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Deux témoignages d’enseignants . Vus sur http://cetace.org
Leo :
Question que je me pose de plus en plus souvent.
Huit ans d’ancienneté, 1600 euros nets, et le constat que je n’exerce pas le métier qui correspond aux concours que j’ai passés. En huit ans, les conditions de travail se sont considérablement détériorées. Les élèves sont devenus particulièrement pénibles, en collège notamment. Le sentiment de devoir lutter sur trois fronts : administration-familles-opinion publique est très présent.
Je pense que chacun d’entre-nous le vit de plus en plus mal.
La nouvelle année est l’occasion des voeux, ça ne mange pas de blinis, encore moins de caviar.
Je souhaite donc que la profession recouvre une partie de la dignité qu’elle a laissé s’évaporer dans les effluves pédagogistes, l’illusion pour certains de jouer un rôle social positif en faisant semblant d’enseigner, et en faisant semblant d’évaluer les élèves, et le déni face à l’indispensable défense du Statut.
Le négationnisme également face au refus de prendre en compte comme cause majeure de ce qui nous arrive le contexte politique d’une mondialisation capitaliste désormais sans entrave.
Le métier de professeur à l’Ecole publique est menacé de mort.
Il ne s’agit pas d’un meurtre, mais d’un assassinat, car prémédité de longue date.
Nous avons besoin du soutien de la société dans son ensemble. Nous avons besoin que nos syndicats, le premier d’entre-eux en particulier soient beaucoup plus offensifs. Mais si nous-mêmes ne nous mobilisons pas massivement, personne ne le fera à notre place, et l’échec sera assuré.
Je ne ferai alors plus semblant d’enseigner, et laisserai très volontiers un autre privilégié prendre ma place.
Amer
Inscrit le : 12 Oct 2005
Messages : 19
Posté le : Dim Déc 31, 2006 7:05 pm
Même constat et désespoir. Mais j’en rejette particulièrement la faute à une grande partie de nos collègues qui ne sont plus ce que l’on pourrait penser ! Dans les années 80, les enseignants faisaient de la politique, lisaient les journaux et allaient au théâtre ou au concert. C’étaient en gros "des intellectuels" (aboutis ou pas, abrutis ou pas, ils avaient un minimum de conscience de classe, de réactions, de princpes républicains, de culture).
Aujourd’hui, une salle des profs, ce sont des collègues qui ne connaissent même pas les statuts qui les régissent, qui ne lisent aucun journal, ne consultent internet que pour aller sur priceminister, ne s’informent qu’avec la grand messe du 20 heures. On y parle plus des mioches de nos collègues trois fois mamans que de la chose politique ! Avec les changements qu’on nous prépare, il y en a un paquet qui va crever sur place ou surtout qui va jarreter ailleurs en se faisant bouffer par l’autre partie.
Quand chacun devra sauver son poste en manoeuvrant pour que des heures soient attribuées à sa matière (parce que ceux qui la joueront collectif seront hélas minoritaires), c’est à coups de poings que se joueront les choses. Et ce sera pire que dans le privé, car il n’y a pas d’institution prudhommale et l’administration est toute puissante. Il faudra choisir entre broyer ou être broyé. Et qui favorise aujourd’hui cet avenir tout rose ? Justement ceux qui ont le plus à perdre. Pourquoi ? Parce qu’ils ont peur de se battre, tout de suite ou demain, et ils pensent que ce seront le grandes gueules qui se feront virer les premiers des établissements. Ils pensent qu’en faisant profil bas et de la lèche, ils sauveront leur poste et en seront juste à compatir hypocritement sur la perte de celui du voisin.
Alors si malheureusement on en arrive là, je dis tout de suite que pour moi ce sera "pas de quartier". Tant pis pour tous les petits collègues qui n’ont jamais fait une grève de leur vie, ne l’ont jamais ouvert !
Messages
1. 2007, année de ma démission ?, 3 janvier 2007, 19:19
A la disposition de chacun, un livre incontournable où c’est le fond qui manque le moins.
