Accueil > 1939-2009 : il y a soixante-dix ans prenait fin la guerre d’Espagne

1939-2009 : il y a soixante-dix ans prenait fin la guerre d’Espagne

Publie le samedi 28 mars 2009 par Open-Publishing
7 commentaires

de Nestor Romero

70 ans : le 26 janvier 1939 Barcelone tombe. Les « chemises noires » italiennes parviennent sur les hauteurs du Tibidabo puis les troupes de Franco progressent dans une ville silencieuse. Les habitants qui n’ont pas fui se terrent dans les profondeurs du métro ou se rencognent derrière leurs volets clos.

Les réfugiés, civils et combattants, se pressent vers les Pyrénées dans l’espoir d’échapper à la répression. Ils seront quelque 500&,nbsp ;000 à passer en France à partir du 28, date à laquelle le gouvernement français se décide enfin à ouvrir la frontière.

De nombreuses manifestations, hommages et commémorations vont marquer dès maintenant ce soixante-dixième anniversaire de la « retirada », la retraite, particulièrement dans la région Midi-Pyrénées (signalons, au hasard, le colloque « La guerre d’Espagne et l’histoire de France » les 6 et 7 mars à Nérac et l’exposition « Exils d’hier et d’aujourd’hui » les 21 et 22 mars à Souillac, toutes les manifestations sur le site Espagne au cœur de Charles Farreny).

Mais pourquoi tout cela, toute cette énergie consacrée à l’évocation d’un événement survenu dans un pays qui, après avoir été un empire, n’était plus qu’une région rabougrie dans un monde tourmenté ?

Eclairer le présent par les enseignements tirés du passé

C’est là une première question à laquelle sans doute on ne manquera pas de répondre au cours de ces nombreuses réunions, comme à bien d’autres. Car il est toujours un peu vain de sacrifier au devoir de mémoire sans autre raison que la mémoire elle-même, laquelle, en effet, si elle ne se donne pas pour mission d’éclairer le présent par les enseignements qu’elle permet de tirer du passé, risque fort de n’être rien d’autre que pure ratiocination.

Ainsi donc, comment se fait-il que l’écho de la guerre dite « civile » espagnole (elle fut plutôt internationale) retentisse encore ainsi et qu’il éveille toujours tant de passion dans les débats et tant de controverses farouches entre les innombrables histoires qui en sont écrites ?

Faut-il en chercher les raisons dans le conflit lui-même dont on a dit et redit les horreurs commises dans les deux camps comme si depuis lors d’autres horreurs n’avaient pas, ne sont pas, commises et d’une autre ampleur ?

Faut-il rappeler une structure sociale qui permettait à un individu, Medinaceli, Alba ou Sotomayor, de posséder des dizaines de milliers d’hectares de terre dont une bonne part était en friche ?

Faut-il rappeler le caciquisme et la bénédiction donnée à tout cela par une église qui se dressa, elle la première, contre la République dès sa proclamation en 1931 pour en appeler à la croisade ?

Ou faut-il s’interroger sur les raisons pour lesquelles dans ce pays, le seul en Europe, la tendance « anti-autoritaire » issue de la Première Internationale bénéficia d’une telle faveur, d’une telle ferveur au point de permettre l’émergence de la plus importante organisation ouvrière du pays, la « Confederación Nacional del Trabajo » qui comptait en 1936 plus d’un million d’adhérents quand le Parti communiste n’en comptait que quelque trente mille ? (En outre, les positions d’une partie importante de l’UGT et de l’aile gauche du PS étaient proches, depuis l’insurrection dans les mines asturiennes de 1934, de celles de la CNT.)

Mais alors il faudra s’interroger sur le processus qui en une année fit du PC la force dominante du camp républicain, il faudra tenter, fuyant la passion, d’en appeler à la raison pour comprendre cette guerre civile dans la guerre civile qui vit s’affronter en mai 1937 à Barcelone puis à la fin de la guerre à Madrid militants du PC, de la CNT et du Poum (Partido Obrero de Unificación marxista).

Des combattants sacrifiés sur l’autel de la diplomatie la plus cynique

De sorte que l’on en viendra nécessairement à s’interroger sur le contexte international, sur l’attitude des démocraties, de la France et de l’Angleterre mais aussi des Etats-Unis, et sur la signification du Pacte de non-intervention mis en place dès août 1936 sans oublier l’Union soviétique et ses livraisons d’armes. A qui et à quel prix ?

Comme il faudra s’interroger sur l’attitude des puissances alliées à l’égard des combattants espagnols qui après sept années de combats contre le fascisme et le nazisme sont sacrifiés sur l’autel de la diplomatie la plus cynique.

A titre d’illustration, il n’est sans doute pas inutile d’évoquer deux faits significatifs parmi tant d’autres : les gouvernements français et anglais reconnaissent formellement le « gouvernement de Burgos », donc Franco, le 27 février alors que la guerre se poursuit dans le Centre et qu’elle ne prendra fin que le 31 mars. Par la même occasion la France nomme Philippe Pétain ambassadeur auprès du même Franco, lequel qualifie le Maréchal « d’épée la plus scintillante de l’Occident ».

