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Attaques contre le Code du Travail
Publie le mardi 5 juillet 2005 par Open-Publishing10 commentaires
Ce matin, le Figaro est remonté contre le Code du Travail. Mais ça fait des mois que ça dure. Voici les joyeusetés qu’on nous sert dans le journal de papy Dassault :
S’il est un sujet qui illustre clairement le clivage entre le patronat et les syndicats, c’est bien celui du Code du travail. Rarement les positions des deux parties auront été aussi tranchées que sur la question de sa réforme. A tel point que le débat frise parfois la caricature. « N’y touchez pas ou on défile », préviennent régulièrement les syndicats. « Simplifions-le pour créer des emplois », rétorquent avec constance les organisations patronales.
Entre ces forces antagonistes aussi puissantes, le Code du travail demeure imperturbable, s’enrichissant tous les ans d’une nouvelle moisson d’articles supplémentaires, fruit des travaux législatifs des différents gouvernements. « Avec plus de 600 articles modifiés, cette 67e édition se caractérise par une grande richesse en nouveautés législatives et réglementaires », annoncent les éditions Dalloz en introduction de la version 2005 du Code du travail.
Les partisans d’un assouplissement n’ont qu’à l’ouvrir pour y puiser des arguments soulignant son obsolescence. Et lire l’article R. 224-4 qui impose aux entreprises employant plus de 100 ouvrières de mettre à disposition des chambres d’allaitement. Ou cet autre qui interdit aux employeurs de demander aux femmes de transporter des marchandises sur des « tricycles porteurs, des diables, cabrouets (ou des) charrettes à bras ».
Le Code fourmille de ces articles surannés qui plaident en faveur, sinon d’une réforme, à tout le moins d’une réécriture. Mais celle qu’a entreprise Gérard Larcher est bien loin de satisfaire le patronat. La commission mise en place par le ministre délégué à l’Emploi vise à réécrire le Code du travail « à droit constant ». C’est-à-dire sans toucher aux règles très strictes sur le licenciement, qui constituent, selon les partisans de la réforme, un « frein à l’embauche ». En clair, le Code du travail rend le licenciement tellement long, complexe et coûteux que les chefs d’entreprise préfèrent ne pas embaucher plutôt que de se lancer dans un long parcours procédurier à l’issue incertaine.
C’est pour lever, en partie, ces réticences que Dominique de Villepin tente actuellement de mettre en place le contrat nouvelle embauche. La caractéristique principale de ce nouveau contrat de travail illustre parfaitement la problématique : pendant deux ans, l’employeur peut licencier son salarié sans aucun motif. Une perspective qui a provoqué une levée de boucliers syndicale, chacun dénonçant une attaque en règle contre le Code du travail.
Car l’objet est sensible. Au fil des décennies, il a acquis une très forte valeur symbolique, incarnant tout à la fois l’emblème et le réceptacle de près d’un siècle de conquêtes sociales. Ce que Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, résume mieux que tout autre : « Le Code du travail, c’est la base des droits conquis par le mouvement syndical, cela reste un outil de protection pour les salariés. » Et souvent, le dernier rempart pour des salariés qui subissent pêle-mêle les délocalisations, les fermetures d’usines, les plans sociaux, la mondialisation, la baisse du pouvoir d’achat, la modération salariale, le chômage... Face à ce mélange hétéroclite, le Code du travail apparaît comme le dernier refuge.
Résultat, la moindre mesure qui suppose une modification du code provoque une réaction syndicale quasi instantanée. Jean-Louis Borloo veut développer les emplois de services à la personne ? La CFE-CGC dénonce une volonté de « détricoter le Code du travail au nom de la cohésion sociale ». Gérard Larcher assouplit les 35 heures ? L’Unsa estime qu’il s’agit « purement et simplement d’une remise en cause des majorations pour heures supplémentaires prévues par le Code du travail ». Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre, annonce la création d’un conseil d’orientation de l’emploi pour analyser les causes structurelles du chômage en France ? Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, s’inquiète que les travaux de ce conseil servent « de caution à l’affaiblissement du Code du travail ».
Cet aspect symbolique du Code du travail, le Medef le connaît parfaitement, qui avait caressé l’idée de le peser en public pour en dénoncer l’« obésité ». Avant de renoncer à un geste qu’Ernest-Antoine Seillière lui-même estimait provocateur. Candidate à sa succession, Laurence Parisot l’a appris à ses dépens. Elle avait à peine appelé, lors de la dernière assemblée générale du Medef, en janvier dernier, à « porter le fer contre le Code du travail », que les syndicats affichaient unanimement leur défiance à son égard. Et dans les cortèges qui ont défilé en France depuis le début de l’année, la défense du Code du travail a toujours été en bonne place derrière les revendications du moment, quand ce n’était pas la première.
