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À quoi sert le Parti socialiste ? Retour sur l’élection

Publie le vendredi 30 novembre 2007 par Open-Publishing
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de Lefebvre Rémi

La place des partis dans le système politique français apparaît paradoxale. Leur centralité dans le jeu politique n’est guère contestable. Ils constituent le principal cadre de la lutte politique et contribue, selon la formule constitutionnelle, à « l’expression du suffrage ». Cette position a été affermie et en quelque sorte institutionnalisée par les réformes de financement de la vie politique qui ont professionnalisé leur activité au risque de les « cartelliser »1. La politique reste une « affaire de partis » qui exercent un quasi-monopole sur la sélection du personnel politique.

La quasi-totalité des candidats à l’élection présidentielle étaient portés par un parti. Il est quasi-impossible aujourd’hui pour un candidat de se présenter à une élection (au niveau local y compris) et d’avoir des chances d’être élu sans avoir été désigné au préalable et pouvoir se prévaloir de la marque partisane. L’investiture partisane constitue un investissement indispensable. La dernière phase pré-électorale a été dominée par les luttes intra— partisanes. Depuis 2002, Nicolas Sarkozy a mobilisé beaucoup d’énergies pour imposer son leadership sur l’UMP2 et en développer les capacités organisationnelles en vue de l’échéance. Le PS et l’UMP ont connu enfin ces dernières années une montée de leurs effectifs militants qui paraît traduire une attractivité nouvelle. Mais dans le même temps les partis politiques semblent dépossédés des fonctions sociales qui leur étaient traditionnellement assignées, alimentant par là— même un diagnostic de « crise ».

Leurs périmètres d’action et leurs assises sociales se rétrécissent. La capacité des partis à structurer l’opinion, à définir l’agenda politique, à créer des loyautés chez les électeurs et à mobiliser des segments de la société semble s’affaiblir. Avec la montée de la volatilité électorale, l’identification partisane, allégeance durable à une organisation, s’érode. La fonction d’intégration sociale et d’encadrement des catégories populaires dévolue aux partis de gauche semble largement en crise. Les réseaux sociaux du PS sont ainsi en voie de rétraction. « La démocratie d’opinion » ou « démocratie du public » (Bernard Manin), à en croire de nombreux commentateurs, supplanteraient « la démocratie des partis ». Dans le processus de sélection des candidats, les partis ne feraient qu’entériner les choix de l’opinion mesurée par les sondages. La démocratisation des procédures de choix qui donne aux adhérents un nouveau pouvoir (vote des militants au PS comme à l’UMP depuis les dernières élections) serait trompeuse : elle occulterait la perte d’autonomie des partis par rapport aux logiques de l’opinion3. Les médias se seraient substitués aux partis dans le rôle de médiation entre l’opinion, le public et les gouvernants, dévaluant le militantisme. Se développe ainsi la croyance que les médias font l’élection beaucoup plus que la mobilisation sociale des partis.

Les partis politiques semblent condamnés à devenir des machines électorales professionnalisés soumises au verdict de l’opinion publique et incapables de la précéder ou de l’éclairer. Quel rôle a joué le PS dans la dernière élection présidentielle ? « À quoi sert le PS4 » en période de campagne ? La dernière séquence électorale a mis à l’épreuve les « fonctions » des partis politiques (on en examinera trois ici : sélection des candidats, définition d’une offre programmatique, mobilisation électorale). Elle a été marquée par une forte dévaluation des ressources partisanes.

VERS LA « DÉMOCRATIE D’OPINION » ? : LA PRIMAIRE SOCIALISTE

L’irruption dans la compétition interne au PS de Ségolène Royal en 2006 tranche singulièrement avec la façon dont se sont déroulées jusque—là les investitures socialistes pour la magistrature suprême et avec les ressources jusque-là essentielles pour être désigné. Tous les candidats du PS à la fonction suprême, jusqu’à 2007, en dépit du changement de la procédure de vote interne, ont exercé à un moment ou un autre les fonctions de premier secrétaire et/ou ont occupé les plus hautes responsabilités nationales (président de la République ou Premier ministre). La candidature de Ségolène Royal introduit une rupture historique (au—delà du fait qu’elle soit une femme). Elle est la première responsable politique à accéder au statut de candidate sans avoir eu à conquérir préalablement le leadership au sein de son parti. Ce fait est d’autant plus paradoxal que la plupart des autres candidats s’appuient sur une forte légitimité partisane : au sein de la droite, réputée réfractaire au « régime des partis », Nicolas Sarkozy s’est imposé comme candidat en se faisant élire à la présidence de l’UMP en novembre 2004, tout comme Jacques Chirac l’avait fait pour le RPR, qu’il n’a cessé de présider de 1976 à 1995.

