Accueil > Auschwitz, 60 ans plus tard

Auschwitz, 60 ans plus tard

Publie le lundi 24 janvier 2005 par Open-Publishing

Il y a 60 ans, le 27 janvier 1945, les soldats de l’Armée rouge soviétique
libérèrent les survivants encore reclus dans l’immense complexe concentrationnaire
nazi d’Auschwitz-Birkenau. Ils découvrent alors, hébétés, un monde meurtri dont
l’horreur dépasse tout ce qu’ils avaient imaginé.


de Élias Lévy

Auschwitz, camp de travail, de concentration et d’extermination était une monstrueuse
machine à avilir et à tuer. Un complexe morbide où, pour la première fois dans
l’histoire de l’humanité, le meurtre programmé de plusieurs millions de juifs
et d’opposants au nazisme fut minutieusement industrialisé.

Dans un essai remarquable et très bien documenté, Auschwitz, 60 ans après, qui
vient de paraître aux Éditions Robert Laffont, une des meilleures spécialistes
mondiales de l’histoire du génocide juif et du système concentrationnaire nazi,
l’historienne française Annette Wieviorka, retrace les diverses étapes de la « Solution
finale juive », mise au point froidement et technologiquement par les principaux
stratèges nazis.

D’après plusieurs spécialistes renommés de l’histoire de l’Holocauste, ce livre est la plus importante et rigoureuse synthèse historiographique sur le camp d’Auschwitz publiée jusqu’ici en français. Dans les deux derniers chapitres du livre, intitulés Éléments pour une Histoire et À quoi sert Auschwitz ?, Annette Wieviorka étaye des réflexions fort perspicaces sur la place qu’occupent aujourd’hui Auschwitz et le génocide juif dans la conscience universelle de l’humanité (lire aussi sur cette question, l’excellent livre de Georges Bensoussan, Auschwitz en héritage. D’un bon usage de la mémoire -Éditions Mille et Une Nuits).

Wieviorka consacre des pages passionnantes au rôle de l’histoire comme vecteur de transmission de la mémoire. « Les générations qui reprennent le chantier sont plus éloignées des événements dont trois, voire quatre générations les séparent. Elles sont mieux capables peut-être de respecter l’éthique de la profession d’historien, la nécessaire soumission aux faits dans le respect de leur vérité et la mise en oeuvre d’une morale de l’intelligence que ne brouille pas la douleur du souvenir des morts.

C’est dans cet espace laissé aux vivants, l’espace de la liberté et de la pensée, que se dessinera peut-être une nouvelle modalité de la visite d’Auschwitz qui permettra enfin de penser le présent, c’est-à-dire, pour reprendre l’historien Marc Bloch, non seulement ce qu’aujourd’hui porte empreinte d’hier, chez les individus comme dans nos sociétés, mais surtout ce qu’il a de neuf et de surprenant », explique-t-elle. Pour mieux faire comprendre ce que fut la réalité à Auschwitz, le récit de l’historienne est accompagné de nombreuses annexes : plan détaillé du complexe d’Auschwitz-Birkenau, bilan chiffré de l’extermination, chronologie du processus génocidaire, documents iconographiques...

Auschwitz vu par un ArabeAutre témoignage capital et atypique sur Auschwitz et sa mémoire, celui d’Émile Shoufani, curé palestinien de Nazareth et apôtre infatigable du dialogue judéo-arabe. Dans un livre très poignant, Un Arabe face à Auschwitz. La mémoire partagée, paru récemment aux Éditions Albin Michel, l’écrivain et éditeur Jean Mouttapa - il dirige la collection « Spiritualités » d’Albin Michel - relate le voyage judéo-arabe organisé, au printemps 2003, par le père Shoufani sur le site d’Auschwitz-Birkenau.

Trois cents Juifs et Arabes -la majorité d’entre eux musulmans - israéliens ont participé à ce voyage de recueillement. Pour la première fois, des Arabes israéliens ont voulu pénétrer la mémoire juive pour placer le dialogue sur un plan spirituel, moral et philosophique plutôt que politique. Jean Mouttapa retrace les étapes de cette aventure collective dans laquelle Émile Shoufani a dû surmonter de nombreux écueils et soulever des montagnes de méfiance réciproque.

« Si tu veux la paix, prépare la paix. On ne peut pas comprendre l’Autre, sans comprendre sa souffrance, ses peurs, ses appréhensions », affirme avec insistance le père Shoufani. Ce pèlerinage interculturel sur les terroirs lugubres où la déshumanisation de l’homme a atteint son paroxysme est une magnifique leçon de courage, de tolérance et d’espoir.


AUSCHWITZ, 60 ANS APRÈS
Annette Wieviorka
Éditions Robert Laffont, 2005, 293 pages


UN ARABE FACE À AUSCHWITZ. LA MÉMOIRE PARTAGÉE
Jean Mouttapa
Éditions Albin Michel, 2004, 290 pages

http://www.cyberpresse.ca/lectures/...