Accueil > 25 AVRIL : LA RESISTANCE CONTINUE
de Antonella Mangia triburibelli.org
"Bella ciao" sont les deux mots plus fameux dans le monde entier de la chanson
de nos partisans. Ils sont devenus un peu comme le drapeau multicolore de la
paix : un symbole, indépendant du territoire et du peuple qui l’a proposé pour
devenir universel, avec sa charge de symbolisme, de lutte à laquelle il fait
allusion, d’indication de cet espoir qui anime tous les ’partisans’ d’un autre
monde possible, meilleur, plus libre et plus juste. Notre Résistance, peut-être
parmi les rares exemples au monde de lutte de peuple qui se libère de la tyrannie
et de la monstrueuse violence homicide du nazi fascisme, en jetant les prémisses
de celle qui sera après la Constitution Républicaine Italienne, est désormais
dans l’ADN du peuple italien ;...
... si on lit, même distraitement, les dizaines et dizaines d’initiatives qui
sont en chantier pour le 25 avril, une réflexion semble obligée : cette fête,
après des années pendant lesquelles elle n’était que la célébration rituelle
d’un évènement historique, est devenue depuis à peu près dix ans le sang et la
lymphe qui coulent à nouveau dans les veines du peuple de la gauche, des jeunes
antagonistes, du peuple de la paix, de ceux qui ne se rendent pas à la férocité des
lois de la globalisation et de la guerre comme ordre constituant du nouveau monde,
unifié par les enseignes des Mc Donalds et de la "pensée unique".
Aujourd’hui nous pouvons appeler "Résistance" tout le fourmillement d’initiatives,
de luttes, de travail bénévole sur le territoire pour soutenir les classes les
plus pauvres, l’activité pour la dignité des Pays du Tiers Monde, les caravanes
de paix, l’interposition pacifique dans les Territoires occupés de la Palestine,
la diplomatie d’en bas, l’opposition créative à la réduction de l’homme et de
la femme en marchandise "variable" et excédentaire, soumise aux besoins du capital.
Aujourd’hui ’Bella ciao’ signifie pour nous tant de choses qui étaient certainement
dans les rêves qui ont poussé des hommes et des femmes dans les lointaines années
sombres, quand le nazi fascisme dominait, à prendre non seulement la parole mais
aussi le fusil et à se libérer de l’oppression. Mais il y a là une fausse note
qui empêche que les comptes soient justes : les guerres, de plus en plus sanglantes,
auxquelles l’Italie participe en violation de cette Constitution née de la Résistance ;
un outrage qui se perpétue tous les 25 avril, quand les célébrations officielles
ne disent rien de l’usage que pendant ces dernières années (au Kosovo, en Afghanistan,
en Irak) on est en train de faire de nos forces armées : pourquoi une armée qui
devait être populaire (c’est à cela servait le service militaire obligatoire)
et de paix s’est-elle progressivement transformée en une armée de professionnels ?
Des professionnels qui, sous couvert de mystifiantes opérations de peacekeeping,
font la guerre dans des territoires lointains, à des peuples qui ne sont certainement
pas en train de nous envahir ni de menacer nos libertés constitutionnelles ! Et
si ces peuples résistent, comme nous avons fait face au nazi fascisme, nous appelons
leur résistance ’terrorisme’. Nous pourrions discuter longtemps pour savoir si
la civilisation, les us et les coutumes, l’organisation étatique et institutionnelle
que ces peuples adopteraient, au cas où on les laisserait libres de s’autodéterminer,
sont proches, acceptables, compatibles avec notre sensibilité démocratique, avec
notre vision du monde, avec notre conception des rapports citoyens et interpersonnels.
Mais cette discussion ne pourrait jamais arriver à la conclusion que, comme notre
civilisation est ’supérieure’ alors nous devons l’imposer même par les armes.
Mais c’est pourtant à cette conclusion que l’on veut nous faire sournoisement
arriver aujourd’hui : et dans ce jeu de miroirs qui nous contraint à nous ranger
d’un côté ou de l’autre, le terrorisme joue un rôle déterminant parce que si
tout est terrorisme (au moins selon les input transmis par les médias), des manifestations
des chiites qui protestent contre l’invasion américaine de l’Irak aux attentats
qui massacrent les enfants irakiens, des épisodes continuels de résistance populaire
contre les occupants, y compris contre les Italiens, aux voitures piégées qui
sèment mort et terreur, alors parler de ’Résistance’ devient embarrassant, parce
que celle que nous avons connue grâce aux livres d’histoire, aux récits des protagonistes,
aux valeurs qui nous ont été transmises est légèrement différente.
Attendu que même cela n’est pas complètement vrai, parce que la Résistance italienne
n’a pas été une cordiale discussion parlementaire mais une guerre de peuple avec
des armes, des bombes et des attentats, des morts et des blessés, il reste certainement
une différence historique, conceptuelle, programmatique, à fondement idéal : mais
ceci ne peut pas être un alibi pour ne pas voir ce qui est en train de se passer
en Irak : un pays certainement pas théocratique, un pays laïque jusqu’à il y a
quelques mois, où même les normes du droit civil étaient parmi les plus avancées
du Moyen Orient, qui est en train de glisser vers une pente dangereuse où fondamentalisme
religieux et terrorisme sont en train de saper à la base toute possibilité d’une
autre hypothèse, celle d’un autogouvernement laïque, non violent, démocratique.
Au delà de la défaite et/ou de la victoire sur le terrain des troupes américaines
et alliées, je pense qu’un dégât peut-être déjà irréparable à été causé à la
société irakienne, un dégât qui peut s’avérer encore plus grave que le pillage
des puits de pétrole et des ressources économiques du pays : avoir privé un peuple
de la dignité de qui combat sa guerre de Résistance, avec toutes les conséquences
explosives et la force transformatrice de la réalité que ce combat comporte,
en termes de libération globale d’hommes et de femmes et certainement pas pour
l’affirmation de nouvelles théocraties ou dictatures religieuses.
Peut-être aujourd’hui, pour donner un sens accompli à notre Résistance, devrions-nous
revendiquer aussi pour le peuple irakien le droit de résister, de résister contre
toute invasion mais aussi contre toute transfiguration de son corps social et
politique en une dictature obscurantiste, hors de l’histoire, des gardiens des
textes sacrés ou, encore pire, enrobé dans un ordre imposé par la terreur qui
déchire des corps innocents d’enfants, de femmes, de civils.
Traduit pour Bellaciao par Karl et Rosa
28.04.2004
Collectif Bellaciao