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Alain Soral : La marionnette du ventriloque

Publie le samedi 3 février 2007 par Open-Publishing
9 commentaires

PENSEES COLLECTIVES

de Franca Maï

Un homme se taillade les veines devant nos yeux perplexes et court sur le macadam. Le sang coule accentuant son parcours en laissant une trace indélébile sur le gris du sol. Certains l’observent fascinés et d’autres détournent leur regard en pensant que tout être humain est libre face à son destin. Soral est cet homme-là.

Il aurait pu être le héros d’un roman tellement la haine de soi est ancrée en lui et, l’autodestruction, son essence de vie provocatrice. Nous aurions tenté de comprendre les zones obscures de l’âme humaine, nous aurions vibré à ses égarements, nous aurions démêlé le fil de l’inextricable. Le roman aurait été passionnant.

Seulement, Soral existe, en chair et en os, il ne sort
pas d’une fiction littéraire, il a mis sa matière grise au service du FN, épousant le destin tristement banal d’un réactionnaire et d’un xénophobe.

Lui, l’homme qui se disait marxiste en de vieilles lunes, a passé l’arme à l’extrême droite, par manque de reconnaissance d’une famille.

 Qui pourrait lui dire que tout enfant battu par son père ne recherche pas forcément les coups ?

Soral est devenu le cireur de pompes d’un ventriloque au service d’une machinerie redoutable d’intolérance. Soral se saborde avec un masochisme proche d’une extase que seul lui peut comprendre -à certaines heures pâles de la nuit- contribuant inexorablement à sa perte et à sa crédibilité intellectuelle.

Et au bout du chemin le froid glacé de la solitude.

Quelquefois, on aurait envie de lui tendre le baume pour arrêter l’hémorragie, de l’apaiser et de lui dire que sur cette terre, il y a des soleils qui ne répondent à aucune statistique.

Juste le courage de les défricher.

On se surprend à penser
Quel gâchis...

 Texte de Franca Maï


Impostures et quelques unes des manœuvres dolosives
d’Alain Soral, du FN et plus largement du système

« Le spectacle organise avec maîtrise l’ignorance de ce qui advient et, tout de suite après, l’oubli de ce qui a pu quand même être connu ». (Guy Debord in commentaires sur la société du spectacle, 1988, Editions Gérard Lebovici)

Alain Soral est un homme de spectacle, il a utilisé tous les moyens pour en être, jusqu’à s’exposer dans les plus viles postures et les plus vulgaires divertissements, alors même qu’il prétend les haïr. On jugera, sans peine, de l’imposture du personnage.

Il n’y a jamais eu de seuil de tolérance à l’imposture, toute objection en est une autre. C’est pourquoi, bien que répugnant à l’ampliation à propos d’un homme, qui de toute évidence, exerce son mépris sur chacun et la poésie de tout, la régularité maniaque de son entreprise « à nier ce qui est et à expliquer ce qui n’est pas » réclamait des réponses fermes et proportionnelles à la répugnance qu’inspire, aux uns, le personnage, ou à la rhétorique de falsification des raisonnements à laquelle les autres sont poreux.

A commencer par : s’il revendique se trouver hors système, il en est, en fait, à une autre latitude.

Sur l’argument central d’un verbiage spécieux, il est dit que les Le Pen réprouvés par le système, en seraient au dehors, il est donc l’aveu qu’ils ont au moins la volonté d’en être. Mais ils en sont déjà et c’est en quoi ils ont fait appel à un homme qui pareillement en est, sous la forme du même comique-troupier. Regardons de plus près l’agenda du candidat du FN, pour le seul mois de janvier. (Cf. Site du FN)

 Le 8 janvier : Marine LE PEN sera l’invitée sur France 2 de l’émission "Mots Croisés" le lundi 8 janvier 2007 à 22h40.
 Le 9 janvier : Jean-Marie LE PEN sera l’invité de France Info.
 Le 10 janvier : Jean-Marie LE PEN est l’invité de France Bleu.
 Le 12 janvier : Marine Le Pen sera l’invitée de l’émission "Sur un air de campagne".
 Le 13 janvier : L’émission "chez F.O.G." prévue sur France 5 et TV5 Monde avec pour invité Jean-Marie LE PEN est reportée à une date ultérieure
 Le 15 janvier : Jean-Marie LE PEN est l’invité de Radio Courtoisie.
 Le 18 janvier : Jean- Marie LE PEN est l’invité de France Culture.
 Le 20 janvier : Jean-Marie LE PEN est l’invité de l’émission « La voix est libre » - France 3 Paris Ile de France Centre
 Le 24 janvier : Sur France 24- Jean-Marie LE PEN est l’invité de Roselyne Febvre

Les Le Pen n’ont jamais cessé d’être dans le système. Les médias de leur y octroyer une place de choix.

