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18 août 1966 débute la Révolution culturelle chinoise

Publie le mercredi 18 août 2004 par Open-Publishing
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Le 18 août 1966 débute la Révolution culturelle. À Pékin, les partisans de
Mao
Tsé-toung, fondateur du régime communiste et de la Chine dite populaire, mobilisent
la jeunesse contre les menées révisionnistes du président Liou Chao-chi. Celui-ci,
coupable d’avoir sacrifié l’idéologie aux impératifs du redressement économique,
mourra en prison.


Le petit livre rouge d’un photographe chinois de Li
Zhengsheng


Introduction par
Robert Pledge


Dans l’inconscient collectif, Mao Zedong et la Révolution culturelle occupent
une place très particulière et suscitent toujours fascination et stupeur. Plus
rarement de l’horreur. C’était déjà vrai à la fin des années 60, quand les révoltes étudiantes
de par le monde s’inspiraient des dénonciations et des slogans des gardes rouges,
ou lorsqu’au début des années 70, Andy Warhol réalisait à New York ses fameuses
sérigraphies sur soie du Grand Timonier. C’est vrai encore aujourd’hui, alors
que cet épisode semble lointain, et en contraste avec la société chinoise d’aujourd’hui
reflétée à travers les médias. Aussi était-il indispensable de produire une vision
plus nette de la tourmente qui mit la Chine sens dessus-dessous entre 1966 et
1976. Li Zhensheng nous offre cette vision à travers une oeuvre exceptionnelle,
la seule à ce jour que l’histoire ait dévoilée.`

Entre information et propagande

Le projet d’une exposition et d’un livre prend naissance au milieu d’une trentaine de milliers d’enveloppes en papier brun que Li Zhensheng a apportées par petits lots de Pékin dans les bureaux de Contact Press Images à New York à partir de 1999, regroupées par des élastiques en fonction des dates, des lieux, des films utilisés, ou d’autres critères encore. Dans chacune d’elles, un négatif protégé par une glacine. Certains d’entre eux sortaient pour la première fois à l’air libre depuis que Li les avait soigneusement coupés et rangés. Chaque enveloppe portait une élégante calligraphie chinoise de la main du photographe : une information détaillée. Les villes et les comtés, les noms des gens, les titres officiels et autres précisions étaient soigneusement consignés.

Dans le livre comme dans l’exposition, aucune image n’est recadrée : c’est ainsi que l’on peut voir non seulement ce que voyait le photographe, mais aussi ce que le film avait physiquement enregistré. Le choix et le déroulé des images s’inscrivent dans une exacte chronologie afin de mieux dégager le processus historique. La légende de chaque photographie est complète et systématiquement recoupée avec les archives du Quotidien du Heilongjiang pour lequel Li a travaillé de 1963 à 1980.

Entre information et propagande, mise en scène et témoignage, reportage et Histoire, la marge reste ténue et problématique. Li Zhensheng, en bon photojournaliste, nous renvoie à ces éternelles et pertinentes questions. Elles sont plus que jamais d’actualité, à l’ère d’une autre révolution, celle du numérique et de l’internet qui vient bousculer les normes et la société.

Un invisible diva

La Révolution Culturelle est un univers de théâtre pur où les spectateurs sont poussés vers la scène au fur et à mesure : du bas en haut de l’échelle sociale, du paysan pauvre, prenant part à une "séance de lutte", à "l’ennemi de classe" qui, à son tour, incline le buste. Avec brassards et drapeaux, banderoles et dazibao, petits livres rouges pour accessoires, la province entière du Heilongjiang devient une estrade. En fait c’est la Chine toute entière qui monte sur une scène soumise à l’omniprésence d’une invisible diva dont les représentations se glissent dans tous les recoins de la société. Tout acte est minutieusement programmé, souvent de la plus cruelle et machiavélique façon, et magistralement dirigé. Le scénario prend pied dans le réel. La pièce distribue un rôle à chacun ; une pièce aux figurants multiples, avec ou sans texte, souvent rendus brutalement muets. Li ne nous cache rien —humiliation, lâcheté, cruauté—, son témoignage est imprégné d’une terrifiante humanité.

Nous lui serons toujours reconnaissants d’avoir pris tant de risques pour préserver ses images au moment où nombre de ses confrères acceptaient de voir détruits leurs négatifs politiquement "négatifs". Comme nous sommes reconnaissants à l’auteur des auto-portraits, soucieux de laisser une trace de son existence et de ses rêves d’individualité, d’élégance, et d’un monde meilleur. Mais il est ici question d’Histoire, ce que Li Zhensheng n’a jamais perdu de vue. Un besoin de se souvenir et de revisiter ce temps étrange et terrible que fut la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine.

http://red-colornewssoldier.com/F-introduction.html

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