Accueil > Ambiance étouffante au Parlement

Ambiance étouffante au Parlement

Publie le jeudi 22 janvier 2009 par Open-Publishing
1 commentaire

De BERNARD DELATTRE

"Autoritarisme" contre "flibusterie" : députés de droite et de gauche en viennent à s’empoigner, presque physiquement. Des incidents de séance jamais vus depuis des décennies. Vers "une crise politique" ?

Sensation à l’Assemblée nationale. Mardi soir, les députés de l’opposition, s’estimant empêchés de défendre leurs amendements, ont quitté leurs bancs, fait mouvement vers la tribune, y ont apostrophé le Président UMP Bernard Accoyer et ont crié des slogans exigeant sa démission. Après avoir scandé "Démocratie ! Démocratie !" , ils ont entonné la Marseillaise - qu’on n’avait plus entendue au Parlement depuis les années 40 - puis ont claqué la porte de l’hémicycle. Mercredi, ils ont boycotté la séance de questions d’actualité - du jamais vu depuis que cette séance hebdomadaire a été instituée, dans les années 70.

Les députés débattaient d’un projet de loi réformant le travail législatif. Cette réforme impartit des délais pour l’examen des textes de loi. Elle permet une procédure d’examen simplifié de ces textes, dans laquelle seuls les amendements de la majorité sont mis en discussion, ceux de l’opposition pouvant être mis au vote sans débat.

La majorité justifie cette réforme par la nécessité de saborder "l’obstruction" et "la flibusterie" parlementaires dont se serait rendue spécialiste l’opposition, socialiste particulièrement, des pratiques d’autant plus insupportables selon elle en période de crise, qui appelle des réformes. La gauche, dès avant l’examen de ce texte, avait menacé d’"une crise politique majeure" s’il était adopté.

"Nicolas Bonaparte"

Mercredi, la droite a fustigé "le coup de force" des députés de gauche, les accusant d’avoir "menacé physiquement" leurs adversaires. Le secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, jugeant qu’on avait "atteint les limites de l’inacceptable" , a accablé une "attitude scandaleuse, inadmissible, pas digne de la représentation nationale" . Que des débats parlementaires "tournent à l’affrontement, au blocage, à l’injure" , cela "ne grandit personne" , a sermonné le Premier ministre François Fillon. L’UMP accuse l’opposition de se livrer à "du cinéma" parlementaire pour cacher ses rivalités égotiques et sa vacuité programmatique.

Le PS, sur un ton aussi offensif, dénonce "une atteinte jamais vue dans l’Histoire de la République" aux droits de l’opposition parlementaire. Selon lui, après s’être attaqué aux contre-pouvoirs médiatique, judiciaire, syndical ou associatif, Nicolas Sarkozy s’apprête à "museler le Parlement" . Le socialiste Arnaud Montebourg compare le chef de l’Etat à Vladimir Poutine ou à Jules César. L’ex-Premier ministre Laurent Fabius l’accuse de "confondre autorité et autoritarisme" . Le centriste François Bayrou juge que "ce sont les institutions qu’on est en train de tirer vers l’abus de pouvoir" . Le sénateur Robert Badinter dénonce une "dérive vers une présidence impériale" .

Moins attendues, des critiques commencent à se faire entendre dans le propre camp du Président. Mardi, des députés villepinistes et néocentristes (ex-bayrouïstes ralliés à l’UMP) ont protesté contre la manière dont étaient traités leurs collègues socialistes. A plusieurs reprises ces derniers mois, le Sénat (où l’UMP n’est majoritaire qu’avec les néo-centristes) a retoqué des projets de loi. Et le magazine "Le Point", pourtant très sarkophile, vient de moquer en couverture un... "Nicolas Bonaparte" pastiché en Napoléon.

 http://www.lalibre.be/actu/europe/a...