De son côté, c’est en contribuant à faire de l’UDF une organisation militante que son président François Bayrou a réussi à s’imposer aux notables réfractaires de son parti. De même, Jean-Marie Le Pen, Marie-George Buffet, Olivier Besancenot, Philippe de Villiers dirigent leur formation respective... Non seulement Ségolène Royal n’a jamais gouverné le PS, mais elle n’a jamais non plus été à la tête d’un de ses courants ou sous-courants. Plus, elle n’a siégé qu’à une seule reprise au secrétariat national et au bureau national du PS, les deux instances exécutives du parti, de novembre 1994 à mars 1997. Après la défaite de 2002, elle est soigneusement restée en retrait lors des congrès qui ont suivi. A la différence des principaux ténors du parti, elle n’y a déposé aucune contribution générale ou thématique en son nom propre et n’est montée à la tribune ni à Dijon en mai 2003 ni au Mans en novembre 2005. De même, elle n’a pris qu’une faible part à la campagne en faveur du oui au référendum interne sur le Traité constitutionnel européen (TCE). En bref, Ségolène Royal n’a jamais exercé de fonctions importantes au PS et n’a que peu participé à ses débats internes.

C’est dire si c’est essentiellement parce qu’elle peut s’appuyer sur de bons sondages de popularité puis, depuis novembre 2005, d’intentions de vote, qu’elle tend à s’imposer comme « présidentiable » aux commentateurs et à un nombre croissants d’élus, de responsables et de militants socialistes. Sa force semble alors résider précisément dans cette virginité partisane et dans la présomption de pureté et de renouvellement qu’elle lui confère. Les propriétés sociales et la trajectoire politique de Ségolène Royal sont certes très proches de la plupart des « technocrates » socialistes (ENA, députée en 1988 après un parachutage réussi, plusieurs responsabilités ministérielles). Mais malgré ce profil standard, elle est parvenue à styliser une identité distinctive qui la fait apparaître comme une candidate extérieure à « l’establishment » socialiste. On lui fait crédit dans la presse de bousculer les pesanteurs idéologiques, de faire bouger les lignes, de transgresser les « interdits » et les « tabous ». Ses déclarations sur la délinquance juvénile ou la carte scolaire sont présentées comme transgressant les « dogmes » de « l’appareil », les médias contribuant alors à fortement dévaloriser tout ce qui relève du « partisan ». Son parler vrai et son style participatif subvertissent les codes des professionnels de la politique et les usages partisans.

C’est fort de cette identité et de sa résonance dans l’opinion qu’elle s’impose au PS de l’extérieur en le contournant dans un premier temps puis en accumulant les soutiens en son sein dans un second temps. Devant l’irréversibilité de la candidature Royal, les ralliements de l’appareil se multiplient à la rentrée de 2006 et la candidate à l’investiture parvient à convertir son capital médiatique en ressources partisanes. Sa fortune politique est alors présentée, par la plupart des commentateurs, comme une victoire de la « démocratie d’opinion » sur la démocratie des partis, ces derniers perdant le monopole de la définition de l’offre politique et de la sélection des candidats. Cette explication, par laquelle les journalistes célèbrent et mettent en scène leur propre pouvoir, apparait insuffisante même si elle s’impose dans l’espace médiatique. Ce cadre interprétatif ne rend pas compte de ce qui rend possible la « bulle spéculative » Royal dans l’opinion. Nous avons tenté de montrer, avec Frédéric Sawicki, que le « phénomène Royal » révèle surtout l’absence de clarification idéologique et un électoralisme de plus en plus prégnant.

Ce sont bien les militants socialistes qui ont adoubé leur héraut présidentiel (et non directement les sondages) et c’est dans la logique même de la micro—société que forment les socialistes qu’il faut trouver les raisons du succès inattendu de l’outsider Royal. Les socialistes sont d’autant plus enclins à désigner une femme jugée « providentielle » qu’ils sont affaiblis et repliés sur eux-mêmes. L’horizon des socialistes se borne de plus en plus aux prochaines échéances électorales, le pragmatisme prenant le pas sur toute considération de plus long terme. C’est précisément parce que le PS est désormais principalement une entreprise de conquête de mandats électifs, prêt à tous les ajustements tactiques, qu’un nombre croissant de ses élus et de ses membres sont si attentifs aux verdicts à court terme des sondages d’opinion et font passer au second plan les positions politiques prises par les candidats en présence.

Ces positions idéologiques sont au demeurant largement interchangeables, ce qui favorise la multiplication des candidatures, leur arbitrage par les sondages et la logique de la personnalisation politique. L’absence de ligne claire, associée à la prégnance de l’électoralisme, conduit ainsi à choisir la personnalité la mieux placée à l’instant « t » pour gagner, presque indépendamment de son projet5. La primaire socialiste a constitué, par l’ampleur des commentaires et la publicité à laquelle elle a donné lieu pendant plus de six semaines6, un exercice inédit où logiques internes et externes à l’organisation ont interagi. « L’offre s’est pour partie, mais pour partie seulement, ajustée à la demande finale de l’opinion, relayée par les cadres du PS »7 (on ne comprendrait pas sinon la candidature de Laurent Fabius, peu populaire dans l’opinion, qui obéit à la logique des rapports de force interne). Exercice de démocratie interne, la campagne a été largement tournée vers l’extérieur à travers son intense médiatisation. Elle a ainsi suscité des représentations médiatiques ambivalentes. La procédure de désignation donne à la fois à voir la « vitalité » et la maturité démocratiques d’une organisation qui s’est révélée capable de trancher dans « la transparence » une lutte interne pluraliste par le vote de ses adhérents (ce qui n’a pas été le cas de l’UMP)8. Mais elle met en scène les divisions du parti, les attise, les dramatise, corrode « l’esprit de parti » qui commandait hier de ne pas exhiber publiquement les divisions et les rivalités des « camarades ». Elle abîme en quelque sorte la candidate et son parti, à quelques mois de l’élection 9.