« Je me considère comme un médecin. » Un médecin surchargé de travail. A 48 ans, la haute silhouette de maître Philippe Brun est devenue familière des salariés de grands groupes frappés par des plans sociaux. L’histoire a débuté en 1993 quand ce Champenois est appelé pour défendre les salariés de Moët et Chandon retranchés dans les caves pour protester contre un plan social. « Je leur ai conseillé de libérer les lieux en leur promettant que nous irions ensuite en justice. Ce fut fait et le plan social a été annulé. C’était une première en France », insiste l’avocat, qui ne cache pas ses sympathies de gauche. Adhérent du Parti socialiste en 1984, il a formé les conseillers prudhommaux pour la CFDT et choisi la lutte sociale avec pour seule arme le Code du travail. Régulièrement, il calme les ouvriers exaspérés, prêts à tout pour se faire entendre. « Il faut surtout éviter d’être en situation d’infériorité juridique, conseille-t-il. Occuper une usine est illégal et coûte cher aux salariés : c’est un moyen de lutte long qui mène souvent à l’impasse », constate l’avocat qui a démarré comme enseignant à l’université de Reims après une thèse sur le droit du licenciement économique.
Inscrit au barreau en 1993, maître Brun a affronté Total, Alcatel, ST-Microelectronics, Danone ou Michelin. Annulation de plan social pour insuffisance compte tenu des moyens du groupe, annulation pour violation de la procédure de licenciement si l’ordre du jour n’a pas été conjointement rédigé par le PDG et le secrétaire du comité d’entreprise, annulation de plan social faute de causes économiques valables sérieuses... Les méthodes de l’avocat exaspèrent ses adversaires qui lui reprochent « une judiciarisation à but politico-médiatique des dossiers ». De fait, il n’a pas son pareil pour décrocher son téléphone et tenter de convaincre personnellement les médias de l’intérêt de son combat. Ses qualités de pédagogue - l’homme enseigne toujours à l’université de Reims - interviennent à point pour expliquer le plus broussailleux des dossiers.
Défenseur des salariés de Wolber, depuis l’été 1999, en butte à la décision de Michelin de fermer sa filiale soissonnaise, Me Brun a obtenu l’annulation du plan social pour une partie du personnel. Mais la réintégration sur le site soissonnais, déserté dès 2000 par Michelin, n’aboutit pas. « Les tribunaux m’ont dit que j’avais juridiquement raison mais que c’était matériellement impossible, regrette-t-il. Pourtant, j’ai tout de suite saisi la justice et rien n’a été fait pour empêcher Michelin de s’en aller et de rendre matériellement impossible toute réintégration. » Un constat qui le pousse un peu plus dans les bras de la politique.
« Il faut proposer des réformes pour éviter des plans sociaux qui deux fois sur trois ne s’imposent pas », ajoute l’avocat, qui voudrait « renforcer les pouvoirs de codécision du comité d’entreprise ». Des idées aux antipodes des réflexions actuelles sur le Code du travail. « Avec les CDD, les contrats intérimaires, intermittents et à temps partiel, on est déjà dans l’hyper-flexibilité : que veut-on de plus ? » Philippe Brun, qui, depuis le 29 mai, assure avoir croisé beaucoup de socialistes tenants du non au référendum, se dit désormais prêt à plonger dans le bain politique. « Pourquoi pas à Reims, en terre de mission ? »
L’affaire avait fait grand bruit il y a deux ans, et contribué à alimenter la polémique sur les patrons voyous. Fin août 2003, le propriétaire italien des chips Flodor déménage en catimini les chaînes de production, provoquant le lent déclin de l’entreprise installée à Péronne dans la Somme. Unichips pensait sans doute pouvoir clore l’histoire. En février dernier, la liquidation judiciaire est prononcée et, avec elle, le chômage des 185 salariés.
Seulement voilà, ces derniers ne veulent pas désarmer. Et comptent bien utiliser jusqu’au dernier les recours que leur offre la justice. Quitte à mobiliser jusque dans les rangs politiques.
Echaudé par les événements d’août 2003, le personnel, avec l’aide de Me Fiodor Rilov, l’avocat conseillé par le député communiste Maxime Gremetz, a recherché toutes les solutions pour se battre. A commencer par les plus radicales : « Il faut aller chercher les groupes et les faire payer », s’emporte Maxime Gremetz, devenu vice-président du conseil régional de Picardie. Dans une région où les grands groupes sont très présents, le conseil régional peut décider d’enclencher une aide juridique pour soutenir le combat des salariés. « Il ne s’agit pas de se substituer au dialogue social ou de faire du juridisme à tout prix, mais si c’est un moyen pertinent de sauver des emplois, c’est justifié », tempère-t-on dans l’entourage de Claude Gewerc, le président socialiste de la région.
