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BILAN DE LA GREVE GENERALE EN MARTINIQUE ET PERSPECTIVES
Publie le lundi 4 mai 2009 par Open-PublishingANSANM POU PEYI NOU
INTERVENTION DE ROBERT SAE
PORTE PAROLE DU CNCP
Honneur et respect à vous tous qui êtes venus partager nos propositions pour l’avenir de notre pays.
Nous ressentons une légitime fierté en pensant à ce beau combat que nous avons mené et qui a eu un écho international. Ceux qui se plaisaient à colporter des propos racistes du style « Konplo nèg sé konplo chyien », les profiteurs qui ricanaient en nous en exploitant, persuadés que nous ne saurions jamais les affronter, les idéologues du système qui semaient la division, qui manipulaient l’opinion à coup de mensonges , de chantage et de pressions, tous ceux là ont été complètement décontenancés devant cette réalité : notre peuple s’est dressé et leur a infligé une leçon magistrale.
En vérité, nous avons commencé à changer vraiment notre vie et nous sommes en mesure aujourd’hui d’aller beaucoup plus loin. Cependant, nous ne devons pas nous contenter d’être fiers. Pour avancer, il nous appartient de tirer tous les enseignements de notre grande victoire.
Les anciens avaient su trouver tous les moyens nécessaires pour faire avancer notre peuple au milieu des pires atrocités. La moindre amarreuse de cannes savait quel sacrifice faire, comment prévoir réponse à toutes les nécessités de la vie familiale en programmant l’élevage et la vente d’un porc ou d’un bœuf, permettant ainsi à leurs fils de devenir médecin ou ingénieur. Cette expérience qui a valu pour les individus doit nous servir en tant que peuple car, rien qui ne se fait sans projection ne porte de fruit.
Nous sommes, aujourd’hui à la croisée des chemins. Nous devons impérativement réfléchir à la route que nous devons emprunter, aux sacrifices que nous devons faire pour construire notre pays. Autrement, les générations futures ne trouveraient même pas un livre d’histoire pour leur parler de la grève générale de février - mars 2009. Autrement dit, nous disposons d’un beau terrain, nous pouvons le préparer à nous fournir une abondante nourriture. Nous avons houes, fourches, fumier et une multitude de travailleurs prêts à « laso tè-a ». Il faut que nous décidions de ce que nous mettrons en terre, savoir où nous prendrons les plants, prévoir les délais de récolte, dire qui fera quoi, prévoir les moments de pause qui nous éviterons l’insolation et surtout savoir comment nous protégerons notre plantation du saccage par les bêtes des mauvais voisins.
L’heure est à la réflexion. Nous devons être lucides, experts, et nous méfier de tous les leurres qu’on agite devant nous.
Le camarade de l’UGTM a rappelé les résultats extrêmement positifs de la grève générale. Nous pouvons nous en féliciter. Mais ne pensons pas un seul instant que ceux d’en face soient des moutons. L’Etat français et les profiteurs ont dû plier sous la pression de la mobilisation populaire, mais ils n’accepteront jamais la défaite. Ils fulminent et feront tout pour reprendre la main. D’ailleurs, ils ont déjà commencé à revenir sur leurs engagements.
Le fameux Jégo claironnait :
« Des millions pour baisser le prix des intrants en agriculture ! » Il mentait !
« Des millions pour les projets des collectivités locales ! » Il mentait !
« Un plan Corail pour le tourisme ! » C’était de l’esbroufe !
Et de même, les engagements concernant l’embauche des enseignants précaires sont sournoisement remis en cause.
Ainsi, ce que nous avons obtenu, nous devons l’apprécier comme une bouffée d’oxygène, en étant conscient que la domination des exploiteurs est encore là et que ceux-ci travaillent d’arrache pied à adapter leur pwofitasyion.
N’oublions jamais que Sarkozy et son gouvernement, comme tous les dirigeants de l’Union Européenne, sont au service des grands spéculateurs et des multinationales. La politique néolibérale qui saccage le droit des travailleurs, la protection sociale, les services publics de la santé, de l’éducation ou de la poste, le désengagement financier de l’état dans les collectivités locales, tout cela n’a pas disparu avec la grève et, dans le contexte de crise financière mondiale et de récession que nous savons, les agents du capital ont bien l’intention, davantage encore, de serrer la vis de l’exploitation des travailleurs. KI DONK SE DEYE PWOFITASYION KI NI PWOFITASYION EK SE DEYE KONBA KI NI KONBA ! Je vous garantis cependant que, si nous savons nous « ceindre les reins » et nous unir, nous gagnerons tous les combats. Il faut donc aiguiser nos éperons pour leur porter des coups décisifs car, rappelez vous,
SE POU LA VIKTWA NOU KA ALE !
Oui camarades, nous mangerons bien les fruits de la victoire si nous posons notre « kannari » sur trois bonnes roches.
La première, c’est l’unité
La seconde, c’est notre accord autour d’un projet pensé ensemble
La troisième, c’est le travail solidaire que chacun de nous est en mesure de réaliser.
Ce sont les trois thèmes que je vais développer maintenant.
Et d’abord l’unité ! Tout le monde connaît la fameuse formule « diviser pour régner ». Trop peu de gens connaissent, hélas, le discours prononcé par le sieur Willie LYNCH en 1712 devant des esclavagistes américains, leur expliquant comment il dominait ses esclaves aux Antilles.
Ecoutons ce monsieur.