Le stigmate de l’incompétence prêtée à Ségolène Royal est apparu dans la phase de la primaire socialiste10. Cette élection primaire a été constamment placée sous la pression de « l’opinion » et des médias 11. Elle a ainsi été rythmée par les sondages externes (scénarios d’élection présidentielle où était mesurée la capacité des divers candidats à battre le candidat UMP) et internes (qui portaient sur les sympathisants, pourtant non-électeurs à la primaire, la direction du PS ayant refusé de donner les listings des militants). La campagne, fut—elle interne, a vocation à séduire les électeurs dans leur ensemble puisqu’ils pèsent via les sondages sur le processus de désignation. Fait sans précédent, trois débats télévisés, accessibles sur le câble, ont été organisés (les trois meetings étaient ouverts uniquement à la presse écrite).

Le cadrage de la primaire opéré par les médias a privilégié très largement la lutte entre les « éléphants » et dirigeants, accordant plus d’importance au jeu qu’aux enjeux du débat. Les journalistes insistent sur les incidents et controverses qui accompagnent le déroulement de la campagne interne (comme le 27 octobre 2006 lorsque Ségolène Royal est sifflée au Zénith de Paris). Les primaires se déroulent, il est vrai, dans un climat très tendu. Des doutes sont par exemple émis par les partisans de Ségolène Royal sur la neutralité de l’organisation des débats télévisés. Des mandataires sont présents dans la régie du studio pour surveiller les questions qui pourraient être suggérées par oreillette aux journalistes qui animent l’émission. Le 10 novembre est diffusée sur Internet une vidéo dans laquelle Ségolène Royal souhaite imposer aux enseignants 35 heures de présence obligatoire dans les établissements. La candidate dénonce le fait que ses propos ont été tronqués. Le 16 novembre 2006, Ségolène Royal est désignée dès le premier tour avec 60,62 % des suffrages des militants par 81,97 % des adhérents. Elle est parvenue « à faire entrer en résonance l’opinion, les cadres du parti et les adhérents »12. La candidate investie n’a pas un mot pour ses concurrents dans sa déclaration le soir de sa désignation à Melle (ce qui frappe alors l’entourage de Nicolas Sarkozy).

Ses concurrents laissent des messages sur son répondeur qui restent sans réponse. Fort de son score, la candidate prévient qu’elle n’a rien à négocier (Le Monde, le 19 novembre 2006) et elle se pare de sa légitimité populaire (« C’est le peuple qui m’a faite », Les Échos, le 20 novembre 2006). Sa victoire est présentée avec des accents prophétiques comme « une revanche prise sur les éléphants », une rupture dans l’histoire du PS, la fin du parti d’Epinay. La presse de « gauche » (Libération et Nouvel Observateur) invite la candidate à rester différente, « eUe—même », à ne pas se normaliser, parce qu’elle est « gazelle » et pas « éléphant » (Le Nouvel Observateur le 23 novembre). La distance au PS est prescrite médiatiquement puisqu’elle a fait la fortune de la candidate selon les journalistes. La logique médiatique s’exerce aussi comme une contrainte interprétative et de prescription stratégique. La candidate a ainsi à en croire un hebdomadaire « une obsession : comment éviter que les premières images de la candidate nouvellement investie soient celle, ô combien classique d’un raout du PS à la Mutualité avec ses éléphants en rang d’oignons en bas de la tribune » (Le Nouvel Observateur le 22 novembre). L’usage du terme « éléphants » fonctionnera dans la campagne comme un mot de passe qui traduit la stigmatisation des ressources partisanes et de 1’ « appareil ». La primaire socialiste conduit ainsi à un résultat paradoxal : la candidate investie a construit sa légitimité en partie contre ou à l’extérieur de l’organisation.

Devenue après le 16 novembre la candidate « des socialistes », elle cherchera constamment à s’émanciper de cette affiliation partisane, rappelée à l’ordre en cela par les médias.

