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Antisémitisme : taxés de laxisme, les juges protestent

Publie le mardi 24 août 2004 par Open-Publishing

Les deux principaux syndicats de magistrats français ont protesté mardi contre les accusations de "laxisme" en matière de répression de l’antisémitisme lancées par des associations juives au monde judiciaire.

"Certains types d’autorités associatives et religieuses perdent leurs nerfs et ne rendent pas service aux personnes qu’elles veulent défendre en attaquant les institutions de la République", a dit à Reuters Dominique Barella, président de l’Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire).

"La justice fait son travail et n’a pas à subir les pressions de tel ou tel groupe. Dire que c’est parce que les juges seraient laxistes que ces choses se produisent, c’est absurde, c’est monter les communautés les unes contre les autres", a ajouté Agnès Herzog, du Syndicat de la magistrature (classé à gauche).

Plusieurs associations juives, dont le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), ont estimé que la justice française se montrait trop clémente avec les auteurs d’actes antisémites, après l’incendie apparemment criminel d’un centre culturel juif le week-end dernier.

"L’ensemble des commentateurs aurait dû tirer la leçon de l’affaire du RER. Tant qu’une affaire n’est pas terminée, on ne peut pas savoir s’il s’agit d’un délit raciste, d’une provocation ou d’un règlement de compte", a estimé Dominique Barella.

Début juillet, le récit d’une agression raciste dont disait avoir été victime une jeune femme dans le RER avait suscité une vague d’indignation dans le pays, avant que la police ne découvre que la pseudo-victime avait tout inventé.

Pour Dominique Barella, le juge doit "personnaliser" les peines et n’a pas à prononcer systématiquement des sanctions très lourdes dès qu’un acte est qualifié de raciste.

"Le rôle du juge de la République est d’appliquer la loi en tenant compte de la particularité des faits, de l’auteur ou des victimes. On ne peut pas faire une typologie globale. Comment comparer une insulte, une agression, un incendie criminel ?", a-t-il dit.

"Si les responsables associatifs ou religieux se mettent à tomber dans le communautarisme, ils rendent un très mauvais service aux Juifs de France, qui veulent justement être défendus comme tout le monde", a-t-il ajouté.

Certaines associations juives protestent notamment sur trois dossiers : la réintégration début août de deux élèves du lycée Montaigne de Paris coupables d’insultes antisémites contre un de leurs camarades, et les relaxes ces derniers mois de l’animateur de radio Daniel Mermet et de l’humoriste Dieudonné, poursuivis pour "diffamation raciale".

Dominique Barella a soutenu la légitimité de ces trois décisions et Agnès Herzog a estimé que les juger globalement relevait de "l’amalgame".

En réintégrant les deux élèves, la cour administrative d’appel a jugé qu’une exclusion définitive aurait été une sanction "disproportionnée" avec l’infraction. Les tribunaux ont estimé que Daniel Mermet et Dieudonné s’en étaient pris à la politique d’Israël et non aux Juifs en tant que tels. (Reuters)

http://www.reuters.fr/locales/c_newsArticle.jsp?type=topNews&localeKey=fr_FR&storyID=6053578