Alain Soral met en accusation le système, lequel, dit-il, s’en prend à Le Pen. Outre que nous le voyons le système lui fait encore, comme à aucun autre, l’honneur des plateaux, les passes oratoires politiques et médiatiques auront ménagé un faux-semblant de pluralisme. Il s’agissait de détourner l’attention sur le faux diable Le Pen comme afin de décourager toute initiative révolutionnaire, les voix se déportant sur le supposé ennemi du système. Mitterand livrant au chômage les travailleurs en fut l’instigateur. « Donnez-nous un diable et nous nous en remettrons à lui, plutôt qu’à nous-mêmes ».

Soral ne dit mots sur le système Le Pen, pourtant fondé à endosser la responsabilité des meurtres perpétrés, soit directement par des militants du FN, soit indirectement par la police, sur la base de politiques sécuritaires qui, au plus prêt du réel, sont dans toutes les bouches de cette « France sérieuse » dont Soral dit qu’elle est l’électorat du FN.

Preuves de l’implication du FN : Le Club de l’Horloge comprend une centaine de membres. La majorité issue de Polytechnique et de l’ENA, cadres et hauts fonctionnaires. Ce club est un pont influent entre l’extrême droite et la droite libérale. La plupart des membres sont encartés au FN. Dans une longue lettre adressée, le 4 avril 2002, à son président Henry de Lesquen, lettre signée par Jacques Chirac on peut lire en introduction « Vous avez bien voulu me faire part de votre inquiétude face au fléau de l’insécurité qui menace notre pacte social ainsi que de votre souhait de voir réformer la loi présomption d’innocence par une droite unie aux prochaines élections présidentielles et législatives. ». S’en suivent des explications précises sur les orientations sécuritaires du pays pour les années à venir. Le Club de l’Horloge est influent, le FN a toujours été porteur d’inflexions sécuritaires, les gouvernements et les médias d’abonder dans ce sens. Les victimes de la Police sont aussi celles du FN. Ce système sécuritaire de surveillance pourtant décrié par Soral est un bloc qui comprend toutes les tendances de la démocratie parlementaire. Soral évoquant l’univers Orwellien des locaux de Filipacchi.

 Qu’allait-il donc y faire sinon s’y commettre ?

Avec maîtrise on aura ignoré l’influence du FN et du Club de l’Horloge dans le gouvernement du pays, et tout de suite après on en aura oublié ses conséquences. A savoir que l’insécurité a été propagée par ceux-là même qui, le plus, réclamaient une politique sécuritaire. Mais il est vrai, ils ont obtenu une politique sécuritaire raciste.

Le FN a été le grand promoteur spectacle de « La France aux français ». Les gouvernements lui ont emboîté le pas. Pour la seule année 2006, 23 000 expulsions et reconduites à la frontière ont été exécutées.

Pour la seule année 1995 :

 Février 1995 : Des colleurs d’affiches FN ont tiré sur un jeune Comorien, Ibrahim Ali, le tuant d’une balle dans la tête.
LE PEN à tribune faisant discours en se servant du meurtre du jeune Comorien : "Cela a eu l’avantage de révéler à ceux qui l’ignoraient, qu’il y a 50000 Comoriens à Marseille".
 Mars 1995 à Auch : Des étudiants tabassés par le service d’ordre du FN. - 1er Mai 1995 : Berge du Quai Malaquais à Paris, où Brahim, un jeune marocain, est poussé dans la Seine par des individus sortis du cortège du FN. Il s’y est noyé.