Daladier, en outre, remet à Franco les armes destinées aux républicains mais retenues en France. Il remet enfin à Franco l’or que le gouvernement de la République avait confié à la Banque de France en 1931 comme garantie d’un prêt, stock évalué à 27 millions de dollars.

Et puis, à la fin de la guerre mondiale, le général De Gaulle est reçu le 16 septembre 1944 à Toulouse par le jeune colonel Ravanel qui raconte ceci dans « Républicains espagnols en Midi-Pyrénées » (Presses universitaires du Mirail, 2004) :

« Je les fis défiler (les “guerrilleros” espagnols qui ont combattu sous ses ordres) devant le général De Gaulle le 17 septembre 1944 au côté des unités de la Résistance française. Ils portaient des casques pris aux Allemands peints en bleu et étaient précédés d’une automitrailleuse capturée à l’ennemi. Le général De Gaulle s’offusqua de leur présence. »

Il convient de rappeler à cet égard que trente ans plus tard le même De Gaulle n’hésitera pas (au grand désarroi de Malraux) à serrer la main de Franco, cette main qui entre autres avait serrée celle de Hitler à Hendaye. Entre grands hommes au soir de leur vie...

Mais surtout il ne faudra pas oublier à l’heure de ces commémorations les millions de réfugiés d’aujourd’hui, de ces réfugiés de toutes sortes, réfugiés de guerres aussi atroces que celle d’Espagne, réfugiés de la misère, réfugiés de l’inégalité dans le monde, réfugiés de l’indifférence, tous, eux aussi réfugiés politiques, car la misère et l’inégalité n’ont pas cessées d’être politiques. Et le meilleur hommage que l’on pourrait rendre aux réfugiés de 1939 ne serait-il pas de convoquer la raison pour tirer de leurs « andanzas », leurs errances, les enseignements propres à soulager les réfugiés d’aujourd’hui ?

http://www.rue89.com/restez-assis/2...

Messages

  • Des compagnons de la brigade Durrutti ont continué à combattre en espagne jusqu’en 45.

    • Des Communistes aussi, trahis comme tous les Républicains par la capitulation des dirigeants socialistes à Madrid (ce qui ne servit à rien qu’à accentuer la répression franquiste) qui ont tenté un retour dans la foulée de la victoire de 45 sur les nazis, les fascistes et la Collaboration, victoire de la Résistance dans laquelle ils ont pris toute leur place. Soyons dignes d’eux.

  • Il faut aussi se souvenir de la division entre les forces de Gauche conduisait déjà à la catastrophe ! Ils en ont pris pour 30 ans de Franco ! Et nous 30 ans de Sarko ?

  • Rendons le plus grand hommage à ces combattants de la liberté qui défendaient une jeune république démocratique ( vote des femmes, confiscation des terres pour les paysans, protection sociale etc....) au milieu de la montée en Europe des dictatures et des répressions fachistes.
    Pour en savoir plus, je vous conseille d’aller voir le musée du souvenir sur tous ces combattants de la LIBERTAD ouvert en 2007 à la Jonquères en Catalogne Espagnole à 18 Km de Perpignan depuis l’Autoroute A9. ( ce musée se nomme le MUMI).
    Une visite qui vous plonge dans une époque de tout les combats pour le maintien d’une république assaillie par les anti démocrates de l’Europe entière et surtout par la France elle aussi république qui laissa tomber sa jeune voisine.

    HASTA LA VICTORIA SIEMPRE car le combat continue sous d’autres formes car les fachistes sont toujours là à faire reculer les avancées sociales et les libertés individuelles.( résistons en France en Europe et dans le Monde).

    • Je salue tous les combattants de la guerre d’espagne. Le peuple espagnol a lutté courageusement. Abandonné par toutes les nations dites démocratiques, il a dû rendre les armes. Mais cette guerre fut un moment important de la lutte des peuples contre le fascisme. Mon oncle y laissa la vie. En 1938, ma grand-mère reçut le courrier suivant : Juan Rodriguez Zarzalejo, jefe de la Cien Brigada Mixta de la Once Division, Certifico que don Francisco Morales ... fallecio en actos de servicio al tercer Bataillon de esta Brigada, fallecio en actos de servicio defindiendo el gobierno de la Républica el dia 15 de 1938 en el frente de l’Ebro en combates con el enemigo. Constandome en todo momento que su actuacion fué légal.
      En bref, Francisco Morales ... a été tué en actes de service au troisième bataillon de cette brigade en défendant le gouvernement de la république le 15 août 1938 sur le front de l’Ebre lors de combat contre l’ennemi. A tout moment son action fut loyale.
      Quelqu’un parle ici de Durutti .. c’est un homme est un héros .. il est entré dans la légende.

  • A voir : "No Passaràn", documentaire très intéressant de Henri-François Imbert sur la retirada et l’accueil honteux qu’a réservé la France aux républicains espagnols. Les premiers camps de concentration sont à Argelès, au Barcarès ou encore à Bram dans l’Aude. Certains mèneront directement à Mauthausen...

    Ciao
    - ColiN -