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Alors que Sarkozy court, la gauche ne peut pas se regarder le nombril

Publie le lundi 31 août 2009 par Open-Publishing

Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, revient sur l’argumentaire qu’il a développé à l’Université d’été du Parti socialiste.

Quel est le scénario qui semble se dessiner en cette rentrée politique ? Sarkozy est à l’initiative en convoquant les banquiers, en installant la commission Juppé/Rocard pour définir les « priorités stratégiques » du « grand emprunt national », en préparant un nouvel impôt sur les ménages alors que les mille plus gros contribuables vont recevoir de l’administration fiscale un chèque moyen équivalent à 30 années de SMIC. Un an après le discours de Toulon et la promesse d’attaquer la crise à la racine, la droite engage une nouvelle offensive idéologique en cherchant à installer un consensus national, deux ans avant la présidentielle, tout en durcissant encore sa politique de casse sociale, économique et démocratique.

En même temps, une petite musique nous laisse croire que les premiers signaux de reprise et de relance sont là. La vérité est que la situation de l’emploi est désastreuse, avec en cette rentrée 700 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail, avec un crédit qui reste rationné (75 000 faillites de PME/PMI en 2009, un record), avec les grands groupes qui recommencent à faire le choix de la financiarisation au détriment des investissement utiles. La spéculation repart de plus belle. Bref, aucune leçon de la crise n’a été tirée.

Nous sommes dans un moment où jamais la question d’un autre chemin à prendre ne s’est posée avec autant de force - ce n’est plus archaique ou hérétique d’en discuter -, la gauche est sur d’autres sujets, sur d’autres préoccupations. Elle est ailleurs... Elle manque aux françaises et aux français, notamment à celles et ceux qui sont le plus durement frappés par les effets de la crise. Sarkozy s’est remis à courir et nous, nous sommes toujours incapables de nous relever. Il y a urgence à réagir car chaque jour de plus est aujourd’hui un jour de trop. Pour les femmes et les hommes de notre pays, la question n’est pas de savoir qui sera face à Nicolas Sarkozy en 2012 mais comment sortir de la crise sociale et vivre mieux.

Nous avons besoin d’être capables de proposer à notre peuple des objectifs clairs dont la réalisation permette d’améliorer la vie de chacune et de chacun, et notamment celles et ceux qui sont le plus durement frappés par la crise. Des objectifs qui ouvrent de nouvelles perspectives et sur lesquels puissent s’opérer des rassemblements suffisamment forts et déterminés pour vaincre les obstacles de tous ordres qui ne manqueront pas de se dresser, pour permettre que le changement réussisse, pour qu’une majorité et un gouvernement de gauche répondent aux attentes placées en eux. Faute de l’avoir fait dans le passé, la gauche a plusieurs fois déçu et échoué.

Taper où ça fait mal

« La crise et après » dit l’intitulé de notre rencontre. Deux dangers ici nous guettent. L’un serait de négliger le fait que c’est le capitalisme lui-même qui est à la source d’un tel gâchis pour l’homme et son environnement et de croire qu’une politique d’incitation, d’appui à une éventuelle reprise conjoncturelle peut suffire à nous sortir de l’ornière. L’autre est de faire profil bas au motif que l’on ne pourrait rien contre la crise puisqu’elle est mondiale.

Dans les deux cas, on reste très en deçà de l’ampleur des transformations, des ruptures nécessaires et possibles, on ne tape pas là où ça fait réellement mal : une autre utilisation de l’argent et de nouveaux pouvoirs démocratiques.

Sommes-nous oui ou non d’accord pour rassembler une majorité à gauche sur des solutions, un projet, des réponses prenant de front les attentes et les grandes questions de notre temps ? C’est la proposition avancée par Marie-George Buffet ces jours-ci.

Ces réponses, c’est faire le choix des salaires pour la croissance, le choix de la formation qualifiante et de la création massive de nouveaux emplois stables par la chasse aux gâchis capitalistes et aux prélèvements financiers. C’est s’engager clairement à interdire les licenciements dans les entreprises bénéficiaires et à reconnaître de nouveaux droits aux salariés à l’entreprise. C’est se prononcer pour des nationalisations permettant un pôle public et de nouveaux critères d’attribution du crédit pour les investissements matériels et de recherche des entreprises.

Face aux attaques contre les retraites et notamment les retraites des femmes, il faut un financement de la protection sociale contrôlée par les assurés sociaux et financée de façon mutualisée sur la base des salaires versés et des prélèvements sur les profits des entreprises. Face à la précarité généralisée, aux stages sous-payés, au pôle emploi privatisé, il faut aller vers une sécurisation de l’emploi et de la formation permettant à chacun et chacune d’entre-nous de maîtriser sa carrière, sa vie tout simplement.

