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A propos de Jean paul Brighelli

Publie le lundi 13 novembre 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

Jean-Paul Brighelli, 53 ans, prof de français. Il joue le rôle du tribun réactionnaire dans le débat sur la rénovation de l’école qui, selon lui, fabrique de la ségrégation.

Ça vous apprendra
Par Judith PERRIGNON
QUOTIDIEN : lundi 30 octobre 2006

Attention école, zone de turbulence. Mais faut pas croire que ça dérouille seulement dans la cour des jeunes, pendant qu’en salle des profs on devise sérieusement sur les mérites comparés des méthodes de lecture. Ça chauffe et c’est violent, le débat sur la rénovation scolaire. « Pédagogues » contre « conservateurs réacs », c’est un peu les Jets et les Sharks, à l’aigre sauce idéologique, donc sans la musique de Leonard Bernstein. Voilà ce qu’on pouvait lire sur le forum de France 2, au lendemain d’une émission consacrée à l’éducation. « Rester zen ? J’aurais voulu vous y voir... Et puis j’étais investi d’une mission sacrée : ramener les deux oreilles (pas la queue, il en est dépourvu) de Pierre Frackowiak. Mission accomplished, comme dirait le demeuré de Washington », Signé JPB. Pierre Frackowiak, c’est un inspecteur qui ne voudrait pas qu’on bazarde trop vite la pédagogie née des seventies.

JPB, c’est Jean-Paul Brighelli, pourfendeur des crétins et des sans-couilles, comprenez je-ne-suis-ni-l’un-ni-l’autre. C’est lui qui nous intéresse ici, devenu tribun et épouvantail d’un débat dangereusement passionnel.
Il est prof de français, normalien, agrégé de lettres. Il a parcouru collèges, lycées, zep, beaucoup donné dans l’édition scolaire et dans l’édition tout court.

Il est l’auteur de la Fabrique du crétin, véritable best-seller. « Je suis un voyou », dit-il. Il en a les grands airs, les grands mots et aussi les moyens. Le pamphlet est efficace. Faut juste chasser le fumet réactionnaire qui voudrait laisser croire que nos enfants passent plus de temps en sorties pédagogiques qu’en classe. Passer aussi la posture héroïque et médiatique : « Si l’objectif c’est de ne pas leur créer le moindre souci pour qu’ils soient broyés après, alors on est pédago. Mon souci à moi est de les faire transpirer entre 3 et 18 ans, ça leur évitera des déconvenues ensuite, et encore j’en suis pas sûr. » En revanche, il faut retenir d’utiles questions, au sujet d’une ambition culturelle laissée à l’abandon, au sujet d’une, voire deux générations 100 % désirées (pilule oblige) mais plus désirables.

L’école, dit-il, est « la gare de tri des héritiers ». Elle a calibré la formation initiale sur les besoins déclarés de l’industrie et des services. Elle n’est plus au service du savoir, mais d’une société libérale qui cherche une main-d’oeuvre jetable spécialisée et surtout pas des esprits critiques. L’école a mis sur le même plan Fred Vargas et Racine, a revu ses barèmes à la baisse, créé une kyrielle de bacs pro qui permettent d’afficher 80 % d’une classe d’âge au bac, mais combien au final dotés de l’indispensable culture générale ? Résultat, le système est clos, la classe dirigeante endogame. JPB prône l’élitisme contre l’élite qui se perpétue, les vertus de la dictée contre la réforme de l’orthographe, simple capitulation méprisante pour les enfants. Il martèle qu’on ne fabrique pas de citoyens sans les abreuver de culture classique en commençant par Cicéron.

Il conclut, non sans ébranler, que l’étendard de l’égalité a fait le lit de la ségrégation sociale, comme la tolérance a fait celui du foulard de l’islam. A choisir entre la République et la démocratie, JPB choisit la première. Pour son premier poste en ZEP en banlieue parisienne, il avait une classe de première technique. « Nous avons passé deux mois à étudier la poésie précieuse, puis Mallarmé et Valéry. » Parions que le silence rimait avec sa corpulence. Il a choisi l’estrade enseignante comme un comédien, la scène. Il reste très écrasant dans la discussion. Il aime l’affrontement. C’est un coq.