Messages

  • cf tageblatt
    France : Un contre-plan face à la crise… et la droite harcelée à l’Assemblée

    Restés bien silencieux depuis le calamiteux congrès de Reims, en décembre, et la prise du pouvoir interne par Martine Aubry et ses alliés contre Ségolène Royal au terme d’un scrutin très contesté, les socialistes entendent montrer qu’ils sont désormais „de retour“. On le voit depuis mardi à l’Assemblée nationale, on a aussi pu le constater hier avec la présentation d’un contre-plan de relance économique auquel les prévisions très sombres de l’Union européenne donnent une actualité forte./ De notre correspondant Bernard Brigouleix, Paris

    Cela faisait des semaines que, sans doute pour laisser à la poussière et à l’odeur de poudre soulevées par le congrès de Reims et ses conséquences immédiates le temps de retomber, la nouvelle première secrétaire du PS semblait jouer la carte de la discrétion, pour ne pas dire de l’effacement.
    „Ne vous en faites pas, Martine travaille, et vous ne tarderez pas à vous en rendre compte“, disaient aux journalistes curieux les quelques fidèles autorisés à „communiquer“. Au rang desquels ne devait d’ailleurs pas figurer le député André Vallini, spécialiste des questions de justice et qui avait démissionné de la direction socialiste après s’être fait rabrouer comme un débutant pour s’être exprimé, comme au bon vieux temps de François Hollande, sans avoir demandé la permission de le faire ...

    Agir vraimentcontre la crise

    La rupture de ce silence était en fait prévue pour le lundi 12 janvier, date à laquelle Mme Aubry devait présenter ses vœux à la presse, mais un malencontreux petit accident à l’œil l’avait obligée à différer cet exercice très convenu d’une semaine, et elle envisageait de présenter le lendemain de cette nouvelle date, avant-hier 20 janvier donc, les contre-propositions financières du PS pour sortir de la crise économique, bancaire et boursière, ou au moins en atténuer les effets et préparer la relance.
    Une bonne âme lui a fait observer, au service de presse du parti, que la date était mal choisie puisque l’investiture de Barack Obama écraserait évidemment, dans les rédactions, tous les autres sujets. „Faut-il que la nouvelle direction soit déconnectée de la vie du monde pour ne pas l’avoir remarqué plus tôt !“, soupire-t-on du côté de Ségolène Royal, dont tous les amis en sont exclus, et qui était, elle, à Washington avant-hier pour prendre part aux cérémonies inaugurant la présidence du nouvel hôte de la Maison-Blanche.
    Ce n’est donc finalement qu’hier soir que Martine Aubry a dévoilé le contre-plan économique et social du PS, intitulé : „Agir vraiment contre la crise“. Il s’agit évidemment d’un dispositif qui n’a, en l’état actuel du rapport des forces parlementaires, aucune chance d’être appliqué, mais qui vise à prendre date, et surtout sans doute à montrer que les socialistes ont tourné la page de leurs déchirements internes et sont désormais „au travail pour les Français“, selon la formule de la première secrétaire.

    50 milliardsd’euros

    Ce plan, qui a reçu le soutien des partisans de Mme Royal même s’ils n’ont pas été associés à son élaboration, part du constat que les aides accordées aux banques et à d’autres secteurs de l’économie ne sont pas assez ambitieuses pour pouvoir se révéler efficaces au bout du compte.
    Il propose donc de doubler la somme allouée par le dispositif Sarkozy, qui devrait être porté, selon le PS, à 50 milliards d’euros (soit 2,5 pour cent du produit intérieur brut) contre 26 actuellement.
    Mais en soutenant bien davantage la consommation des ménages pour relancer l’économie, une aide immédiate de 500 euros serait accordée à tous les bas revenus, et même pas seulement eux puisque Mme Aubry évoque le chiffre de douze millions et demi de bénéficiaires. Le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance) serait augmenté de 30 euros immédiatement, et la TVA serait réduite d’un point, passant ainsi à 18,6 pour cent. L’allocation au logement serait augmentée de dix pour cent, et les loyers dans les régions de forte hausse se verraient bloqués.
    En outre, l’Etat créerait cent mille emplois supplémentaires et investirait massivement dans les collectivités territoriales, cependant que le chômage partiel serait mieux indemnisé.
    La majorité a évidemment répliqué aussitôt qu’il ne coûtait pas grand chose au PS de se montrer si généreux avec un argent dont nul ne dispose, et surtout pas l’Etat, déjà de plus en plus lourdement endetté du fait de la crise.
    Et même si les socialistes demandent, pour contribuer partiellement au financement de leur plan, que l’on revienne sur les allègements fiscaux consentis par Nicolas Sarkozy lors de son arrivée à l’Elysée (allègements que la gauche évalue à 15 milliards d’euros par an, et la droite à 3,5 milliards réels).