Comment un parti (le FN) qui fait son fond de commerce de PME d’une insécurité directement corrélée à la misère pourrait-il prétendre être hors du système ? Il en vit. C’est la source principale de ses profits. Le FN n’envisage pas de supprimer la misère, mais peut-être bien les miséreux. Pour preuve Soral évoquant « la France sérieuse » parle des ouvriers et des salariés. Il n’a aucun mot pour les nécessiteux. Cette omission n’en est pas une. C’est sciemment, au coeur de la stratégie du FN que perdure la chaîne des profits qu’on tire directement de l’existence d’une misère à laquelle attribuer tous les maux. Mais aussi du PS et de l’UMP car de tout bord qu’on se situe on engrange des bénéfices sur la misère et la sécurité. Quand on n’en tire pas le plus directement avantage par le chantage à l’ordre, la gestion de plusieurs services carcéraux échue entre les mains d’entreprise privées, il est de premier intérêt pour ces puissantes sociétés et ceux qu’elles financent, de manière si peu occulte, de ménager leur profit.” Marx évoque ce gouvernement « qui ne prend pas la nuit des décisions qu’il veut exécuter dans la journée, mais décide le jour et exécute la nuit ». De part et d’autres on se passe bien d’évoquer les travaux de Foucault et de pointer sur les disparités locales, nationales et internationales le doigt accusateur du juste. En sorte qu’on continue partout de protéger l’ordre des marchandises.

 Le protégera-t-on mâtiné de rose ou de bleu blanc rouge ?

Qui prétendra que la PME FN (le mot est de Soral) est hors du système avec une telle influence sur les décisions qui comptent, avec de telles similitudes stratégiques, d’orientations politiques et idéologiques que ses supposés ennemis.

« Chacun des partenaires connaissant bien l’autre, ils trichent et s’en accusent à grandes triches actionnelles. Mais ils espèrent encore tricher en commun (...) pour maintenir l’essentiel du capitalisme s’ils n’arrivent pas à en sauver les détails ». (Guy Debord)

« Mais c’est une société parfaite pour être gouvernée ; et la preuve, c’est que tous ceux qui aspirent à gouverner veulent, gouverner celle-là, par les mêmes procédés, et la maintenir presque exactement comme elle est ». (Guy Debord in commentaires sur la société du spectacle)

Le Pen ne fait pas exception.

Soral conseille de lire "Le choc du mois". Journal d’extrême droite.

Ses mots se font durs pour ceux qui persistent à affilier le FN au nazisme. Une couverture du magazine en 1989. Une photo d’Hitler et ce titre "Il aurait eu cent ans aujourd’hui ..." ... de tels regrets sont de nature à révoquer le doute sur la paternité d’une telle presse.

La librairie où Alain Soral aurait été agressé par des hordes non-identifiées a pour responsable Despina Bekaria. Celle-ci est d’un soutien actif à Dominique Strauss-Kahn. D’un bord à l’autre les connivences ne sont pas tant conspiratrices que subconscientes.

Dans la lignée manichéenne d’Huthington, idéologie sur laquelle des guerres sont menées par les Etats-Unis, Bernard Henri Levy prétend qu’il n’est d’autre alternative qu’entre démocratie et fascisme et Alain Soral entre totalitarisme et FN. Dans la bouche de ce dernier des vocables récurrents désignent si manifestement « le manichéisme immobile des bons et des méchants ».

Diviser le monde et des pays en deux camps c’est préparer la guerre.

Huthington, Bernard Henry Levy et Alain Soral sont des va t’en guerre. De tout bord qu’on se situe cette échéance est annoncée, pour la seule raison qu’on protège ici les intérêts marchands. L’arsenal militaire rouillé a besoin d’être éprouvé.

Pour le reste nous laisserons à l’appréciation de chacun ce qui de l’opportunisme, du goût de l’argent, de la mégalomanie, du mépris authentique de l’altérité et de la haine de tout ce qui, subséquemment lui résiste, emporte Alain Soral, après ses échecs en littérature, à faire la grise éminence d’un homme qui de la gégène, à la gestion de sa fortune puis à la politique n’a jamais fait que torturer les hommes et les mots.

« Il y a des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux » (Chateaubriand)

Ce monde enlaidi autorise à toutes les impostures, il permet au vulgaire de stigmatiser la vulgarité, de contredire son propos par ce qui suit, il permet au hâbleur d’évoquer quelques paternités ronflantes, il autorise à toutes les bassesses et à tous les sophismes. Se jouer de l’ignorance en étant soi-même ignorant a un prix. A moins que, comme Paul Claudel d’une ode adressée au Maréchal Pétain au jour de Montoire on ne change que le patronyme lorsque au sortir de la guerre on adresse au général de Gaulle, mot pour mot, la même louange.

