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AUX PRUD’HOMMES DE LENS, DES ANCIENS FONDEURS DÉTERMINÉS

Publie le mardi 19 juin 2007 par Open-Publishing
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Liberté 62 n°761 - Le 15 Juin 2007 – p.7 - Social

AUX PRUD’HOMMES DE LENS, DES ANCIENS FONDEURS DÉTERMINÉS

Par Pierre Pirierros

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143% c’est le bond spectaculaire en un an de l’action Metaleurop qui bat tous les records de hausse. Cela va donner du baume au coeur aux actionnaires qui se réunissent le 16 juillet en assemblée générale pour adopter la nouvelle appellation “Recylex”... Le groupe Metaleurop SA va devenir Recylex, un changement de nom “censé mieux refléter son activité centrée sur le recyclage du plomb, zinc et plastique”.

METALEUROP SA, aujourd’hui bénéficiaire, était passée près de la liquidation pendant ses deux ans de redressement judiciaire, d’avril 2003 à novembre 2005. Ce nouveau nom "devrait permettre à l’entreprise et à l’ensemble de ses salariés de se mobiliser autour de notre nouveau projet industriel", avec pour ambition d’en faire "un leader des industries de recyclage en Europe", plutôt centré sur la production de plomb, s’est tourné ces dernières années vers le recyclage, notamment des batteries. Mais, ce changement de nom ne peut faire oublier le passé ni occulter l’histoire de la fonderie de Noyelles-Godault. La date du 16 juillet 2007 marquera un tournant dans la vie de Metaleurop. Entre-temps, les Prud’hommes de Lens viennent de mettre en délibéré au 19 octobre un jugement attendu par près de 500 anciens fondeurs. L’audience, a, enfin, pu se dérouler, le 8 juin dernier, après divers épisodes tragi-comiques. Le procureur de la République lui-même a pesé de son poids pour dénoncer l’implication de Metaleurop SA dans la fermeture brutale de Metaleurop Nord en janvier 2003. La manipulation de la maison mère, via Glencore, l’actionnaire principal, a été démontrée avec brio par l’avocat des anciens salariés qui espèrent remporter cette interminable partie de bras de fer.

La lutte contre le pot de fer n’est pas éloignée de l’éthique sociale. Celle-ci doit l’emporter. Les indemnités exigées par les anciens fondeurs se situent à hauteur de 30 000 euros, ce qui heurte, bien évidemment, la direction de Metaleurop SA. Chaque salarié, 586 au total, réclame, à juste titre, le versement d’une indemnité de 30.000 euros et d’une somme de 300 euros pour les frais.

Le 3 février 2006, le titre Metaleurop est de nouveau côté en Bourse, au palais Brongniart à Paris. Cela fait quelque temps que la nouvelle était sur toutes les lèvres pour ceux qui suivent avec attention Metaleurop et, notamment, les membres de l’Association “Choeur de fondeurs”. Cette nouvelle est à prendre comme un déni de justice sociale. La presse financière s’en félicite en donnant un commentaire d’épopée mythologique “Metaleurop renaît de ses cendres” (sic)

La gageure d’un procès

pho-energ-plast-html-m403cbf64.pngLe fait que ce procès aux Prud’hommes se tienne sereinement est une véritable gageure car les embûches pour l’en empêcher ne se comptent plus. C’est en 1994 après les accidents du travail mortels que Metaleurop SA donne à l’usine de Noyelles-Godault, le nom de “Metaleurop Nord”. Ce n’était qu’une appellation de plus dans la longue liste des “titres chronologiques” dont le succès industriel (plomb et zinc) remontait à la fin du XIXème siècle (1894). Entre 1994 et 2003, la direction de Metaleurop SA, donc, savait pertinemment que les investissements pour améliorer et moderniser (et c’est un euphémisme) les installations de l’usine ne rentraient plus dans le cadre de sa stratégie ; une stratégie financière orientée vers la liquidation de l’usine et le licenciement collectif des 830 salariés. Le volet pollution était prédominant et la direction en porte directement toutes les responsabilités, comme au demeurant, dans le volet liquidation. Le 17 janvier 2003, jour de l’annonce de la fermeture brutale de Metaleurop Nord, est toujours vécu comme un cataclysme, social, humain, dans cette partie de l’ex-Bassin minier déjà durement touché par la crise de l’emploi. L’actualité autour des “Metaleurop” n’est pas prête de se tarir tant les conséquences des 830 licenciements rejaillissent sur toute la région. Emploi, environnement, reclassement, tout est lié. Plus de 100 années de production de zinc et de plomb laissent des traces profondes dans tout le secteur. Aujourd’hui, ce sont des parents qui portent l’affaire en justice et demandent réparations devant les dégâts provoqués par le saturnisme. Des programmes de dépistage de saturnisme ont montré depuis 1993 des taux de plomb anormaux dans le sang de dizaines d’enfants.

Avec “Choeurs de fondeurs”

“Comment jeter les bases de liens sociaux nombreux et diversifiés entre tous les ex-salariés ? Comment être reconnus encore dans tous les domaines qui ne relèvent pas de la compétence du Comité d’Entreprise et du C.H.S.C.T., tant que ces instances pourront exercer leurs prérogatives ?” Depuis le printemps 2003, les membres de l’association “Choeurs de Fondeurs” ne désarment pas ; la liquidation de l’usine de Noyelles-Godault n’est pas prête d’être occultée si facilement. L’Histoire de cette entité industrielle s’apparente à l’évolution des techniques, Malfidano avait établi une fonderie de zinc et un petit four à plomb à la fin du XIXème siècle. Presque entièrement détruit au cours de la Première Guerre mondiale, le site avait été racheté, en 1920, par la société Penaroya, qui l’avait relevé et étendu, exclusivement voué à la production du plomb et du zinc.

Déterminés face à leur direction

Le cinéaste Jean-Michel Meurice connaît la valeur des images et lorsqu’il utilise sa caméra à Noyelles-Godault, il explicite ainsi son action : “j’ai été bouleversé quand je les ai vus barricader avec des manches de pioches dans les cartons. Des hommes démunis face à une puissance sans visage qui avait déplacé l’argent en Suisse depuis belle lurette. Les usines ferment les unes après les autres et l’État ne fait rien. Je suis scandalisé de voir que les gouvernements sont restés passifs durant des décennies face à cette situation”.

Les 830 salariés de Metaleurop Nord ne voulaient pas de la liquidation judiciaire de leur usine. Le tribunal de grande instance de Béthune en a décidé autrement, en mars 2003 puis la fonderie de Noyelles-Godault fermait définitivement. Aujourd’hui, le plomb et le zinc sont produits sous d’autres cieux alors que la bataille pour l’hégémonie des métaux non ferreux dont le marché est régulé depuis le “London metal exchange” est engagée sur toute la planète et surtout en Chine. Metaleurop SA a changé de stratégie, le nouveau nom “Recylex” devant mieux reflèter la récupération des batteries automobiles et industrielles. Aux Prud’hommes de Lens, la détermination des anciens fondeurs pour leurs droits est intacte, face à une direction dont la santé financière se porte à merveille. 143 % c’est le bond spectaculaire en un an de l’action Metaleurop !

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