Accueil > A Neuilly, pas de HLM mais quelques "logements familiaux"

A Neuilly, pas de HLM mais quelques "logements familiaux"

Publie le jeudi 27 décembre 2007 par Open-Publishing

A Neuilly, pas de HLM mais quelques "logements familiaux"
Par Elisa Mignot (Etudiante en journalisme) 18H24 26/12/2007

Boulevard d’Argenson (Wikiman1/Wikipedia)

"Des HLM ? Mais non, il n’y a pas de HLM ici, ce sont des logements familiaux", répond une dame emmitouflée dans son écharpe quand on lui demande où sont les HLM de l’avenue du Roule, à Neuilly. Pourtant, sur le chemin qu’elle emprunte chaque jour pour aller à son travail, plus précisément au 62-68 de l’avenue, se trouvent bien des Habitations à loyer modéré. Au rez-de-chaussé, une crèche, au-dessus, des logements sociaux. Juste à côté, d’autres sont en construction, avec un théâtre.

 "C’est un HLM de luxe, s’amuse une fleuriste de la grande artère neuilléenne, allez voir, ça vaut le coup." Il ne s’agit pas de tours mais de beaux immeubles qui se fondent remarquablement bien dans le très chic paysage neuilléen. Ici, on les appelle "logements familiaux" plutôt que HLM. "Logements familiaux... on s’adapte à la clientèle de Neuilly, commente un agent immobilier qui fume sa cigarette en regardant le bâtiment. C’est très bien fait. Et il n’y a que des gens d’ici. On garde la culture de Neuilly. C’est mieux comme ça."

"Aucun problème de mixité sociale"

Des HLM à Neuilly, il n’y en avait pas il n’y a pas si longtemps. Depuis peu, il y en a. Un peu. Ces logements sociaux sont devenus -surtout au moment où on s’est intéressé à Nicolas Sarkozy- le symbole d’une ville de riches pour les riches, d’une ville de l’entre-soi où les plus démunis n’ont pas leur place.

Il y a 954 HLM aujourd’hui dans la commune, sur un total de 35000 logements. Soit moins de 3%. En 2001, il y en avait 391 (un peu plus de 1%). "La courbe est quand même assez spectaculaire", s’exclame Antoine Masson, directeur du cabinet du maire (UMP) de Neuilly, Louis-Charles Bary, en montrant un petit graphique en noir et blanc. Et ce malgré les deux contraintes régulièrement invoquées : le manque de terrains disponibles et le coût très élevé du foncier (plus de 7500 euros le mètre carré).

"Tout ce qu’on a fait depuis 2001, c’est du HLM, du HLM, du HLM, ajoute-t-il. En 2009, on sera à 1490. On est sûr de ne pas payer la pénalité jusqu’en 2009, voire même 2010."

La pénalité, c’est la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) qui l’impose aux villes qui n’en font pas assez pour respecter le quota de 20% de logements sociaux à atteindre en 2020. Neuilly l’a payé une fois, en 2004. Pour Antoine Masson, "il n’y a donc aucun problème de mixité sociale". Le directeur de cabinet explique que "les logements sociaux sont très beaux et bien repartis dans la ville" et que "les gens riches sont contents de voir que la construction est jolie".

"Vous savez leur seule préoccupation, concède-t-il, c’est de savoir si le soleil arrivera toujours dans leur salon ou sur leur terrasse..."

Preuve de cette harmonie totale, d’ici fin juin, des HLM seront construits sur l’île de la Jatte, "à 100m de là où habitait l’actuel président de la République !"

Des Neuilléens "carricaturés sur ce dossier complexe"

Pour les candidats aux municipales de mars, impossible de passer à côté du sujet qui fait tant jaser -à l’extérieur de Neuilly en tout cas- et trouve un résonance à l’échelle nationale. Bien sûr, aucun ne compte en faire un thème de campagne, même si tous l’intègrent dans la problématique plus générale de la solidarité. Car à en croire les candidats, les Neuilléens sont plus généreux que ce que l’on croit.

David Martinon, le candidat UMP intronisé par Nicolas Sarkozy, dont il est le porte-parole, en parle "sans complexe ni précipitation" sur son blog de campagne. Dans une "brève" intitulée "Oser parler du logement social", le candidat évoque les Neuilléens "caricaturés sur ce dossier complexe", "désignés comme boucs émissaires" par l’opposition et la presse. Pour lui, Neuilly n’a pas à "rougir de ses efforts". La preuve : elle ne paiera "pas l’amende prévue par la loi SRU".

"David Martinon veut préserver les équilibres, insiste Emmanuel Voguet, membre de son équipe de campagne. Il ne veut pas transformer Neuilly en ville d’habitations sociales." Le candidat compte bien "s’inscrire dans la continuité des trois grands maires qu’a connu Neuilly" (Achille Peretti, Nicolas Sarkozy, Louis-Charles Barry), comme prévu dans son manifeste de campagne.

C’est contre cette continuité que Lucienne Buton, candidate socialiste, s’insurge. Le logement social est le "cheval de bataille" de la conseillère municipale depuis plus de trente ans. Pas un conseil depuis 1983 où elle n’ait posé de questions à ce sujet. Son mot d’ordre :

"Conserver les classes moyennes dans Neuilly. Car il y a aussi des couches moyennes dans la ville, même si elles partent de plus en plus".

La candidate s’inquiète : "Neuilly est en train de devenir un ghetto de riches". "Ghetto", le mot est lâché. Un mot à la mode que les Neuilléens ne comprennent pas. Et pour cause, "la mairie n’a jamais voulu informer la population, explique Lucienne Buton, les besoins ne sont pas connus par la population". C’est, pour la socialiste, le principal problème : on n’explique pas aux gens que Neuilly compte des habitants en difficultés.

Autre critique, que la candidate socialiste partage avec l’opposant de droite de David Martinon, Jean-Christophe Fromentin : l’opacité de l’attribution des HLM. Ce chef d’entreprise, candidat sans étiquette, évoque les rumeurs et le climat de rejet à propos des logements sociaux, lié au sentiment qu’il y a des "coups de pistons."

"Le maire ne doit pas avoir de pouvoir discrétionnaire sur l’attribution des logements, propose-t-il. Sinon, au lieu d’en faire un atout, on en fait un privilège."

Lucienne Buton demande, elle, à ce qu’un office HLM soit créé à Neuilly pour plus de clarté. Pour que ceux qui doivent en bénéficier en bénéficient.

Même si l’on parle -avec des pincettes- de"logement familial", les besoins en logements sociaux sont réels à Neuilly. Dire HLM reviendrait à reconnaître qu’il y a des gens qui en ont besoin dans l’une des communes les plus riches de France. A Neuilly, il n’y a pas que les riches qui ont su rester discrets.

- http://www.rue89.com/2007/12/26/a-n...