 Texte de Régis Duffour


QUI VEUT LA PEAU D’ALAIN SORAL ?

Chère Franca,

Pour Soral, tu me remets dans l’embarras, car j’avais décidé de n’y pas revenir pour le moment. Je ne lui veux pas de mal, au fond. Je crois sincèrement qu’il s’est égaré, tout simplement gravement égaré. A moins qu’il ne s’enkyste définitivement dans une posture qui me paraît intenable pour lui, jusqu’à devenir une sorte de néo-Brasillach, il abjurera dès qu’il comprendra que les nervis du camp lepéniste valent les sionistes qui lui ont cassé la gueule. Et il se fera alors casser la gueule par les nervis lepénistes, aussi courageusement intelligents que tous les nervis du monde. Ou bien il se suicidera. Car son adhésion au FN est la dernière branche en laquelle il espère, et cette espérance mal fondée sera inévitablement déçue.

Soral fait partie de ces hommes dont le destin est marqué d’une étrange infamie. Passionnément sincère, profondément épris de clarté et d’honnêteté intellectuelle, cultivé, soucieux de vérité et de précison, il s’est fait, depuis son premier livre, le champion du déboulonnage des mythes (il dirait sans doute plus volontiers "processus et leurres") qui fondent toujours la société des hommes (il préfèrerait, hélas, "que génèrent ponctuellement le système en place"). Il a ainsi mis en évidence, sur fond d’analyses socio-linguistiques estampillées et revendiquées marxistes, la permanence du modèle de la lutte des classes et sa reviviscence à travers les masques dont notre époque entend grimer le modèle, débusquant et dénonçant le paradoxe apparent qui fait souvent les dominés d’aujourd’hui servir et défendre avec enthousiasme l’organisation mise en place par les dominants.

Il a montré, avec brio, comment la déconstruction idéologique (entendons "marxiste") du "système", loin de n’être qu’une apparence cependant, sournoisement, durcissait en quelque sorte le phénomène d’aveuglement mortifère qui accompagne et sert le passage de l’ordre bourgeois, encore fondé sur la prévalence culturelle, à une société tout entière avilie par la seule valeur argent. Et progressivement, s’est plu à dénoncer les fausses subversions par lesquelles le désordre établi maintient son emprise en sollicitant la véritable complaisance des cerveaux abimés d’un peuple de téléregardeurs abusés. Démonstration impeccable, qu’il n’était certes pas le seul ni même le premier à faire, quoiqu’étant sans doute l’un des rares à la conduire de bout en bout sous l’égide du marxisme et de ses concepts, et l’un des rares surtout, (peut-être avec Muray que personne n’écoutait ni lui d’ailleurs) à ne pas hésiter à porter le fer là où ça fait mal - c’est-à-dire en réalité partout, dès lors qu’on prend à rebrousse-poil la bêtise et la suffisance toujours certaine des humains à se croire au sommet de l’intelligence des siècles, quand cette intelligence n’est que la farce convenue par laquelle chacun d’entre nous essaye de se persuader d’une quelconque maîtrise sur un destin intellectuel et collectif vidé de sens.

 Est-ce parce qu’il était, précisément, obsédé de traquer à travers son entreprise de démolition, non pas le sens absent, mais la litanie de tous les réseaux de signification produits par les relations des hommes entre eux, qu’Alain Soral a fini par s’égarer complètement ?

La performance réelle de son discours, en effet, que bien peu de ses actuels détracteurs acceptent de reconnaître (déjà ses spectateurs d’avant son ralliement au Front national n’y comprenaient goutte), n’est certes pas à chercher dans l’intempérance de son caractère, ni dans l’apparent fatras de ses thèmes d’observation : de la drague au marxisme, du fonctionnement des média au port du voile, d’Isabelle Alonzo à la "rebellitude" inepte de notre époque suiviste, ce qui frappe au contraire, c’est à la fois la cohérence parfaite de ses analyses, et le souci de leur énonciateur de toujours expliciter sa position et ses a priori. Or c’est à mon sens là que le bât blesse : non pas dans ses prises de position, dans ses engagements qu’une lecture hâtive pourrait considérer quelquefois comme successivement contradictoires, mais plutôt dans l’extrême fluidité de son positionnement.