LA FABRIQUE DU PROGRAMME : DÉMOCRATIE PARTISANE Vs DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE

Outre la sélection des candidats, les partis contribuent également à la définition de l’offre politique par la production d’orientations programmatiques. L’élaboration du projet pour les échéances de 2007 à travers « les états généraux du projet » occupe l’agenda partisan dans la première moitié de 2006. Elle est fondée sur la mise à contribution des militants appelés à être les « coproducteurs » du projet. Les militants enrichissent par des contributions individuelles ou collectives « la trame » d’un projet largement dessiné parce que articulé sur la « ligne du parti » défini par la synthèse du congrès du Mans. Il s’agit en somme de donner le change aux militants sans changer la donne du congrès. La fabrication du projet est à la fois présentée comme un moment d’ouverture sur la société13 et de dialogue militant. La commission nationale du projet élabore un texte de référence qui sert ensuite de support au débat. Elle a la charge de la synthèse de l’ensemble des contributions individuelles et collectives reçues. Henri Emmanuelli présente avec une certaine ironie la méthodologie complexe qui préside à l’élaboration du projet14 : « Nous sommes dans un exercice difficile, mes chers camarades, qui est lié au calendrier : il faut, à la fois, en application des décisions de notre congrès, mettre en oeuvre notre motion de synthèse dans un projet.

Mais il faut aussi respecter les militants, c’est-à-dire ne pas faire le choix à leur place avant qu’ils aient leur mot à dire. Et il faut simultanément ouvrir le dialogue autour de nous avec les associations, les syndicats, les autres partis politiques. Cela crée un certain nombre de contraintes qui créent des obligations [...] Chaque réunion des états généraux du projet sera préparée en étroite liaison avec les fédérations concernées avec les militants de ces fédérations. On ne dira pas : ‘c’est national, poussez vous et ceux qui ont travaillé ici n’ont pas droit au chapitre. Nous allons également inviter les autres partis politiques parce qu’il y a la nécessité de faire vivre le rassemblement de la gauche [...j Il faut faire entrer tout cela dans le temps imparti. Pour ce qui me concerne, cela veut dire ouvrir le dialogue et donner l’image du rassemblement de la gauche. Pour cela, nous avons prévu toute une série de journées qui se décomposent de la manière suivante : le matin, la phase de dialogue, d’écoute, comme il est habituel de dire aujourd’hui, avec tous les intervenants possibles, le plus largement possible et l’après-midi un dialogue public avec restitution des travaux qui seront tenus et puis conclusion politique, le soir avec le premier secrétaire ou moi-même si le premier secrétaire a des obligations extérieures. Plus précisément, comment vont se dérouler les restitutions des travaux ? Qu’allons—nous dire aux gens ? Que verse-t-on débat ? Un certain nombre de propositions seront projetées sur écran et nous dirons : “voilà les propositions sur lesquelles nous réfléchissons, sur lesquelles nous demandons à nos militants de réfléchir et nous les versons au débat”. Ce sera une première épure ».

Le 6 juin, le bureau national valide le texte qui est adressé à tous les adhérents pour le débat et le vote dans les sections et les fédérations. Ce texte est le résultat de la synthèse, réalisée par la commission nationale du projet, à partir de la synthèse du Mans, des actes des états généraux du projet et des contributions des fédérations. Plus de 70 amendements ont été intégrés dans le texte final. La parole est ensuite une nouvelle donnée aux militants.

À l’occasion des échanges dans les sections puis dans les conventions fédérales, des amendements au texte validé nationalement peuvent être déposés qui seront pris en compte par la commission des résolutions réunie lors d’une convention nationale. Jack Lang regrette alors publiquement que les militants n’aient eu qu’une semaine pour amender le texte. Pour les militants les plus aguerris, l’élaboration du projet dans la première moitié de l’année 2006 doit être prise pour ce qu’elle est : un exercice obligé de consensus dans l’attente de la désignation du candidat à l’élection présidentielle. L’essentiel est que chaque candidat ait pu le marquer de son empreinte distinctive. Fabius obtient son « SMIC à 1500 euros », Jack Lang sa « nouvelle République parlementaire », Dominique Strauss-Kahn son « développement solidaire », Martine Aubry son « entrée dans la vie active » (EVA) pour les jeunes... Un membre du bureau national ne confie-t-il pas au moment du vote du texte du projet adopté à la quasi-unanimité (deux abstentions), vendant la mèche avec un brin de cynisme : « Au fond tout le monde s’en fout. Car sur beaucoup de dossiers, on tranchera quand on sera au pouvoir »15. Le statut du projet est par ailleurs marqué de nombreuses ambiguïtés.

Le projet socialiste engagera-t—il le candidat à l’élection présidentielle ? En 2002, quand le PS investit le candidat Jospin (à 99,07 % pour une participation de 69,07 %), Lionel Jospin ne s’approprie pas le projet rédigé et adopté sous la houlette de Martine Aubry. Il met en avant « son propre engagement », « présenté par un socialiste », « inspiré par des valeurs de gauche » et « crédibilisé par la pratique gouvernementale ». Le statut du texte voté en 2006 ne fait pas consensus et donne lieu à une controverse sémantique byzantine (" socle » pour Laurent Fabius ou Arnaud Montebourg, « cadre » pour François Hollande...). C’est sur la base du projet que la primaire s’engage, chacun des candidats se disant tenu par lui. Le premier secrétaire veille, pour cadrer le débat, à ce que les candidats ne sortent pas de l’épure. Ce n’est qu’à la marge ou dans les points aveugles du projet que les candidats peuvent marquer une différence (ce qui tend, notons le, à surdéterminer les variables de style et d’image). Une fois désignée, Ségolène Royal réouvre néanmoins la question de la définition du programme en lançant la phase « participative » de sa campagne qui s’ouvre à la mi—décembre. Les militants et les clubs Désirs d’avenir sont invités à organiser des débats partout pour enrichir le projet de la candidate.