    Reprendrele dessus

    De toute façon, la véritable ambition du contre-projet de soutien socialiste à une relance forcément lointaine et hypothétique n’est pas là : elle est plutôt de prouver que ce grand parti, que l’on avait enterré un peu vite à la suite de ses terribles divisions internes, a repris le dessus et est de nouveau capable de formuler des propositions de gouvernement. Au risque, certes, dans la situation économique mondiale et notamment européenne actuelle, de sembler céder une fois de plus à la tentation du „Il n’y a qu’à ...“
    Mais il lui fallait de toute façon rebondir après un long silence sur ces derniers mois de crise. Moins d’ailleurs, sans doute, par rapport à l’UMP et à l’Elysée, vis-à-vis de qui l’antagonisme est clair et ancien, que par rapport à une extrême gauche qui, sur le double terrain politique et syndical, est en train de prospérer sur les ruines du parti communiste et menace désormais directement le PS.
    C’est sans doute aussi ce qui explique – outre le fond du problème, où la position des socialistes est compréhensible et respectable – la virulence de leur offensive parlementaire contre le projet de loi gouvernemental tendant à limiter le recours à l’obstruction, procédé fort répandu autant à droite qu’à gauche et qui consiste, lorsque l’on veut ralentir au maximum l’adoption d’un texte par les élus, à noyer le camp adverse sous un déluge de propositions d’amendements (trois à cinq mille), parfois tout à fait fondées d’ailleurs mais parfois aussi totalement farfelues, dont l’examen, même accéléré, prend des semaines.
    Le RPR de Jacques Chirac y eut recours sous la gauche, la gauche s’y adonne avec délices contre l’UMP actuellement, mais cette guéguerre parlementaire, qui irrite passablement les Français, a pris depuis mardi soir un tour extrêmement virulent avec des démonstrations violemment hostiles de la gauche, entourant le „perchoir“, autrement dit le fauteuil du président de l’Assemblée, en chantant la Marseillaise (on ne l’avait plus entendue depuis le 30 mai 1968 au Palais-Bourbon, et c’était alors les gaullistes qui l’entonnaient ...) et en proférant des menaces contre un Bernard Accoyer manifestement dépassé par cette explosion de violence verbale.

    L’affaire du droit d’amendement

    Car le gouvernement tente actuellement de faire passer un texte qui, justement, vise uniquement, selon lui, à limiter le recours à l’obstruction – mais limiterait aussi singulièrement, du coup, et c’est un problème de principe très grave en effet, l’exercice du droit d’amendement.
    Dans les couloirs du Palais-Bourbon hier, plusieurs élus de droite ne cachaient pas que, s’ils trouvaient un peu exagérée et d’une bonne foi discutable l’attitude de leurs collègues de gauche, ils leur reconnaissaient du moins d’avoir posé un vrai problème ... Les députés socialistes ont décidé, dans ces conditions, après avoir spectaculairement quitté l’hémicycle, de boycotter la traditionnelle „séance de questions au gouvernement“ du mercredi, et l’ambiance reste très lourde à l’Assemblée.
    D’autant plus – et c’est, à défaut de l’emporter pour l’instant sur le fond, un sujet de jubilation pour les élus du PS – que la querelle est en train de se développer ... à droite : le président Accoyer a proposé hier soir des concessions susceptibles de mettre tout le monde d’accord (en gros, la possibilité pour un président de groupe de demander un large dépassement du temps global d’intervention à la tribune imparti à ses amis, pour quatre débats importants par an), mais qui ont aussitôt hérissé le „patron“ des députés UMP, Jean-François Copé.
    „Ce serait céder aux surenchères des socialistes“, s’est insurgé le président du groupe sarkoziste. „J’assume mes responsabilités, et ce n’est pas à tel ou tel président de groupe de dicter à celui de l’Assemblée nationale ce qu’il doit faire“, a répliqué Bernard Accoyer. Qui assure que ses collègues de droite, dans l’ensemble, comprennent et soutiennent sa position, et qui avait eu peu avant au téléphone le responsable des élus socialistes, Jean-Marc Ayrault. Lequel aurait demandé des propositions écrites, tout en se déclarant ouvert à une sortie de crise acceptable par tous.
    Ce n’est encore qu’une satisfaction modeste, et rien n’indiquait avec certitude, hier soir, comment cette affaire était susceptible de finir par se dénouer.
    Mais les socialistes peuvent du moins se flatter, en attendant de faire leur véritable come-back, d’être capables de semer la zizanie à droite. Ce que Charles de Gaulle avait appelé, en d’autres circonstances, „la discorde chez l’ennemi“…