Soral est éperduement à la recherche du sens d’une histoire sur laquelle il désire avoir prise, mais sans jamais voir qu’elle souffre toujours de ceux qui, comme lui et son héros Robespierre, ne supportent pas qu’elle soit incarnée par quiconque.

Soral ne croit qu’à l’intelligence, contre la chair, et même contre l’esprit - parce que ce sont deux mots sans valeur opératoire dans la perspective marxiste (et qui plus est suspectement hérités du discours religieux, et dont l’association renvoie à l’idée d’une permanence de l’être incompatible avec une lecture fonctionnelle et évolutive du fait social).

L’intelligence est bavarde, et comme disait Dominique de Roux, elle n’est souvent "qu’une saloperie à la surface de l’âme". Elle veut tout dire et tout lier, dire sa justesse et se dire en plus. Pour faire un mauvais jeu de mots, elle a un insupportable côté "je suis partout".

Les propos de Soral, sa volonté permanente de se justifier, quitte à répéter jusqu’à plus soif des arguments qu’une seule occurrence suffirait à qualifier à ce propos le dossier qu’il a constitué et mis ligne pour expliquer les excellentes raisons de son départ du MRAP est édifiant en témoignent sans cesse.

Penseur de la totalité, il a beaucoup glosé sur les contradictions entre l’hédonisme prôné par la pensée dominante et ses traductions mercantiles, qui conduisent à l’adhésion consentie des "sans grade" au système qui les exploite. N’ayant en revanche jamais véritablement remis en cause l’hédonisme lui-même, il s’en est violemment pris, non sans justice, à ceux qui le prônent "par le sommet" en méprisant et en exploitant ceux qui n’en profitent que d’en consommer les miettes.

Lucide (intelligent, quoi) par rapport à sa classe sociale, il est visible hélas que ce qu’il déplore le plus, au fil de ses dénonciations, ce n’est pas tant l’hédonisme éhonté de ses pairs que le regret parfois aigri que ces derniers l’aient exclu à force d’être semoncés par lui.

Comme si un système aussi implacable à se protéger que le nôtre, comme si en particulier le système des média, uniquement occupé à ses autoréversibles promotions, pouvait tolérer qu’un pion crache à longueur de temps dans sa soupe !

Même pour jouer (Soral aime s’avouer joueur, volontiers perturbateur, pas méchant, au fond), surtout pour jouer !
Alors, Soral ne joue plus.

Viré d’à peu près toutes les tribunes, mis à l’index et livré quelquefois à la violence de nervis aussi manipulés que dangereux, sa chère intelligence acculée aux précipices nombreux des réseaux et totalitarismes qu’il a défiés, il voit dans le FN qu’il a si souvent dénoncé son nouveau camp, et un champ d’action, d’action concrète.

 Les meilleurs, les plus performants et les plus sanguinaires des inquisiteurs du Pape n’étaient-ils pas des hérétiques repentis ?

Sauf que Soral, lui, bien trop prévenu à l’égard de ces retournements sur l’âme de ceux qui les opèrent, essaye de croire que ce n’est pas lui qui se rallie, mais en quelque sorte, que c’est le FN qui est devenu, par la grâce du mouvement inhérent à toute société et paysage politique, “soralien”.

Loin de moi de contester que certains des arguments qu’il développe ne soient pas, là encore, tout à fait probants : oui le Le Pen de 2007 n’est sans doute plus celui de 1970, il a effectivement le droit de s’être amendé sur tel ou tel point de sa pensée politique ; oui les 15 à 20% d’électeurs qui aujourd’hui votent pour lui ne sont pas tous d’horribles facistes, des franchouillards égoïstes ; oui il est scandaleux et profondément contre-productif que la médiature mette toute son énergie et toute sa puissance de tir à essayer de redorer son blason démocrate sur le dos du FN... On peut comme ça en aligner des tas, et finalement voter dès le premier tour pour Le Pen, en espérant que sa présence au second soit une sorte de revanche. C’est au fond le discours de Soral, pas plus original que celui de tous ceux qui d’élection en élection, floués par des années de mensonges et d’arrogance, votent FN.

 Mais au fait, revanche de qui sur qui ?

 Se venger du mépris par le cynisme, est-ce une fin en soi ?

 Et c’est ici que frappe le dernier argument de Soral : Et après ?

