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Affaire Petrella : retour à un minimum de dignité

Publie le jeudi 7 août 2008 par Open-Publishing
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de PHILIPPE BACH

Cela commençait à sentir le roussi. L’ex-brigadiste Marina Petrella, embastillée depuis une année dans l’attente de son extradition vers l’Italie, ne pèse plus que 38 kilos. En « abandon de vie », selon les termes de ses soignants, la femme a été libérée mardi par la Cour d’appel de Versailles. Elle pourra être soignée dans la dignité, même si le décret d’extradition qui pèse sur elle reste valable, en attendant que le Conseil d’Etat français, l’instance de recours en la matière, tranche.

Le spectre des grévistes de la faim irlandais que Margaret Thatcher avait froidement laissés mourir commençait en effet à poindre. La justice française a ôté une épine du pied d’un Nicolas Sarkozy sérieusement embourbé sur ce dossier. Ainsi, selon la presse française, les autorités médicales, qui tentaient depuis plusieurs jours de sauver Mme Petrella, vivaient assez mal le comportement intrusif des policiers dans leurs locaux.

Comme pour Cesare Battisti – toujours au Brésil, pays qui ne semble finalement pas si pressé de l’extrader – ou Paolo Persichetti, extradé en 2002, ce retour des années de plomb a quelque chose de pathétique.

Le tour de vis de l’Etat français qui revient sur la doctrine Mitterrand – les activistes italiens entraînés dans la surenchère terroriste des années 1970 se voyaient offrir une voie de sortie en échange d’un renoncement à la violence – est unilatéral : on s’en prend tout de même plus souvent à des gauchistes isolés qu’à des notables de la loge P2 ou à des membres du réseau Gladio (initié par l’OTAN), qui ont pourtant bien plus tué. Il traduit une volonté revancharde d’une classe politique qui ne pardonne pas, qui refuse l’idée qu’en trente ans les gens ont changé. Cette pseudo-fermeté est hypocrite. Envoyer quasiment dans la tombe une femme qui a prouvé qu’une sortie du terrorisme est possible n’a rien de glorieux.

Et Inquiétante. Car elle voit le retour de certains aspects les plus détestables de l’histoire. On fera le parallèle avec la nostalgie coloniale que véhicule ce gouvernement, sa défense d’une identité nationale largement mythique, qui exclut et expulse là où il faudrait intégrer.

Cela donne une tournure ironique aux déclarations de Nicolas Sarkozy, avide de briller sur la scène diplomatique. Au moment où il propose ses bons offices dans le cadre de la guerre civile colombienne – par exemple en imaginant que des combattants des FARC pourraient se réfugier en France en échange de promesses de dépôt des armes –, il se propose de livrer des personnes dont on sait que leurs chances d’accéder à un procès équitable sont faibles.

Enfin, ce raidissement est de mauvais augure pour l’avenir. Il s’inscrit dans un cadre plus vaste. Celui d’un Etat qui prend ses libertés avec la démocratie et les règles de l’Etat de droit. Ou, en tous les cas, les comprend dans le cadre le plus restrictif possible. Il est toujours utile de garder cela à l’esprit à l’heure où des mesures liberticides sont en train d’être adoptées dans des démocraties qui se disent avancées mais qui marchent à reculons : fichage généralisé, en France des mal-pensants avec le fichier dit Edwige (acronyme d’Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale policier). Ou espionnage global et généralisé des échanges téléphoniques et électroniques dans des pays qu’on croyait à l’abri de ce genre de dérives, comme la Suède.

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