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A Belleville, la politique répressive de Nicolas Sarkozy provoque des tensions croissantes (le temps

Publie le vendredi 12 octobre 2007 par Open-Publishing
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La bataille de l’immigration fait rage à Paris

FRANCE. A Belleville, quartier bigarré et rebelle, la politique répressive de Nicolas Sarkozy provoque des tensions croissantes. Reportage.

Sylvain Besson, Paris
Vendredi 12 octobre 2007

« Les descentes de police, ici, c’est tous les jours. Ou au moins, tous les deux ou trois jours. » Ce cafetier de la rue de Belleville, un quartier pittoresque de l’est parisien, en sait quelque chose : jeudi dernier, une escouade d’agents en civil et en uniforme ont encerclé son établissement, avant d’inspecter son registre du personnel, puis ses extincteurs. « La semaine précédente, les gens de l’hygiène publique sont venus examiner nos poubelles », ajoute le cafetier qui ne souhaite pas être identifié « pour ne pas avoir d’ennuis ».

Tests ADN, défenestrations, pression sur les écoles

En réalité, tout le monde ici sait bien ce que cherchent les autorités : des immigrés clandestins, ou « sans-papiers » dans la terminologie de la gauche française. « En ce moment, ça n’arrête pas, constate Sophie Manceau de Lafitte, une libraire de la rue de Belleville. La pression policière s’est intensifiée, ils doivent faire du chiffre, donc ils arrêtent à tire-larigot. »

Cette année, Nicolas Sarkozy a demandé à l’administration de procéder à 25000 expulsions d’immigrés clandestins. Le sujet est source d’intenses débats en France : ces derniers jours, le projet de test ADN pour dépister les fraudes au regroupement familial a suscité un tollé, tandis qu’un musée consacré à l’histoire de l’immigration ouvrait ses portes à Paris (lire encadré).

Après les lointains territoires de Guyane et de Mayotte, Belleville est le front le plus actif de l’offensive contre les clandestins. Le 21 septembre, une Chinoise terrifiée par la venue de policiers dans son immeuble s’est tuée en se jetant par une fenêtre. Selon un tract signé par plusieurs associations et le maire de Paris, il s’agit de « la cinquième défenestration d’un étranger sans papiers en deux mois ». En mars dernier, à deux rues de là, l’arrestation d’un Chinois venu chercher ses petits-enfants à l’école avait provoqué une altercation entre policiers et parents d’élèves, qui s’était réglée à coups de matraques et de gaz lacrymogène.

La pression, notamment celle qui s’exerce sur les écoles fréquentées par les enfants de clandestins, suscite une résistance croissante à Belleville. En juin, une vaste descente de police ciblant les nombreux magasins et restaurants chinois du quartier avait déclenché une manifestation de rue spontanée. Samedi dernier, la communauté chinoise a défilé en hommage à la clandestine défenestrée. Certains habitants sont devenus « parrains » de sans-papiers, et les aident dans leurs démarches pour éviter l’expulsion.

Ce début de révolte s’inscrit parfaitement dans l’histoire de Belleville. Le quartier a la réputation d’être à la fois un haut lieu de l’esprit parisien - gouaille, esprit fondeur... - et un bastion historique des mouvements d’extrême gauche. Surtout, il a toujours servi d’aimant pour les immigrés de toutes origines.

« Au début, Belleville attirait les migrants de province, explique l’historienne Claire Zalc, une spécialiste de l’immigration qui habite le quartier. Puis il y a eu les juifs polonais, les Italiens... Ils se sont succédé dans les mêmes immeubles, les mêmes industries », notamment la confection et le cuir. Aujourd’hui, l’attrait de Belleville s’explique par la présence de bâtiments vétustes, donc bon marché, et la possibilité de trouver du travail dans des secteurs intensifs en main-d’œuvre comme la construction, la restauration ou la garde d’enfants. « C’est un quartier de primo-migrants, ajoute Claire Zalc. Quand on réussit, on part. »

Les dernières couches d’immigrés, arabes, africains et asiatiques, sont venues s’ajouter au capharnaüm bellevillois. Hôtels borgnes, bazars luminescents et curieux magasins alternatifs y côtoient des boucheries kasher et des restaurants vietnamiens. On y parlerait 86 langues. Les immigrés, clandestins ou non, y trouvent tous les services dont ils ont besoin : vente de cartes téléphoniques, service de transfert de fonds, sans oublier les « marchands de sommeil » qui offrent des logements misérables aux nouveaux arrivants.

Des policiers renâclent

Peu d’habitants croient que les récents déploiements des forces de l’ordre viendront à bout de cette pompe à immigrés qu’est Belleville. Pour la libraire Sophie Manceau de Lafitte, c’est l’inverse qui pourrait se produire : « Certains policiers commencent à renâcler, soit parce qu’ils pensent que cela ne sert à rien, soit parce qu’ils jugent que c’est moralement inacceptable. »

Cité de l’immigration : Genève participe
Sylvain Besson
La Cité nationale de l’histoire de l’immigration, qui a ouvert ses portes mercredi à Paris, accueillera l’an prochain une exposition conçue par le directeur du musée d’ethnographie de Genève, Jacques Hainard. Elle sera consacrée aux événements de l’année 1931, date d’une vaste expédition ethnographique française en Afrique, mais aussi d’un recensement qui avait permis de chiffrer la population immigrée en France.

Jacques Hainard admet s’être posé des questions après la création, au printemps dernier, du Ministère de l’immigration et de l’identité nationale promis par Nicolas Sarkozy. Elle avait provoqué la démission de huit chercheurs associés à la Cité. « On s’attache à défendre les faits historiques, sans porter de jugement », explique aujourd’hui Jacques Hainard. Selon lui, « la Cité est un excellent lieu, qui va susciter le débat. »

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