 Dans l’état actuel de délabrement politique de notre pays, ne vaut-il pas mieux prendre le risque, une bonne fois pour toutes, d’un électrochoc, d’une révolution, de la guerre civile, même ?

 Ah bon ! Mais je croyais avoir compris que le Front National avait changé ses fondamentaux ?

 Bazardés la violence, la rage, l’antisémitisme, le racisme ?

 Dans ce cas, si une majorité d’électeurs se dégageait autour d’un simple “nationalisme républicain”, d’où pourrait bien venir le danger ?

Soral connait parfaitement les risques d’une victoire de son nouveau camp à la prochaine élection présidentielle. Il croit qu’il ne joue plus, mais il joue toujours, avec le feu, cette fois. Qui veut la peau d’Alain Soral ? Au-delà de tous les ennemis qu’il a, à tort ou à raison, défiés - extrémistes du CRIF, néo-féministes à la mode “chiennes de garde”, MRAPistes tendance potes, potentats des média et de l’écriture, gauchistes, communistes, et bientôt militants du FN - c’est vraisemblablement Soral qui veut la peau de Soral.

Et il risque bien de finir par l’avoir.

 Texte de Serge Rivron


Monsieur Soral

Vous espérez en l’arrivée du F.N. au pouvoir.
En vrai « homme de gauche », vous militez carrément pour.
Pour vous ce serait « le chaos », « la révolution ».
Mieux encore : « l’aventure » !

Vous taxer d’arrivisme ou de situationnisme serait trop facile.

Vous n’êtes pas un rat qui quitte le navire, non.
Mais vous ressemblez drôlement à un homme qui s’embarque dans une sacrée galère !
On vous devine en « corvée de vision ».

Fébrile à l’idée de jouer votre va-tout politique avec un aussi fâcheux ramassis de fachos rassis. Et puis n’est pas D’Annunzio ou Brasillach qui veut (dieu merci)...

Vous affirmez que le « vrai fascisme » est perpétué par les boutiquiers du PS et de l’UMP.

Les Sarkolène d’aujourd’hui, les Jospirac de tantôt... tous à la solde du modèle américain.

Mouais...

Si encore vous aviez évoqué un « nouveau fascisme », on aurait pu causer.

Hélas, trois fois rien hélas, mon tropisme rital, lui, s’évertue à situer les héritiers du « vrai fascisme » du côté des « durafour crématoire » et autres « détails de l’histoire ».

Tandis que vous, vous prenez vos rêves de « doux Che » pour des réalités de « Duce »...
Mais bon, tout ça c’est les goûts et les couleurs (ou les bruits et les odeurs, je sais...).

D’ailleurs je vous vois déjà venir, avec vos gros sabobotages : j’ergote, je « sophise », je « suffisance » en belle enflure complice du pouvoir, tandis que le Peuple, lui, il souffre !
Effectivement le Peuple souffre, Monsieur Soral.

Peut-être comme jamais depuis cinquante ans.

Raison de plus pour ne pas se foutre de sa gueule en prime, comme sait si bien le faire votre milliardaire népotiste (pas « gégèné » le moins du monde, d’ailleurs...).

Le clan de Monsieur Le Pen a su brillamment remettre au dégoût du jour la vieille recette à papa Benito (encore un « homme de gauche » à ses débuts, si je ne m’abuse... Avanti !) :

 1 : fustiger avec des allures virginales (mais non effarouchées : en ce sens le choix de Jeanne d’Arc comme « sponsor » est un véritable chef-d’œuvre de « comm’ »...) une classe dirigeante politique dégénérée (classe à laquelle il n’a pu, et non point voulu, adhérer ; sauf dans sa période « Poupou » (Non. Pas Poulidor, Monsieur Soral... Poujade !)

 2 : faire miroiter un flamboyant avenir par le truchement d’un « glorieux » passé.

 3 : marteler le fantasme de menaces ovniprésentes bien identifiées, aussi bien internes qu’externes au pays. Basanées ou crépues de préférence (petite variante par rapport au modèle mussolinien, mais toujours avec la constante de la défense de la « civilisation », et d’un faux respect mutuel basé sur le « chacun chez soi » plus un « aboule tes ressources ! »).

 4 : flatter le Peuple dans des discours emphatiques et cabotins (mais chiadés question rhétorique), et cirer les pompes à fric du grand capital dans les coulisses.