Dans le cas de Flodor, c’est par l’intermédiaire du comité d’entreprise (CE) que les salariés ont engagé la bataille. Le CE conteste notamment la vente, en 2002, de la marque Flodor de Péronne Industries à une filiale italienne d’Unichips. En février dernier, le tribunal a reconnu que le CE était compétent pour déposer cette requête. « Le CE est créancier car on ne lui a pas payé sa dotation en 2003, explique Me Rilov. C’est une situation très fréquente dans les entreprises en difficulté. »
Grâce à cette astuce juridique, le CE a le droit de mener l’action devant la justice. « Nous voulons récupérer la marque pour intéresser un repreneur, insiste Daniel Mailly, secrétaire-adjoint du CE qui mène l’action juridique. Mais on sait que cela peut être long. » « Il y en a pour des années », confirme une source proche du dossier qui s’insurge contre cette « agitation franco-française et ce refus de regarder la réalité en face d’une entreprise qui était structurellement déficitaire ».
Les Flodor, eux, maintiennent la pression. Ils ont réussi à retarder la vente des machines de l’usine prévue le 23 juin dernier, en invoquant son « illégalité ». Fin juillet, ils seront à nouveau devant le juge pour demander la saisie conservatoire de la marque. « C’est un moyen de pression », souligne Me Rilov qui rappelle que la justice a ordonné à Unichips d’améliorer son plan de sauvegarde de l’emploi.
Les Flodor contestent également le licenciement récent des membres du comité d’entreprise. « Nous avons fait un recours devant le ministère de cette décision qui mettrait en péril les actions en justice du comité d’entreprise, privé de ses membres », précise Maxime Gremetz. « Nous sommes au coeur du marécage du droit du travail, constate Me Rilov. C’est à nous d’échafauder et de trouver de nouvelles pistes », précise l’avocat qui compte bien sur le cas Flodor pour faire progresser le sujet.
Depuis le succès de Corinne Maier, avec Bonjour paresse - paru l’an dernier chez Michalon, plus de 250 000 exemplaires vendus, traduit dans vingt-quatre langues -, les éditeurs semblent redécouvrir le milieu de l’entreprise, ses salariés, ses usines... Du coup, la plupart des maisons d’édition ont tenté d’exploiter le filon. Ainsi, après ce best-seller, plus d’une centaine d’ouvrages ont-ils pour thème l’entreprise. Du jamais vu, alors que, jusque-là, le monde des lettres et celui de l’économie ne semblaient pas faire bon ménage. Mais, le plus souvent, une même approche domine : les auteurs décrivent le malaise social et se penchent rarement sur le bien-être au bureau.
Pour mémoire, on rappelle le sous-titre, explicite, du livre de Corinne Maier, dont la version en format de poche paraîtra à la rentrée : « De l’art et de la nécessité d’en faire le moins possible en entreprise ». Cet ouvrage est devenu un phénomène de société ; même le New York Times en a parlé en une. Il est devenu également un symbole de l’expression du malaise des cadres, l’auteur étant économiste travaillant à temps partiel chez EDF... et psychanalyste.
Les autres ouvrages qui ont eu du succès racontent le même malaise social. François Bon, dans Daewoo, roman (Fayard), donnait la parole aux ouvrières de l’usine coréenne, après la fermeture des trois sites de la vallée de la Fensch. Le romancier a également soutenu les salariés dans leur travail de rédaction à travers des ateliers d’écriture. Le livre a obtenu un prix littéraire. Beau succès aussi pour Dehors, les p’tits Lu ! Chronique d’une usine sacrifiée, de Monique Laborde et Anne Gintzburger (Flammarion). Cette fois, c’est l’infirmière en médecine du travail, licenciée en juin 2004, après avoir partagé pendant vingt ans le quotidien des salariés de l’usine Lu de Ris-Orangis, qui prend la plume, avec l’aide d’une journaliste. Le témoignage parle de « choc » et de « traumatisme » quand l’entreprise a fermé en janvier 2001. La thèse du récit ? « La société considère les travailleurs comme des produits de consommation sacrifiés au profit des bénéfices. »
On le voit, quand l’édition ouvre ses pages, elle laisse davantage la parole à ceux qui se plaignent de leur sort. Normal, fait remarquer Jean-Luc Foucher, auteur de Ressources inhumaines (Bourin éditeur), HEC et fondateur d’un cabinet de conseil aux dirigeants, il suffit d’observer et de lire les sondages. Il rappelle celui, très instructif, de TNS-Sofres : depuis 2002, les Français qui ne font pas confiance aux chefs d’entreprise sont devenus majoritaires, à 54%. Ils n’étaient qu’un sur quatre à partager ce sentiment en 1985. En gros, les salariés leur reprochent de les faire passer après les actionnaires et après les dirigeants.