Il s’agit de « mettre le projet socialiste à l’épreuve de la vérité populaire » et de s’appuyer sur l’expertise « ordinaire » des citoyens selon la rhétorique ségoléniste. L’objectif est d’associer les citoyens à la construction d’un projet qui ne s’impose pas à eux de l’extérieur. Cette méthode permet à la candidate de se desserrer de l’emprise du parti et de son projet, voté en juin 2006. La candidate réunit le 17 décembre les cadres du parti et leur donne ses orientations sur les débats participatifs. La phase participative constitue de fait dans la campagne une période de flottement et de latence. La candidate ne peut alors lancer des propositions dans le débat qu’au risque de délégitimer sa propre démarche, d’en dilapider le profit électoral attendu et de se déjuger (il faut écouter les Français, ce qu’ils ont à dire, recueillir doléances et propositions).

Cette phase renforce par là-même les doutes émis sur la campagne de la candidate, chez les socialistes en premier lieu qui apparaissent marginalisés par le choix de cette méthode alors qu’un projet a été voté par les militants socialistes16. La phase d’écoute alimente les doutes sur « l’absence de fond » de la candidate et surtout polarise l’attention des médias sur les luttes internes au PS. Le terrain est libre pour ses adversaires qui proposent, précisent, « prennent de l’avance » et pour Nicolas Sarkozy qui s’en tient au classicisme de la parole « verticale », tenue d’en haut. L’entourage de campagne en est parfaitement conscient17. La candidate n’imprime plus le rythme à la campagne alors qu’on lui fait crédit de toujours l’avoir fait auparavant. Des doutes sont émis par ailleurs sur l’opacité de la synthèse des 5000 débats participatifs organisés Quel est le statut de la parole citoyenne recueillie ? Quelle est sa traçabilité ? La candidate présente son projet à Villepinte le 11 février en faisant une synthèse toute personnelle des « pépites » des débats participatifs et du projet socialiste.

Ses 100 propositions sont commentées dans la presse comme relevant d’un juste équilibre elles ménagent son identité (elle n’a « abdiqué » ni la carte scolaire, ni l’encadrement militaire ni les jurys citoyens) tout en donnant des gages à la gauche par des thèmes plus classiques (augmentation du SMIC...). Ces propositions seront largement modulées au cours de la campagne en fonction de leur réception dans l’opinion. Dans le dernier document de campagne de la candidate (24 pages reprenant les 7 piliers de son pacte), la hausse du SMIC à 1500 euros a ainsi disparu. Vincent Peillon reconnaît que la mesure n’est plus mise en avant parce que « cette augmentation passe mal dans l’opinion ». Un autre responsable indique que « soit les Français n’y croient pas soit ils sont inquiets d’un écrasement de l’échelle des salaires » (Les Echos, le 2 avril). Un certain nombre de questions (retraites ou impôt sur le revenu) ne seront jamais tranchées.

TROUVER LA « BONNE DISTANCE » AU PARTI. LES RESSOURCES PARTISANES DANS L’ÉLECTION

L’équation présidentielle telle que l’usage des institutions l’a formalisée est complexe. Postuler à la charge suprême suppose à la fois de mobiliser les « siens », de rassembler son camp et de s’extraire de son parti, de fédérer au—delà de sa famille, de rassembler la communauté nationale. La candidate a manifestement bénéficié de la mobilisation du PS dans la campagne (de ses structures locales notamment). Une attention plus grande a été accordée à l’envoi de matériel électoral aux fédérations (à l’inverse de 2002). La mobilisation locale a été favorisée par le couplage de l’élection présidentielle et de l’élection législative qui contribue à redéfinir en profondeur le jeu électoral. Le sort électoral des candidats socialistes aux législatives est de facto lié aux résultats de l’élection présidentielle. Il est de l’intérêt de tous que l’élection présidentielle soit victorieuse.

Les relations entre la candidate et le parti vont pourtant être particulièrement difficiles tout au long de la campagne. Ces difficultés largement rendues publiques par la presse ponctuent la campagne (controverse sur la fiscalité entre François Hollande et Ségolène Royal, suspension d’Arnaud Montebourg, démission d’Éric Besson, controverses autour de l’équipe de campagne, problèmes de coordination entre le siège de la campagne et la rue de Solférino18, improvisations autour du « contrat première chance »...). La candidate semble tiraillée entre deux injonctions médiatiques et stratégiques : mettre à distance les « éléphants » et ne pas apparaître comme isolée ou autoritaire, d’où des stratégies de soi fluctuantes. La candidate socialiste a complètement intériorisé le sens que les médias ont donné de sa victoire lors des primaires et réussi à imposer : elle a gagné par la distance symbolique, langagière... qu’elle a su construire avec l’organisation socialiste. Elle n’aura de cesse ainsi de se conformer à cette représentation en donnant des signes renouvelés de sa distance.

