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17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao
par Alan Bennett
Publie le lundi 17 octobre 2011 par Alan Bennett - Open-Publishing15 commentaires
Chers camarades,
Je ne pourrai pas être ce soir à Paris, mais j’aimerais partager avec vous mon témoignage de cette nuit d’horreur du 17 octobre 1961.
Je me nomme Alan Bennett, je suis britannique, et en 1961, je travaillais à l’Agence de presse Reuter, rue du Sentier à Paris. J’allais bientôt avoir 20 ans.
En quittant mon travail le soir du 17 octobre, vers 19h30 je remonte vers le boulevard Poissonnière prendre le métro pour rentrer chez moi. L’accès du boulevard est totalement bloqué, et j’y vois défiler des centaines de personnes, hommes et femmes, scandant "Paix en Algérie".
Je retourne en courant au bureaux de l’Agence Reuter, distants d’une cinquantaine de mètres, et je demande au journaliste de permanence d’alerter les correspondants, qui à cette heure-là étaient rentrés chez eux. Il me demande de couvrir l’évènement en attendant leur retour.
Je redescends, et arrivé rue du Sentier j’entends de nombreux coups de feux, d’un fusil-mitrailler m’a-t-il semblé.
Un jeune homme algérien court vers moi en boitant, du sang sur la jambe de son pantalon. Je le mets à l’abri dans le hall d’entrée de l’Agence Reuter, puis je remonte vers les grands boulevards. Des cars de policiers sont stationnés en file sur la ligne médiane, on voit tourner les gyrophares des voitures de police, et règne un immense silence. En arrivant sur le boulevard, je suis effaré du nombre de chaussures, notamment féminins, qui jonchent le trottoir, restes de la fuite paniquée des manifestants. A AUCUN MOMENT JE N’AI VU MANIFESTER LA MOINDRE AGRESSIVITÉ DE LEUR PART AVANT LA CHARGE MEURTRIÈRE DES POLICIERS.
Devant le cinéma Rex, une demie-douzaine de corps gisent sur le trottoir, des rigoles de sang finissent de couler dans le caniveau.
Voilà mon témoignage. A évoquer cette violence policière, je revois parfaitement la scène, et j’en éprouve une émotion difficilement maitrisable. Quarante ans plus tard, j’ai visionné le remarquable DVD d’Alain Tasma "Nuit Noire", et à revoir ces terribles évènements, j’ai sangloté près d’une heure sans pouvoir m’arrêter, devant mon écran de télévision.

J’aimerais ajouter qu’en tant que citoyen du Royaume Uni, pas encore membre de l’Union Européenne, je devais régulièrement à cette époque faire renouveler ma carte de séjour à la Préfecture de Police de Paris. Devant les files d’Algériens faisant la queue, je me mettais tout naturellement en fin de queue pour attendre mon tour. Invariablement les policiers m’invitaient à passer devant les "bicots" ou les "bougnoules" comme ils les traitaient, et je vous laisse imaginer leur perplexité et leur visible mépris lorsque je refusais cet "honneur".
Messages
1. 17 octobre 1961 : témoignage, 17 octobre 2011, 19:09, par Achebé
Merci pour ce précieux témoignage, si fort, si humain.
1. 17 octobre 1961 : témoignage, 17 octobre 2011, 19:59, par zangao
Aujourd’hui ce sont les roumains........... difficile de se défaire des vieilles habitudes.
2. 17 octobre 1961 : témoignage, 17 octobre 2011, 22:24, par lynda
merci pour votre témoignage - merci pour votre courage de dénoncer la barbarie -
3. 17 octobre 1961 : témoignage, 18 octobre 2011, 15:22
sauf que la France colonisait l’Algérie à ce moment là et depuis un siècle.
2. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 17 octobre 2011, 22:27, par COTTY
Honneur à Alan Bennett pour son témoignage rempli d’une grande humanité, envers nos frères et soeurs Algériens qui ont sacrifié-es leurs vies, pour l’indépendance de leur pays. Que ces femmes et ces hommes rejoignent les martyrs d’une noble cause.
3. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 18 octobre 2011, 01:46, par le retraité
le 17 octobre 1961, j’allais avoir 14 ans.
J’étais à Paris. Mon père était gardien de la paix, c’est comme ça qu’on les appelait à l’époque les policiers.
Ce jour là, il était de service. Je ne pense pas qu’il est participé aux violences mais le lendemain il nous a raconté sa journée en disant qu’il avait été effaré par la violence des gardes mobiles.
je me souviens de ses paroles qui m’avaient fait froid dans le dos :
"pour aller à l’hôpital Lariboisière, il suffisait de suivre les traces de sang par terre"
voilà ma modeste contribution à cette page d’histoire pas très reluisante.
Le retraité
4. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 18 octobre 2011, 07:17, par mimi
Il a fallu tout ce temps pour qu’enfin les" médias ordinaires" parlent de cette journée,
Seul le journal l’Humanité a rendu compte de ce carnage .J’avais 15 ans et je n’étais pas lectrice de ce journal mais en voyant le titre de l’huma,je l’ai acheté et gardé.
Mais enfants ont toujours entendu parler du 17 Octobre et de charonne.Ceux qui voulaient savoir comme Alan Bennett devaient ouvrir les yeux comme aujourd’hui sur le sort des ROMS
1. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 18 octobre 2011, 09:52
Ne mélangeons pas tout SVP ! On ne peut absolument pas comparer le sort (inqualifiable, certes) fait aux Rroms aujourd’hui, et celui qui était réservé aux travailleurs algériens et à leurs familles pendant la guerre d’Algérie en France !!
On ne tue pas les Rroms en pleine rue et on ne les balance pas à la Seine. Et HEUREUSEMENT.
Le relativisme est l’ennemi de l’histoire, attention.
LL
2. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 18 octobre 2011, 14:14, par abeille
Merci pour ce témoignage émouvant !
Restons vigilants car Papon et la "bète " restent tapis en embuscade plus que jamais !
3. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 18 octobre 2011, 14:44, par Ciapa Rusa
... Certes, chère amie "La Louve", mais dussè-je peut-être faire "doublon", il paraîtrait qu’un certain préfet du Pas-de-Calais eût été lauréat du tout nouveau prix "P.A.P.O.N." à savoir "Prix Attribué Pour Obéissance Notoire" ... Bon, je "rigole"... enfin "presque" et même franchement pas du tout, à dire vrai ...
4. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 18 octobre 2011, 15:55
Tout à fait d’accord. on ne peut pas du tout comparer les roms avec les travailleurs algériens.
5. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 19 octobre 2011, 12:43, par Tirouli
Quatre émissions de Daniel Mermet (Là-bas i j’y suis) les 13, 14, 17 et 18 octobre ont été consacrées au 17 octobre 1961. A réécouter sur le site.
6. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 19 octobre 2011, 16:45, par Malika
Malika je suis algérienne et ce que font certains français aux roumains n’est digne du pays des trois glorieuse, il n’y a pas de sang mais ça ressemble aux rafles faites aux juifs de France et aux ratonnades faite aux algériens
5. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 18 octobre 2011, 16:00
les qualités humaines se perçoivent très tôt chez un homme, et surtout dans de pareilles circonstances. La vie vaut le coup d’être vécue car ces personnes l’anime.
6. 17 octobre 1961 : témoignage exclusif Bellaciao, 22 octobre 2011, 16:05, par CRESTANI Antoine Gilbert
J’était soldat en algérie durant cette période( 28 mois et demi,) auparavant et avant mon départ je travaillait à l’usine de Micheville à Villerut ou la direction de l’entreprise autaurisait la police de PAPON pour interpeler les travailleurs Algériens .de nombreuses grêves ont eu lieu pour la reconnaissance et l’indépendance de l’Algérie