino. Si je suis ami avec Sarkozy, ce n’est pas pour l’emmerder, et encore moins en profiter. » En juillet, il admet à moitié dans les colonnes du Monde : « Elle me racontait ses difficultés. Pour rire, je lui ai dit : “Moi, je te prends 10.” » En octobre, il affine dans un entretien à L’Equipe : « C’est elle qui m’avait demandé de lui organiser un rendez-vous avec Nicolas Sarkozy. En déconnant, j’ai répondu : Donne-moi 10 % et je te l’aurai, le rendez-vous. »
Pour Me Francis Terquem, avocat du casino, « il est assez inopérant que M. Laporte ait tenu ces propos “pour rire” ou “en déconnant”. Les faits relèvent d’une tentative d’extorsion de capital », variante trop peu connue de l’extorsion de fonds ou de signature.
Coup de fil.Ce casino arcachonnais en est à sa troisième plainte pénale. La première avait été retirée en septembre 2005 après un coup de fil du chef adjoint du cabinet de Sarkozy, contre la promesse d’un examen serein de sa demande d’ouverture, acquise dans la foulée. La deuxième, en mars 2007, suivait le refus – signifié par décret signé Sarkozy en pleine campagne présidentielle – de lui délivrer cent machines à sous, alors que le même Sarkozy avait signé en 2003 un deal avec les casinotiers leur accordant automatiquement un quota de bandits manchots – accord qui, semble-t-il, ne vaudrait que pour les ténors bien en cour (Li bération du 24 mars). La troisième, ciblant directement le lien Sarkozy-Laporte au lieu du ministère de l’Intérieur en général, signifie que le casino de Gujan-Mestras n’entend pas lâcher l’affaire, en dépit de la mauvaise volonté du parquet (lire ci-contre). Mais ses salariés, autrefois solidaires de la direction, au point d’entamer une grève de la faim lors d’une visite estivale de Sarkozy, l’ont mauvaise : licenciés pour la plupart, ils dénoncent une dérive « discount » du casino.
Procédures.D’autres procédures judiciaires visent indirectement le néoministre. Toujours sur le bassin d’Arcachon, le maire PS du Tech, François Deluga, a lancé deux procédures visant un associé de Bernard Laporte, Didier Domonchy. Durant l’entre deux tours des législatives, ce dernier avait distribué un tract politico-immobilier pestant contre un refus de permis de construire refusé par cet élu local socialiste (Libération du 21 juin). Pour Deluga, finalement battu, il s’agit d’une intrusion affairiste dans la sphère politique : « Ce n’est pas parce qu’on est dans le Sud-Ouest qu’il faut se croire au Far West. Une entreprise privée n’a pas le droit de financer un document électoral. » Laporte s’est, depuis, désolidarisé de ce brûlot et s’est séparé de son associé – « un dingue », dit-il – après avoir renoncé à concourir localement sous l’étiquette UMP. Le parquet n’a toujours pas donné suite. « Il attend les résultats de la Coupe du monde », raille Deluga.
Dans l’Isère, une autre affaire vise un autre associé de Bernard Laporte, Martin Trigano (neveu de la famille fondatrice du Club Med). En 2006, est construite une résidence touristique haut de gamme, les Rêveries du Lac. Très vite, des employés se plaignent de harcèlement, le neveu Trigano est mis sur la touche, un trou dans la trésorerie est alors découvert. Faillite, fureur des investisseurs ayant acheté des appartements dans l’espoir de les louer. Ils s’en prennent un temps à Bernard Laporte, mais lui-même aurait perdu 100 000 euros dans l’affaire. Le week-end dernier, ils ont renoncé à porter plainte. Le parquet est malgré tout saisi pour faillite portentiellement frauduleuse.