Il chante, chaque matin, l’agonie d’une école que la pédagogie et la méthode globale nées de 68 auraient fait abdiquer. Le joli mois de mai, il en était pourtant. Il a même aimé cette révolte menée par une jeunesse bourgeoise armée de ses classiques. Lui militait à Révolution, mélange de dissidents maoïstes et trotskistes. Il aimait la baston. Et puis... « Il y a ceux qui sont morts à 30 ans et ceux qui sont devenus profs ou patrons de journaux. Au fond, je me demande si ce ne sont pas les gauchistes qui ont inventé la nostalgie. Soit ils ont perdu leurs rêves. Soit ils sont devenus parfaitement odieux. » Lui n’a pas perdu ses rêves. « Les nanas de mon époque brûlaient leurs soutiens-gorge, signes d’aliénation. Les mêmes, devenues chiennes de garde, se penchent avec commisération sur les filles voilées ! »

Encore un qui ne fera pas mentir la théorie du moustachu autoritaire. C’est un gros bosseur, un rouleur de mécaniques, qui écrit, d’une main, une savante monographie sur Stendhal, de l’autre un porno sous pseudo. Cet homme a ses légendes personnelles, et il a l’air d’y croire. « La chose la plus excitante pour lui, c’est lui-même », glisse quelqu’un qui l’aime bien.
Son père était corse. « Il n’avait rien quand je suis né. Quand j’ai eu 6 ans, il est devenu flic, tout en reprenant les études. En 1982, il a fini président de la première université de Corse, à Corte. »

Le petit monde corse de Marseille et les réseaux Defferre ont favorisé ce parcours. Le père laisse le souvenir d’un sanguin, hâbleur, brillant autodidacte, curieux de tout. Le fils lui ressemble. La mère, d’abord sténodactylo, a, au gré des concours, glissé vers l’assistance publique. Elle y était aide médicale et pratiquait des électroencéphalogrammes. « Il y avait chez nous cette volonté typique de l’époque de ne jamais en rester là. » L’été, le gamin retournait passer les vacances au plus près des racines. La famille avait encore une maison à Sagone, au nord d’Ajaccio. Comme tous les Corses ayant grandi sur le continent et développé l’accent marseillais, il voulait (veut encore) en remontrer à ses compatriotes, par le verbe et par les actes. A la fin des années 70, il jouait goal dans les matchs de foot entre jeunes, du côté de Monticello, gardait son jean ultraserré, ses santiags en cuir, se jetait sur chaque ballon et en ressortait les bras en sang.

De la Corse, il connaît les chemins, le GR 20, « seul endroit où on peut perdre quelqu’un ». Il a fait des guides et même écrit une version romanesque de l’assassinat du préfet Erignac ( Pur Porc, Ramsay). Il dit : « En Corse, j’y suis beaucoup allé, mais y a des choses qu’on ne peut pas écrire. Je peux juste vous dire que les gens avec lesquels j’avais des liens sont tous morts. » Renseignements pris, et quoi qu’il aime à laisser entendre, il n’a jamais fait partie de la moindre organisation clandestine, et, s’il a pu nourrir quelques sympathies autonomistes (« Je suis très corse et en même temps jacobin et républicain, chacun se débrouille... » ), il n’a jamais franchi le pas du militantisme. Il ne va plus en Corse.