Faut-il que vous eussiez encore du Mao dans les yeux pour ne pas vous en être aperçu...

Voilà, Monsieur Soral.
Bonne route, Monsieur Soral.
Puisse votre « coming out » ne pas être votre chant du cygne.
Ou le signe avant-coureur d’une implosion à retardement...

Et permettez-moi cet ultime conseil : avant de courir l’aventure, prenez donc le temps de voir la mer...
Ça repose...

 Texte de Sirieix

http://e-torpedo.net/

Messages

  • Franca,
    Personne ne connaît ce type, pas la peine de lui accorder une telle importance, il ne la mérite pas du tout.
    Daniel

    • Je te l’accorde Daniel mais ce type intelligent qui passe du marxisme à l’extrême droite sans rougir est symptomatique d’une époque en perdition d’Ethique. Il nourrit avec une perversité redoutable un courant qui grandit dangereusement. Il a mis sa matière grise et sa connaissance du mot manipulé au service du parti xénophobe FN. Il n’a pas choisi d’épauler le mouvement anti-libéral, comme tu peux le constater.

      Je te conseille de lire cet article :
      http://www.e-torpedo.net/article.ph...

      Pour éviter de fermer les yeux.

      Ce ne sont pas les différents partis de gauche qui sont nos ennemis mais bien la droite qui profite allègrement de toutes nos divisions.

      ALORS NE NOUS TROMPONS PAS DE COMBAT.

      Franca Maï

    • Franca,
      Comme je ne suis pas dans ta peau et qu’il la veut, je comprends très bien que toi, tu en parles. Tu as toute ma sympathie et, dans la mesure du possible, évidemment tout mon soutien à ce propos.
      Il ne faut quand même pas longtemps pour juger de la vacuité de ce mec que je ne connais que par une apparition phallocrate dans la défunte (ouf !) émission tv "c’est mon choix" ! Mon provincialisme lointain n’est pas forcément synonyme de naiveté mais de temps à autres aussi synonyme de recul. "Il" n’est donc aucunement pour moi symptomatique de quoi que se soit d’autre du vide. Qu’il ait pu faire illusion lors de son quart d’heure de gloire n’est d’aucun interet et, je te l’assure, n’aura vraiment aucune, aucune, aucune influence sur le scrutin à venir !... Quant à l’intelligence que tu lui prêtes, même si tu la connais plus que moi (!), je crois, vu ses prises de positions sur les femmes, qu’il ne faut pas en exager la grandeur...Et quand la fille du borgne aura hérité, il faudra le lui rappeler !
      Bon dimanche !
      Daniel.

  • "Voyage au bout de l’ennui"...
    lorsque alain (ecrivain) et des néo-philosophes sont en mal de l’éloignement des autres, ils rejoignent la triste famille des nécrophages. Ce monde est bien humain, courage à ceux qui veulent encore "donner" de l’humanité.
    Pour mes enfants...

    Didier (homosapien-sapiens)

  • Quand Franca Maï écrit que «  ce type intelligent qui passe du marxisme à l’extrême droite sans rougir est symptomatique d’une époque en perdition d’Ethique", quand Serge Rivron conclut « c’est vraisemblablement Soral qui veut la peau de Soral. Et il risque bien de finir par l’avoir. », je souscris.

    Il se trouve que je connais Alain Soral depuis un salon du livre et d’un long déjeuner ensemble (avec deux autres auteurs) il y a quelques années à Montmorillon.

    J’aurais alors tracé de lui le portrait qu’en fait ici Serge Rivron : « Passionnément sincère, profondément épris de clarté et d’honnêteté intellectuelle, cultivé, soucieux de vérité et de précision… ». Ce portrait doit-il être retouché depuis l’adhésion d’Alain Soral au FN ? Sans doute, et je me demande en écrivant pourquoi je me mêle de ça, avec pour bénéfice assuré l’expression d’un agacement et d’Alain Soral et de se détracteurs. Malencontreux coup double.
    La réponse est peut-être dans cette vidéo où Ignacio Ramonet interviewe Fidel Castro. La question roule sur les USA et Jimmy Carter. Et là, surprise, Fidel Castro insiste sur la haute estime qu’il a pour l’ancien président. Combattre les idées, ne pas haïr les hommes, répète-t-il. Carter a fait envers Cuba ce qu’il devait faire dans le contexte, dans le rôle qui était le sien. Aller plus loin aurait été suicidaire (Mêler Castro à cette affaire, je cherche la m... on dirait).