Ecole : mission accomplie ; Pierre Bergounioux
Bonne lecture.
léo
2. 2007, année de ma démission ?, 3 janvier 2007, 19:47
C’est très bien vu et redoutablement vrai, malheureusement. Mais, ça fait toujours du bien à quelques uns de cogner sur les profs, surtout ceux qui ne connaissent pas leurs conditions de travail. Je me bats auprès du secrétariat national pour que le SNES soit plus offensif. Le problème est que, de plus en plus, les jeunes se la jouent perso et ne se syndiquent pas. Je n’ai de cesse de leur répéter qu’ils ont tort. Pour moi, à 5 ans de la retraite, ce ne sera pas encore trop grave, mais pour eux, ça craint !
Jean-Michel Hureau
Secrétaire du SNES-FSU Chili
1. 5 ans de la retraite, 3 janvier 2007, 21:56
5 ans de la retraite c’est encore loin ! La LOLF (Loi organique relative aux lois de finances) commence déjà à donner toute sa mesure. Les conventions signées entre les collèges et les Conseils généraux des différents départements participeront à la mise au pas des moins coopératifs. La création des "conseils pédagogiques" dont les responsables risquent d’être choisis en fonction de leur docilité finira de neutraliser les plus récalcitrants. L’élargissement des compétences des Conseils d’administration aux "commissions permanentes" participera à la transformation de ces mêmes Conseils d’administration en chambres d’enregistrement. La transformation des chefs d’établissement en chefs d’entreprise autorisés à recruter directement leurs équipes achevera cette mise au pas à marche forcée. Il n’a fallu que trois ans pour que cette nouvelle ambiance s’installe dans les établissements. Les décrypteurs aguerris du système qui est le nôtre pouvaient en faire la prédiction précise avant que la réalité leur donne raison. Comme cela était prévu et comme la logique libérale l’exige c’est maintenant aux salaires que le système s’attaque. Blocage des salaires, ceux qui voudront gagner plus devront travailler plus (temps de travail hébdomadaire d’un enseignant du secondaire selon le Sénat : 40 heures, temps de travail déterminé par les syndicats 42 heures. Quel jeune collègue réussit à faire moins de 45 heures par semaine ?). Les retraites seront donc calculées sur des salaires qui ont cessé d’évoluer... Parce qu’il ont fait des études et n’ont commencé à cotiser qu’à 25 ans, parce qu’ils sont usés par des élèves véritablement déstructurés par une société aliénante, certains des collègues qui partent en retraite atteignent avec difficulté un pourcentage de 65 % de leur dernier salaire. 10% de perdu en trois ans... et cette tendance s’accentue inexorablement. A quand aussi le paiement à l’heure effectivement donnée ?
La logique de démantèlement de notre système est implacable et pendant ce temps, 10% de la population possèderait 47% des richesses... Le formatage idéologique tous azimuts auquel tous les citoyens de notre pays sont soumis n’épargnent malheureusement pas les enseignants. Le phénomène de désyndicalisation qui touche massivement les salariés du privé affecte aussi les salariés du public eux-mêmes de plus en plus précarisés. Beaucoup sont persuadés qu’ils pourront tirer leur épingle du jeu en faisant preuve de zèle et en se fondant dans le moule qui leur est imposé. Ce faisant, ils font le choix de l’individualisme, celui-là même qui sert les intérêt du libéralisme par l’atomisation de ceux qui sont principalement à l’origine de la richesse de ce pays (21 millions de salariés)...
On ne croit à l’accident qu’après l’accident. La majeure partie des salariés s’assurent pour se prémunir collectivement d’un accident. Ne pas se syndiquer c’est estimer que les conditions de travail peuvent se défendre toutes seules... Or les conditions de travail sont un élément essentiel de la qualité de vie. Beaucoup d’enseignants, comme beaucoup de salariés souffrent. Cette souffrance devrait les rapprocher. Peut-être n’est-elle pas encore suffisante ? Il faut le dire crûment, nous sommes indignes de beaucoup de nos anciens et des combats courageux qu’ils ont su mener pour notre confort d’aujourd’hui.
"Pour être esclave, il faut que quelqu’un désire dominer et qu’un autre accepte de servir." Discours de la servitude volontaire Etienne de la Boëtie.
PS : 5 ans c’est long surtout si l’âge de la retraite risque de passer à 65 ans au lendemain des élections présidentielles...