C’est la suppression du bouclier fiscal et le retour à une fiscalité progressive sur le revenu, c’est une fiscalité sur les entreprises décourageant les choix financiers et incitant à l’investissement dans l’emploi, la recherche et la satisfaction des besoins.

Face aux libéraux assumés et aux libéraux honteux, il faut cesser de tergiverser et affronter enfin l’Europe sur la question de services publics.

Faire gagner la gauche, c’est construire ces réponses, leur donner vie en les faisant partager. Elles peuvent ouvrir des perspectives, changer les rapports de force dans les têtes, faire reculer les fatalismes et les idées selon lesquelles rien ne serait plus possible.

Bref, face à la crise, discutons d’un nouveau mode de développement humain, durable et citoyen.

Une nouvelle politique industrielle.

Je veux illustrer mon propos avec cet enjeu d’un nouvelle politique industrielle pour un développement humain durable

Un constat : notre appareil productif est dans une situation préoccupante. Entre la fin 2000 et juin 2008 : un million d’emplois industriels a disparu. Nous assistons à une véritable saignée. Plus de 70% du total des ressources mises chaque année à la disposition des entreprises (profits, crédits, fonds publics) sont mobilisés pour financer les paiement des intérêts, des dividendes et les placement financiers au détriment d’investissement utiles ( emploi, développement, recherche).

J’avance quelques propositions pour réfléchir ensemble.

D’abord sur les finalités : une politique industrielle doit être au service des besoins de la société et des personnes, de l’intérêt général, de l’emploi, de la qualification, du progrès social, de la promotion du pays, de ses territoires, de la construction de son avenir, de la réponse aux défis écologiques qu’il faut relever dans une perspective de développement humain durable.

Ces objectifs doivent trouver leur prolongement au plan européen, en rupture avec les orientations dominantes de la construction libérale de l’Europe fondée sur le dogme du marché autorégulateur, de la concurrence libre et non faussée, du dumping social, fiscal, réglementaire et environnemental.

Le potentiel productif ne se limite pas aux seuls sites de production mais englobe les infrastructures publiques (réseaux de transports, accès à l’énergie, réseaux de communication, mais aussi infrastructures de d’éducation, de formation, de santé).

Le fait de placer la préoccupation écologique au coeur de ces objectifs conduit au développement de nouvelles technologies, de nouvelles productions, de nouveaux métiers qui peuvent contribuer puissamment, si on les libère du carcan de la financiarisation, à l’émergence d’une croissance nouvelle au service de l’épanouissement humain et de la préservation de l’environnement.

Sommes nous d’accord, pour débattre des grands axes d’une telle ambition industrielle, pour les quinze, vingt prochaines années ? Les domaines d’activités dans lesquels la France doit impérativement être présente, à très haut niveau, sont nombreux. Sommes-nous d’accord pour dire que nous devons, au niveau national comme au niveau des régions, voire de certains bassins d’emploi, proposer des structures démocratiques de pilotage et d’orientation de l’effort industriel avec les outils de financement innovants nécessaires, une transformation profonde de la gestion des participation de l’Etat, la création d’un pôle financier public ?

Le problème de l’époque nouvelle dans laquelle nous sommes entrés est bien celui du dépassement du capitalisme. Il s’agit d’avancer dans une maîtrise sociale de l’économie et des entreprises.

Enfin, il nous faut placer cette question des politiques industrielles en bonne place dans notre bataille pour transformer la nature et le contenu de la construction européenne. Depuis près de 15 ans, parler de politique industrielle était un gros mot dans les cercles bruxellois. Seul le marché comptait. De ce point de vue aussi, la crise rend plus indispensable que jamais la concertation entre les différents pays pour définir les grandes priorités en matière de recherche, de qualification et de formation, d’effort d’investissement. La BCE telle qu’elle est aujourd’hui est un frein pour le développement des activités utiles. Mener la bataille pour la réformer en profondeur et en faire un outil commun de financement et de refinancement au service de l’emploi et de la réponse aux besoins est un élément important pour changer la donne en matière de développement industriel en Europe.

Penser l’avenir, ce n’est pas, comme trop souvent la gauche en donne l’image, ne penser qu’à son pré carré. Faire gagner la gauche, sur des bases claires et combatives, c’est bien construire des réponses sur les grandes questions d’avenir.

Nous le savons bien, ce débat n’est pas facile. Il va demander beaucoup d’efforts, d’énergie, une volonté politique de toutes les forces de gauche. Ce débat appelle aussi l’intervention populaire, des croisements avec les mouvements sociaux et démocratiques. Pour ce qui le concerne, le PCF va ouvrir en septembre et octobre des ateliers sur des thématiques concrètes dont il sera amplement question aussi lors de la prochaine fête de l’Humanité.

http://www.mediapart.fr/club/edition/article/310809/alors-que-sarkozy-court-la-gauche-ne-peut-pas-se-regarder-le-nombril