    Alain Soral est allé plus loin. Est-ce qu’on lui a laissé le choix ? A-t-il agi ou a-t-il été agi ? Les deux, mon général des parachutistes ?

    Rivron pense que «  son adhésion au FN est la dernière branche en laquelle il espère, et cette espérance mal fondée sera inévitablement déçue ». D’où l’hypothèse qu’il pourrait se suicider (pour de vrai, pas au sens figuré, ça, c’est déjà fait).

    Je crois aussi que le pire est à craindre et pour tout dire, je le crains. Car ce jour-là, je ne réduirai pas ma réaction en un « Et un facho de moins ! ».
    Quand les prolos désespérés par un chômage et une misère dont ils ne voient pas l’issue, pour eux et leurs descendances se mettent à voter Le Pen par millions, on peut dire que des millions de salauds sont nés d’un seul coup. On peut aussi s’attarder sur des explications moins simplistes et chercher les moyens de rattraper ça. Si l’on opte pour ce deuxième choix, il serait judicieux de ne pas limiter l’analyse au prolétariat.

    Il faudra aussi se demander si l’intelligentsia, qui ferme toutes les portes aux voix discordantes, en pousse au silence, au désespoir ou aux combats douteux, si cette intelligentsia nous a comptés dans ses rangs quand il s’est agi de barrer la route d’un retour possible des brebis égarées.

    Maxime Vivas

    • je suis tout à fait d’accord avec le post de maxime vivas (mon adhésion fut telle qu’elle en suscita une certaine émotion, moi qui notament me suis tapé l’interview ramonet-castro plusieurs fois tant il était passionnant).
      alain soral roule désormais pour le fn et j’ai l’air bien con auprès de mes amis à qui je disais fièrement il y a encore un mois : "tu connais pas alain soral ? normal ! c’est un pestiféré des médias... normal ! c’est un vrai subversif, et globalement j’adhère, sauf quand il dit que "les Beatles, c’était de la guimauve".
      et oui, avant je me vantais de connaître cet esprit libre et aujourd’hui, je suis bien heureux que mes amis ne m’écoutent qu’à moitié quand je parle... peut-être auront-ils zappé mon engouement désormais renié...
      quoique...
      sincèrement, je reste persuadé qu’alain soral est guidé bien plus par une suicidaire provocation que par un opportunisme quelconque, et je me dis ce que disait Brel : "j’ai ma lourde part de connerie comme tout le monde"...
      pourquoi alain soral en aurait-il réchappé, parce que là, je suis catégorique : quel connerie de soutenir Le Pen.

      alors j’essaie de comprendre pourquoi ça me dérange autant (étant d’accord que l’establishment a, par son rejet, aidé soral a s’enliser dans la radicalisation provocatrice) et je me dis que c’est parce que j’ai peur qu’il m’arrive la même chose.
      non que je sois tenté par les idées d’extrème-droite, mais j’ai la conviction que lorsque vous êtes exclu d’un territoire qui vous appartenait, vous êtes tenté d’aller vous réfugier chez l’ennemi par provocation, jusqu’à vous perdre complètement à force de vous être donné toutes les bonnes raisons de le faire.
      ça donne Clavier qui soutient Sarko après avoir co-écrit "mes meilleurs copains", le film le plus humaniste qui soit
      ça donne Jean-Edern Hallier soutenant Chirac en 95 après avoir été broyé par la gauche mitterrandienne
      ça donne Céline écrivant "bagatelles pour un massacre"
      ça donne Drieu-la-Rochelle
      ...

      rien n’est plus dangereux qu’un esprit brillant connaissant l’échec car la mégalomanie est parfois plus forte que la lucidité que confère l’auto-dérision

  • Le cas d’Alain Soral est symptomatique d’une mouvance au sein de l’extrême-gauche qui n’a cessé de flirter avec des idées d’extrême-droite, en particulier sur les sujets du négationaisme et de l’antisémitisme. Cette mouvance existe toujours, il suffit de penser au réseau Voltaire de Thierry Meyssan ainsi que le cas Dieudonné. L’antisémitisme explique beaucoup de choses.