Accueil > Amnesty International : dans l’est de la Libye, des exécutions sommaires à (…)
Amnesty International : dans l’est de la Libye, des exécutions sommaires à l’encontre des fidèles de Khadafi en guise de représailles
Publie le mercredi 18 mai 2011 par Open-PublishingA Benghazi et dans l’est de la Libye, la répression à l’encontre des fidèles de Khadafi et attribuée à des milices fait rage. S’apparentant à des représailles, elle reste tout aussi silencieuse que sanglante. De nombreux migrants d’origine africaine auraient aussi été visés.
A l’hôpital de Benghazi, j’ai retrouvé une femme que j’avais rencontrée quelques semaines plus tôt au même endroit, et où son neveu de 5 ans subissait une opération pour extraire une balle de sa poitrine. L’enfant semblait avoir été victime de l’un de ces tirs en l’air incontrôlés, trop souvent observés à Benghazi et dans d’autres zones de l’est de la Libye.
Une récente campagne d’affichage organisée par un groupe de jeunes incite les personnes armées à s’abstenir de tirer en l’air, une initiative intéressante et opportune à l’heure où les tirs imprudents continuent à tuer et blesser.
De tels incidents sont beaucoup plus fréquents que l’on veut bien l’admettre et sont généralement passés sous silence ou souvent imputés aux attaques de fidèles à Kadhafi, notamment ses prétendus comités révolutionnaires, afin de semer la peur et le chaos à Benghazi.
En moins de trois semaines, trois hommes ayant travaillé jusqu’au 17 février pour la redoutable ex-Agence intérieure de sécurité (AIS, Jihaz al-Amn al-Dakhili) ont été tués lors d’attaques brutales s’apparentant à des exécutions sommaires.
Le corps de la dernière victime en date, un père de six enfants, a été découvert le 10 mai dans la banlieue sud-ouest de Benghazi. Il avait été exécuté d’une balle dans la tête, pieds et poings liés et le cou étranglé par un foulard. Le mollet droit était entamé et son pantalon montrait qu’il avait été contraint à se mettre à genoux. Un bout de papier portant son nom et taché de sang, trouvé près du corps, mentionnait “… l’un des chiens de la meute de Kadhafi a été éliminé ”.
Deux semaines plus tôt, un autre ex-membre de l’AIS, âgé de 48 ans et père de trois enfants, avait été tué d’une manière semblable. Son corps a été retrouvé dans le même quartier au cours de la soirée du 22 avril. Le soir du 8 mai, un groupe d’hommes armés, dont certains étaient masqués, sont venus chercher chez lui un autre homme de 55 ans, père de huit enfants, ayant également appartenu à l’AIS. Le corps a été retrouvé le lendemain matin, toujours dans la même banlieue. Lui aussi était menotté, avait été tué d’une balle en pleine tête et portait en outre à la main et à la tête des blessures causées par un objet contondant.
La nuit, des groupes de “thuwwar” armés traquent fréquemment les fidèles de Kadhafi soupçonnés, à tort ou à raison, d’être impliqués dans des actions d’espionnage, de préparation ou de réalisation d’attaques, ou encore d’être responsables de la répression brutale caractéristique des méthodes de Kadhafi pendant quarante ans. Certaines de ces milices agissent sur les ordres de prétendus “comités de détention” dans des camps militaires, alors que d’autres semblent agir de façon autonome. Il arrive que des journalistes étrangers tombent entre leurs mains au cours de ces traques nocturnes.
Mais les anciens membres des agences de sécurité et les fidèles de Kadhafi ne sont pas seuls visés. Les 23 et 24 avril, les corps de deux homes non-identifiés, probablement originaires d’Afrique subsaharienne, ont été découverts toujours dans la même banlieue de Benghazi. L’un d’eux avait la gorge tranchée et les chevilles liées par une corde. L’autre avait été tué d’une balle dans la tête après avoir été roué de coups. Encore ne s’agit-il là que des cas les plus récents. Dès le lendemain du renversement du régime de Kadhafi dans l’est de la Lybie, plusieurs ressortissants des pays du Sahel ont été brutalement attaqués et tués. Certains ont été abattus, d’autres ont été pendus en public, d’autres encore ont été lynchés. Aucune enquête ne semble avoir été lancée pour identifier et punir les responsables de ces crimes odieux.
De nombreux migrants d’origine africaine ont été attaqués parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir agi en tant que « mercenaires » aux côtés des forces de Kadhafi. Ces attaques ont sans aucun doute été encouragées par des allégations le plus souvent non fondées, mais largement répandues, y compris par les dirigeants du Conseil national transitoire, selon lesquelles les « mercenaires » africains auraient joué un rôle déterminant dans les tueries et attaques contre les manifestants. De nombreux migrants d’origine africaine ont été détenus après le 17 février et l’immense majorité d’entre eux ont été ultérieurement relâchés et autorisés à quitter le pays, en l’absence d’élément de preuve.
A ce jour, il n’y a eu aucun débat public sur ces événements dramatiques, qui n’ont aucunement fait l’objet de discussions sur la nouvelle télévision libyenne (Free Libya), les stations de radio ou dans les colonnes des nombreux journaux apparus au cours des deux derniers mois.
Donatella Rovera, chercheuse d’Amnesty International à Benghazi