Or, Jean-Luc Foucher, qui connaît bien les sociétés pour avoir travaillé dans des groupes tels que Unilever, LVMH, L’Oréal ou Disney, veut démontrer qu’il existe autre chose qu’un malaise diffus au sein des entreprises. « J’ai cherché à sortir de la sinistrose du moment : la moitié de mon ouvrage est consacrée aux solutions, au fait que j’ai rencontré des pratiques différentes. Je pense que, à la prochaine étape, on parlera d’expériences positives. »
Bien vu. Dans les programmes de septembre, on remarque ainsi qu’un chef d’entreprise emblématique va prendre la plume. Sortira, en effet Hop !, de Philippe Bourguignon (chez Anne Carrière). L’ancien président du Club Med et d’Eurodisney veut donner ses propres réflexions, montrer une autre image de l’entreprise, et « refuser la paresse » ! Est-ce une réponse à Corinne Maier ? En septembre, se tiendra également, à Marseille, le Forum des entrepreneurs. Parmi les questions clés qui seront débattues : « Le bonheur est-il possible en entreprise ? »
Messages
1. > Attaques contre le Code du Travail, 5 juillet 2005, 12:09
Vive la paresse !
Ne travaillez plus !
Ne dites plus oui à un petit chef !
2. > Attaques contre le Code du Travail, 5 juillet 2005, 16:06
oui, VIVE la Paresse ! la solution c’est travailler moins, produire moins, gagner moins, consommer moins, polluer moins, detruire moins ... donc partager plus, et plus equitablement le temps de travaille ainsi que les salaires.
je defendrais toujours mon droit à la paresse.
wapasha
1. > Attaques contre le Code du Travail, 5 juillet 2005, 18:32
" gagner moins, consommer moins..." Ca çà me gonfle, va dire ça à un SDF qui a pas de quoi bouffer, à un salarié précaire, travailleur pauvre, qui bosse sans même gagner de quoi vivre ! Tu crois que la majorité des travailleurs dans ce pays, (c’est à dire "le peuple", celui dont on chante les louanges si souvent ici), ce qu’ils visent c’est "gagner moins" et "consommer moins" ?
Alors NON, pas gagner moins ! Definitivement "gagner plus", pour pouvoir enfin vivre, et aussi (ça en fait aussi partie) pour consommer (et relancer la consommation).
Battons nous tous pour des augmentations de salaire, c’est possible. Les entreprises du CAC 40 filent des milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Il faut un autre partage des richesses, qui aprés tout appartiennent aux salariés !
Etre utopiste, c’est une trés bonne chose, j’essaie de toujours le rester, mais y a quand même des fois où il faut un peu regarder la réalité en face, sinon l’utopie ne sert plus à rien !!
Gramsci
2. > Attaques contre le Code du Travail, 5 juillet 2005, 18:48
Gagner plus ? Relancer la consommation ?
Gagner plus... oui pour certains. Mais si c’est pour relancer la consommation, que nenni. La consommation tue assez la planète comme cela.
3. > Attaques contre le Code du Travail, 5 juillet 2005, 23:35
C’est vraiment fatigant de lire et relire toujours les mêmes slogans creux et débilitants.
"Relancer la consommation, que nenni...la consommation tue la planète..." Certes.
Mais la consommation de qui ? Il y en a beaucoup qui n’arrivent pas à consommer et beaucoup qui crèvent carrément de faim. Vivre c’est "consommer". Alors, adaptons tous ces slogans à la réalité qui est multiple et complexe, car "ventre affamé, n’a point d’oreilles".
4. > Attaques contre le Code du Travail, 6 juillet 2005, 06:15
Consommer pour vivre ou vivre pour consommer ?
5. > Attaques contre le Code du Travail, 6 juillet 2005, 12:01
Oui,oui, tout le monde connaît. Encore un adage éculé et qui ne fait pas avancer les choses.
Le problème reste entier.
3. > Attaques contre le Code du Travail, 5 juillet 2005, 23:06
formons nos bataillons (surtout pas la division)
4. > Attaques contre le Code du Travail, 5 juillet 2005, 23:39
Quelle dommage qu’il n’y en ait qu’un comme lui
Il en faudrait quelques milliers en Europe, dans tous les pays.
J’espère qu’il continuera longtemps à être "le poil à gratter des patrons"’
5. > Attaques contre le Code du Travail, 5 juillet 2005, 23:41
j’ai oublié de dire que c’est maître Philippe Brun que je félicitais !