La presse interprète les remontées, même fragiles, de la candidate dans les sondages comme des incitations à s’émanciper du PS19. Mais son isolement face à une machine UMP qui déploie de considérables ressources partisanes et démontre une forte cohésion l’enjoint à donner des gages de sa fidélité au PS et à ses responsables. Le rapport de la candidate au PS apparaît constamment hésitant. Les remaniements réguliers de l’équipe de campagne traduisent ces hésitations. Le 28 novembre, elle nomme une petite équipe de campagne de 15 personnes chapeautée par deux directeurs. Le 14 décembre, le PS publie son propre organigramme de campagne qui représente toutes les sensibilités et qui marque, à peu de choses près, la transformation de la direction du parti en direction de campagne. François Rebsamen commente : « Personne ne pourra dire qu’il a été écarté du processus d’accompagnement de la candidate » (Le Figaro, le 15 décembre 2006). La candidate dépense néanmoins beaucoup d’énergie à se distancier des hiérarques du parti pour « rester elle-même » et conserver ce qui a fait, selon elle, sa valeur distinctive : « Des études qualitatives internes montrant “un rejet des éléphants”, Madame Royal n’était pas pressée de s’afficher avec eux. “Ne me faites pas faire une campagne traditionnelle” n’a-t-elle cessé de répéter à son équipe. Sa stratégie vise désormais en priorité à “isoler” un peu plus le premier secrétaire » (Le Monde, le 13 janvier). Face aux difficultés qu’elle rencontre, la candidate se tourne néanmoins une première fois vers les « éléphants » en les invitant en prendre toute leur part dans la campagne (le 1er février).

Elle appelle pour la première fois Laurent Fabius au téléphone depuis sa victoire du 16 novembre. Journalistes et dirigeants socialistes commentent les apories de sa stratégie. Ainsi un membre de l’entourage de Ségolène Royale analyse ces contradictions : « Elle est prisonnière de sa stratégie qui ne doit s embarrasser d aucun baron. Elle se plaint de ne pas être soutenue et voudrait que les éléphants, d’eux-mêmes entonnent le chant des partisans. Mais si elle lance un appel, elle redevient une candidature classique du PS... » (Libération, le 1er février). Accusée de ne pas être bien entourée, de ne pas jouer collectif 20 (par les journalistes autant que par les dirigeants socialistes), elle sollicite à nouveau les dirigeants du parti pour participer à son « conseil stratégique » à la mi—février. Elle « satisfait à la demande de photo de famille » selon Libération (le 20 février).

Elle élargit à l’ensemble du parti la direction de la campagne jusque-là assurée par une quinzaine de proches. Lionel Jospin est intégré dans l’équipe de campagne qui compte désormais 13 membres (ce conseil ne sera jamais réuni). On revient à la formule de 1981 où « Solférino était le centre de la campagne » commente Jean-Christophe Cambadélis (Le Figaro, le 23 février). Elle met en scène à nouveau sa différence à la mi—mars. « Ségolène royal reprend sa “liberté” » titre Libération, le 16 mars. Elle entend préserver la « ressource de sa nouveauté » « J’ai eu beaucoup de liberté dans le débat interne. J’ai été moins libre parce que je suis appuyée par une organisation politique [..] Je suis dans la dernière ligne droite. Je reprends toute ma liberté ».

« Libérée du carcan socialiste, la candidate socialiste se tourne résolument vers les Français » analyse Le Point, le 22 mars. Trois jours plus tard, suscitant l’ironie de la presse, elle exprime pourtant sa loyauté à l’organisation lors d’un rassemblement d’élus socialistes « Je sais ce que je vous dois, je sais ce que je dois à mon parti ». L’éditorialiste Gérard Dupuy ironise « Les éléphants ont tort quand ils ne sont pas là et sont gênants quand ils se montrent » (Libération, le 13 mars). Le 11 avril, la candidate participe au conseil de campagne où elle n’avait pas mis les pieds depuis un mois. Elle y arrive en cours et repart après son intervention (Le Monde, le 12 avril). Le traitement médiatique de la candidate a été constamment nourri par les commentaires off (anonymes) des dirigeants socialistes, le plus souvent critiques, et donc par l’accès aux coulisses de la campagne (il est frappant de constater qu’il n’en est pas de même pour Nicolas Sarkozy et l’UMP). Cette inflation de confidences traduit l’affaiblissement de l’esprit de parti et les transactions collusives qui lient de nombreux dirigeants socialistes aux journalistes. Un incident apparaît révélateur du brouillage chez les dirigeants socialistes des frontières entre le parti et la sphère médiatique. Le 16janvier un membre du BN a laissé son portable branché pendant toute la réunion (" spontanément ») pour permettre à la journaliste du Monde qui suit la campagne, Isabelle Mandraud (Le Monde, le 18 janvier), d’écouter intégralement les inquiétudes exprimées sur la campagne.