Il officie aux lycées Joffre et Mermoz de Montpellier. Il vit à 40 kilomètres de là, en pleine campagne, avec sa deuxième femme et deux jeunes enfants de 7 et 9 ans, au milieu de chats, chiens et chevaux. « Je crois beaucoup à cette génération-là. Ils auront 18 ans quand les baby-boomeurs partiront. Y aura un appel d’air. C’est pour ça que je suis si acharné sur ce qu’il faut savoir. » Il a deux autres enfants d’une vingtaine d’années, nés d’un premier mariage. Il vote blanc, ne veut pas de Ségolène, trouve Sarkozy simplement opportuniste (« Il ne serait effrayant que s’il avait des idées constantes »), se laisse draguer par un Robien en besoin de rupture. Sur les blogs des bien-pensants d’en face, on l’appelle « Doriot ». Et il enfle, l’impertinent, telle une grenouille sortie d’une de ces fables de La Fontaine, qu’on donne à lire aux enfants bien instruits.

Jean-Paul Brighelli en 4 dates Septembre 1953 Naissance à Marseille. 1970 Décroche le bac en candidat libre en classe de première. 2005 La Fabrique du crétin (éd. Jean-Claude Gawsewitch). 2006 Une école sous influence (éd. Jean-Claude Gawsewitch).

 http://www.liberation.fr/transversa...

Passage aux Grandes Gueules sur RMC le 9/11/2006 concernant son dernier livre : « Une école sous influence, ou Tarftuffe-roi » (Gawsewitch éditeur).

 http://www.1001podcast.com/podcast/...

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Messages

  • "Sur les blogs des bien-pensants d’en face". Bien-pensant= de gauche. Révolutionnaire = de droite. Anticonformiste = réac. Dérangeant = ultra-médiatisé. Réactionnaire = progressiste. Pensée unique = pensée contestataire. Briser les tabous = rétablir les vieux tabous. La guerre = la paix. La résistance = l’extrémisme. La démocratie = la dictature. La dictature = la démocratie. La réforme = la réaction ...
    Langue de bois médiatique, quand tu nous tiens.

  • Les détails, façon Libé, sur la vie privée de Jean-Paul Brighelli ne m’intéressent guère.

    Mais, avec d’autres, il pose des questions qu’on cherche à enterrer, notamment dans la gauche de gauche. Il s’indigne de voir l’enseignement public devenir un service universel (minimum, à l’européenne). Et si on n’y fait pas attention, la droite et le marché vont s’engouffrer dans l’autoroute que leur offre un dogmatisme pédagogiste qui n’est ni révolutionnaire, ni même de gauche.
    )
    Les acadomia & Co ont déjà commencé.

    Aujourd’hui quelqu’un qui met en cause l’inefficacité des méthodes d’apprentissage de la lecture les plus répandues se fait aussitôt traiter de réactionnaire qui veut revenir à l’autoritarisme du 19ème siècle.

    Le baratin managerial diffusé dans les IUFM à la place de connaissances réelles a-t-il la moindre base scientifique ? Se peut-il qu’il soit un obstacle à une école de qualité pour tous ? L’inductivisme dogmatique est-il révolutionnaire ou plutôt réactionnaire ?

    L’école va mal et ce n’est pas seulement une question de sous. Toutes les méthodes ne se valent pas. Faut-il continuer à cacher la proportion de bacheliers ayant de graves difficultés de lecture ou faut-il chercher à traiter les causes ?

    Un débat sur la dérive des méthodes et des contenus est urgent.

    Il serait irresponsable de le laisser à la droite et à ses médias, comme c’est le cas maintenant.

    Des enseignants comme J-P Brighelli le crient et même si l’indignation rend leur ton parfois agaçant, nous avons beaucoup mieux à faire que de les ostraciser.

    Jean-François

  • Un mec qui est capable de titrer un livre "La fabrique des crétins" méprise ses collègues, les élèves, les anciens élèves... ce qui fait beaucoup de monde.
    Quand mes enfants utilisaient des mots insultants, j’avais coutume de leur dire que l’insulte ne dit rien sur celui qui en est l’objet, mais beaucoup sur celui qui l’utilise. Les parents de ce monsieur ont-ils négligé son éducation ?
    MC