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Amnesty International s’inquiète des actions des rebelles libyens
par Sandra Titi-Fontaine
Publie le jeudi 15 septembre 2011 par Sandra Titi-Fontaine - Open-Publishing1 commentaire
Nicolas Sarkozy, accompagné de Bernard-Henri Lévy (mais pas par son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé), et le premier ministre britannique David Cameron, effectuent jeudi une visite à Tripoli et Benghazi, pour célébrer la victoire des rebelles sur le régime du colonel Kadhafi.
Leur voyage coïncide avec la publication d’un rapport sévère d’Amnesty International sur la Libye, qui n’épargne ni les troupes du colonel Kadhafi ni les insurgés et dénonce tortures, pendaisons, assassinats, disparitions…
« Un chien parmi les chiens de Kadhafi a été éliminé » : ce message, écrit en lettres de sang, a été retrouvé sur le cadavre d’un ancien membre présumé de la sécurité intérieure libyenne (ISA), mort d’une balle dans la tête, pieds et poings liés. Exécuté, selon toute vraisemblance, par des rebelles partisans du Conseil national de transition (CNT) libyen.
Cet assassinat s’ajoute à la longue liste des violences relevées par un rapport d’Amnesty International, qui dénonce non seulement les crimes atroces commis par les troupes loyales à Kadhafi – avec un bilan humain très lourd –, mais aussi les exactions perpétrées par les forces rebelles.
Même si l’organisation reconnaît que ces dernières ont été commises « à moindre échelle ». Pour tourner la page de quatre décennies de despotisme, Amnesty presse le CNT de faire cesser la chasse aux sorcières qui a commencé dès les premiers jours de la « Révolution du 17 février » :
« Les arrestations arbitraires, les lynchages, les tortures et les assassinats extrajudiciaires se sont alors multipliés de façon inquiétante, perpétrés par des groupes armés qui opéraient librement, ouvertement et dans la plus totale impunité. »
Les Noirs visés
Premiers dans la ligne de mire : les Subsahariens. Et de manière générale tous les hommes à la peau noire, quand bien même ils étaient libyens. Lorsque l’est du pays est tombé aux mains du CNT, les forces rebelles ont « effectué des descentes dans des maisons et battu à mort ou exécuté des mercenaires supposés » à Benghazi, Derna et Al-Bayda.
Il faut dire qu’au début du conflit le CNT avait maintes fois brandi le spectre des chiens de guerre recrutés en masse au sud du Sahara par Kadhafi pour défendre ses positions. Des accusations « très exagérées » selon Amnesty, mais qui n’ont jamais été démenties par le nouveau pouvoir.
Conséquence de cette rumeur : d’après le rapport :
« Entre un tiers et la moitié des personnes enfermées dans les centres de Tripoli et d’Al Zawiya sont des étrangers. […] Seulement, la plupart ne sont que des travailleurs migrants. »
Avant la chute de Kadhafi, la Libye s’imposait comme l’une des destinations de prédilection pour les candidats à l’exil en Europe, qui trouvaient facilement un travail afin de payer les passeurs.
Aujourd’hui, leur sort est entre les mains « de conseils militaires et locaux, au lieu de celles du ministère de la Justice et des Droits humains et les risques d’abus sont élevés ».
Autre catégorie visée, les anciens fidèles du colonel, pour la plupart membres des services de sécurité intérieure. Ou supposés. Désormais, la peur a changé de camp, à tel point que les familles de victimes ne se font même plus connaître, craignant les représailles si elles étaient « labellisés antirévolutionnaires ».
Le parent d’un fonctionnaire de l’ISA exécuté par les forces d’opposition a confié à Amnesty avoir fait enregistrer le décès sous le motif « martyr de la Révolution, tué par les pro-Kadhafi ». Sans police ou système judiciaire opérationnels, il lui restait peu d’options.
Vengeance aveugle
Dans sa première allocution publique à Tripoli lundi soir, Moustafa Abdjeljalil, le chef du gouvernement intérimaire libyen, a déclaré vouloir « installer un Etat de droit », en appelant les partisans du CNT à ne pas se livrer à des représailles.
Un discours qui tranche avec la position tenue jusqu’alors par les responsables de l’opposition, « qui ont souvent minimisé l’ampleur et la gravité de tels abus » selon Amnesty.
Comme Mohamed Al Alagi, membre du CNT et ancien président de l’Association libyenne des droits de l’homme, qui reconnaît :
« des erreurs commises, mais […] ne pense pas qu’il s’agisse de crimes de guerre puisque [leurs combattants] ne sont pas des militaires. Juste des gens ordinaires. »
Messages
1. Amnesty International s’inquiète des actions des rebelles libyens, 19 septembre 2011, 19:47, par louis-marie92
La mort d’un homme est-elle plus admissible quand elle est provoquée par un civil que par un militaire ? Amnesty, une fois de plus est dans son rôle de Sage en évitant tout parti pris, dans un sens comme dans l’autre. Certain trouvent cette neutralité suspecte. C’est pourtant la force de ce mouvement qui reste totalement indépendant. Certes on peut comprendre, mais cela ne justifie rien malgré tout.