Vincent Peillon dénonce des « méthodes de petit voyou » « Avec de telles méthodes, on va tuer ces réunions où plus rien ne se dira » (20 minutes, le 18 janvier). La candidate confie aux journalistes en marge d’un meeting « nous avons besoin de nous réunir entre nous » estimant que les discussions politiques et stratégiques n’avaient pas vocation à être révélées à ses adversaires politiques. L’installation de brouilleurs de téléphone portable dans l’enceinte du bureau national est envisagée (Le Figaro, le 19 janvier) puis décidée pour le bureau national du 23janvier (L’Express, le 1er février). Le journaliste du Figaro, Nicolas Barrotte, note avec ironie le 19 janvie r : « De toute façon les socialistes ont déjà l’habitude de faire à la presse, sous couvert d’anonymat, le compte rendu du BN dans ses moindres détails

Le PS aura en définitive joué un rôle ambivalent dans la dernière élection présidentielle qui témoigne de l’affaiblissement de la légitimité partisane dans une démocratie médiatique et sondagière. La candidate est désignée au terme d’une procédure qui honore la démocratie partisane. Le parti réfracte en fonction de ses rapports de force internes les logiques de l’opinion. Ralliés massivement à Ségolène Royal, les socialistes sont néanmoins marginalisés par une candidate qui privilégie un rapport direct à l’opinion au risque de l’inconstance.

Les deux principaux candidats étaient chacun à leur manière en dissidence avec leur propre famille politique Nicolas Sarkozy a construit sa légitimité et sa nouveauté dans sa critique du Chiraquisme et d’une droite « complexée », Ségolène Royal a incarné le renouvellement en contrepoint d’un parti qui apparaît dans l’opinion divisé, sclérosé, replié sur lui-même. Mais une fois investi, le candidat de 1’UMP a su fédérer son camp qui a démontré une unité sans failles tandis que les relations difficiles entre Ségolène Royal et le PS seront à l’origine de dysfonctionnements récurrents. Dans une élection présidentielle, c’est la combinaison de ressources partisanes et de ressources médiatiques qui apparaît désormais essentielle.

(1) Le politiste Peter Mair désigne par « parti cartel » des organisations professionnalisées, véritables « agences semi-publiques » financées par les pouvoirs et dont les liens avec la société civile se sont affaiblis à mesure que ceux établis avec l’État se renforçaient (via le financement public et la pratique gouvernementale).

(2) Cette lutte interne a eu de redoutables effets politiques elle a permis à Nicolas Sarkozy, candidat de la rupture » d’abord avec sa propre organisation, de neutraliser son image de sortant.

(3) La dernière élection constituant une rupture historique... François Mitterrand est désigné en 1981 candidat du PS alors que la popularité de Michel Rocard est plus forte dans l’opinion.

(4) On fait ici référence à l’ouvrage classique du politiste Georges Lavau, À quoi sert le PS ?, Fayard, 1981.

(5) Voir notre ouvrage avec Frédénc Sawicki La société des socialistes, Éditions du Croquant, 2006. Voir aussi Lehingue (P.), Subunda. Coups de sonde dans l’océan des sondages, Editions du croquant, 2007, page 221 et s.

(6) La campagne de 1995 opposant Henri Emmanuelli à Lionel Jospin n’avait duré que deux semaines.

(7) Dolez (B.), Laurent (A.), « Une primaire à la française. La désignation de Ségolène Royal par le PS », Revue française de science politique, vol 57, 2, 2007, p. 134.

(8) Le leader de l’UMP a bien mesuré ces profits, cherchant à susciter des candidatures pour ne pas faire apparaître son organisation comme trop unanimiste et caporaliste.

(9) D’où des doutes émis sur le caractère trop tardif de la désignation.

(10) Certains dirigeants socialistes sont les premiers mettre en cause la crédibilité de la candidate. Jean-Christophe Cambadélis déclare au terme de la campagne « Ségolène n’a pas rassuré sur sa capacité à conduire une campagne » (Aujourd’hui, le 11 novembre 2006). Louis Mexandeau écrit pour sa part : « Ségolène c’est une inculture de taille encyclopédique, une sorte de trou noir de la science. Une ignorance crasse, pire que reaganienne bushiste. Comme s’il n’avait pas lu un seul livre. Des cours seulement. Pour passer des concours... ». Le Figaro Magazine, le 28 octobre 2006.

(11) Voir Dolez (B.), Laurent (A.), « Une primaire à la française. La désignation de Ségolène Royal par le PS », op. cit.

(12) Dolez (B.), Laurent (A.), « Une primaire la française. La désignation de Ségolène Royal par le PS », op.cit, page 134.

(13) La définition du projet n’a pourtant pas été l’occasion d’une réelle ouverture de l’organisation sur l’extérieur, à l’inverse des « Ateliers du progrès » organisés par le Parti socialiste belge à travers lesquels plus de 500 journées de débats contradictoires réunissant associations et sympathisants Ont permis de finaliser le programme législatif

(14) Conseil national du 11 mars 2006.

(15) Libération, le 8 juin 2006.

(16) « Cela gèle toute dynamique de campagne » proteste un député socialiste, Le Monde, 17 janvier 2007.

(17) « La phase d’écoute » retarde « la phase de conviction » pour Jean Glavany, Le Monde, le 1er février 2007.

(18) Claude Bartolone (Une élection « imperdable », Éditions de l’Archipel, 2007) témoigne de ces problèmes de coordination « François Hollande nous sommait régulièrement d’y aller ! mais où ? quand ? comment ? rien ne semblait se passer au siège du PS ».

(19) Exemple parmi d’autres : « Royal est redevenue Ségolène : c’est la principale explication du regain de faveur que son émission réussie sur TFI a provoqué et que son meeting de Rennes a confirmé. Les signes sont ténus mais ne trompent pas [...] Elle a retrouvé ses bases une liberté de ton à l’égard des vieilles lunes socialistes. S’il y a une bécassine, c’est la vieille gauche étatiste, dépensière, irréaliste et européolâtre [...] c’est la vielle gauche qui plombe la candidate nouvelle. Difficile de danser le rock avec des éléphants », commente Laurent Joffrin (Libération, le 21 février). Ségolène Royal est marquée par un éditorial de Jacques Julliard lui enjoignant de rester elle-même et de prendre ses distances avec le PS et ses « dogmes » (Les « coulisses » par Sylvie Pierre Brossolette, Figaro-Magazine, le 24 mars).

(20) Exemple parmi d’autres Ségo, une campagne trop perso », Le Point, le 22 février.

Recherche socialiste du 01 septembre 2007

Messages

  • A rien. Le PS ne sert à rien de positif. Tout est négatif chez lui. Tout.

    C’est enculer les mouches alors que les éléphants piétinent les acquis sociaux que de blablater aussi longuement sur ce corps mort qui ne manquera pas de se putréfier, ce qu’il a commencé à faire avec l’ouverture du gagnant de l’élection.

  • J4iamais bien le titre

    ensuite... "tout ça pour ça ???!!!" comme dirait l’autre !!! :-)

    Ben c’est facile !!! Il sert à rien le Péhèsse - ou plutôt, si il sert de caution de gauche au pouvoir de droite et vice versa des fois, dans notre bêle démocrassie, mon cher....

    La Louve

  • Un parti c’est vrai ne se jauge pas seulement à ce qu’il dit mais également à ce qu’il est et ce qu’il fait.

    La fin des partis populaires (ayant une vie centrée sur une classe) c’est l’arrivée des machines électorales chargées de mettre en orbite des hommes et des femmes, avec une piétaille qui marche et qui pousse.

    Ce sont des machines qui ne visent , par nature, qu’à mettre des gestionnaires au pouvoir, même si ceux-ci sont des bons à rien comme Sarko (le plus gros déficit des ministres de l’économie de la 5eme république lors de son court passage à ce poste....ccchhhhhuuuuuuttttttt).

    Un parti de gauche a normalement d’autres ambitions, du moins si il veut aboutir à une société où la démocratie n’est pas formelle mais réelle. Ainsi un parti de gauche vise à ce que les travailleurs prennent le pouvoir dans les centres essentiels du pouvoir, les entreprises, d’état ou privé, le pouvoir politique. Il a donc une fonction bien différente que d’arriver à mettre en orbite des gestionnaires, il a des fonctions de lutte mais surtout des fonctions d’éducation, d’apprentissage à la gestion par les plus larges masses de leurs mouvements et aux instances essentielles de la société.

    Un parti n’a pas même sens donc si on se place dans une logique gestionnaire du système (des godillots, de bons appuis, une bonne marque de lessive....) ou si on vise une autre société (par révolution ou voix "progressive").

    Parti bourgeois, parti godillots, parti de groupies, adhérents "gratuits", claques en tee shirts, financements puissants, soutiens des nomenclaturistes, .... d’un côté

    et logiques de partis de travailleurs d’un autre (élaboration collective, contrôle des représentants, tentatives de favoriser toujours les travailleurs en lutte à expérimenter la gestion directe démocratique, conscientisation, formations des plus larges masses à l’économie critique, indépendance de la sphère d’organisation des travailleurs face aux autres systèmes de gestion du système,...)

    Le PS est devenu un parti bourgeois traditionnel, avec ses godillots , son absence de désir d’une autre société, l’absence de la classe opprimée comme acteur majeur à aider à se libérer der l’exploitation, et donc l’atomisation des travailleurs en son sein... Le PS fait moins bien dans le monde du travail que ne le faisait dans les années 60 le gaullisme en matière d’organisation.

    Il est devenu relativement comparable à ce qu’est le parti démocrate aux USA en moins populaire, en moins ouvrier (les syndicats américains ont souvent soutenu les démocrates). Il peut se retrouver à certains moments sur des positions intéressantes dans le domaine sociétal, mais dans les batailles sociales importantes (cheminots), dans les batailles politiques importantes (TCE) son choix est toujours fait : en face !

    Le PS n’est pas social-démocrate, n’est pas travailliste, les travailleurs n’y pèsent pas.

    Saurons-nous faire un parti où les travailleurs se sentent chez eux, fait pour eux, fait pour leur apprendre à contenir, se défendre du capital, pour apprendre à contrôler et diriger la société,à produire de l’auto-gestion dans les entreprises ?

    Copas