« Voici, dans mon sac, une méthode infaillible pour maîtriser vos esclaves noirs. Je garantis à tout le monde que, si bien structurée, cela va contrôler les esclaves pendant au moins 300 années. La méthode est simple ; n’importe quel membre de votre famille aussi bien qu’un surveillant peut la maîtriser.
J’ai esquissé un nombre de différence parmi les esclaves puis je prends ces différences et les exagère. Je me sers de la crainte, de la méfiance et de l’envie dans le but de contrôle. Ces méthodes ont réussi sur ma modeste plantation aux Antilles et elles vont réussir dans le Sud tout entier. Prenez cette petite liste de différences et réfléchissez y bien. En haut de ma liste est l’âge… En deuxième place se trouve « couleur » ou teint. Il y a également l’intelligence, le sexe, la taille, l’étendue de la plantation, l’attitude du maître. En outre, il est de la haute importance de savoir que les esclaves habitent dans la vallée ou sur la colline, dans l’est ou l’ouest, le nord ou le sud, qu’ils ont les cheveux fins ou crépus, qu’ils sont de grande ou de petite taille. Maintenant que vous possédez une liste de différences, je vais vous fournir un plan d’action. Or, avant cela, je vais vous assurer que la méfiance est plus forte que la confiance et que l’envie est plus forte que l’adulation, le respect ou l’admiration.
L’esclave noir, ayant reçu cet endoctrinement va continuer et va se ravitailler et se perpétuer des centaines ou même des milliers d’années.
N’oubliez pas que vous devez opposer le vieux noir contre le jeune noir mâle et le jeune noir mâle contre le vieux noir. Il faut opposer les esclaves foncés contre les esclaves clairs et les esclaves clairs contre les esclaves foncés. IL faut mettre la femme noire contre l’homme noir et l’homme noir contre la femme noire. Vous devez également faire méfier de tous les noirs vos servants blancs et vos surveillants, mais il faut absolument que vos esclaves se confient et dépendent de vous…
Messieurs, ces kits représentent les clefs de contrôle. Utilisez-les, faîtes les servir par votre femme et vos enfants. Ne ratez jamais l’occasion. Mon projet est garanti. De plus, l’important c’est que si employé intensivement pendant une année, les esclaves eux-mêmes resteront méfiants à jamais. »
Nous comprenons maintenant d’où viennent les histoires dévalorisantes sur « jan sent-espri » ou « jan gro-mon ».
Ainsi, chaque fois que quelqu’un lance les trop connues formules du style « les jeunes sont des voyous », « les chauffeurs de taxi conduisent comme des fous », « les femmes seules sont des p… », « les fonctionnaires aux 40% sont des privilégiés », « les politiques martiniquais ne font rien », chaque fois, ce quelqu’un donne raison à l’esclavagiste et il permet au système d’exploitation colonialiste de perdurer et ce quelqu’un contribue à maintenir notre peuple, son peuple, dans le marasme. Nous devons absolument nous guérir de cette maladie et extirper de notre cerveau les chaînes de l’esclavagiste Willie Lynch.
Pour gagner notre combat, nous devons nous entourer d’un épais blindage contre le poison de la division.
Si, au début de la grève générale, nous n’avions pas arrêté ceux qui vilipendaient le Collectif, l’accusant de mollesse et qui entendait créer un collectif bis, si nous n’avions pas surmonté cette division là, nous n’aurions jamais obtenu les résultats dont nous nous enorgueillissons aujourd’hui. Pour nous guérir du syndrome de Lynch, nous devons nous interdire absolument de lancer quelque parole dégradante que ce soit à l’égard d’aucune fraction de notre peuple. Menons ensemble une lutte acharnée contre toute forme d’autodénigrement. Que cessent les jugements à l’emporte-pièce. Que chacun cherche à connaître et comprendre la situation réelle des uns et des autres. Analysons les problèmes, fouillons notre histoire, qu’ils nous ont cachée ; apprenons à échanger nos idée et nos points de vue dans le respect mutuel.
C’est à ce prix que nous aurons la victoire !
Abordons maintenant la question des objectifs et du projet.
Que voulons-nous en vérité ? Nous nous sommes battus contre la vie chère et pour l’augmentation des revenus, mais notre objectif ne saurait être de faire une course poursuite avec les prix. Ce que nous voulons, ce sont des emplois valorisants qui nous permettent de faire vivre notre famille ; ce que nous voulons c’est que nos enfants puissent s’épanouir sainement et puissent bénéficier d’un avenir sécurisé ; ce que nous voulons, c’est pouvoir rentrer chez nous sans être harcelés par des factures ou des impôts impayables ou des tensions sociales au sein de la famille ou avec le voisinage. Et puis, rappelez-vous ce que chacun répond au début de l’année quand vous présentez vos vœux : « souhaite moi la santé, le reste viendra après »
Au total, ce que nous voulons c’est VIVRE BIEN DANS NOTRE PAYS !
Cela, le système actuel ne le permettra jamais. Y a-t-il un seul d’entre vous qui croie sérieusement qu’il nous réserve une quelconque embellie ? Au contraire ! Nous sommes face à un gouffre dont on ne saurait imaginer la profondeur. Avec cette crise mondiale, cette récession et tous ces dangers que fait peser ce système diabolique sur la planète et sur l’humanité.
Alors, au combat ! Le moment est venu de prendre d’autres dispositions. Et sachez bien que ce cri là est poussé par tous les peuples de la terre. D’ailleurs, les cartes sont déjà entrain d’être rebattues de façon significative.
Pas loin de nous, le Venezuela, le Brésil, la Bolivie et combien d’autres travaillent à transformer en profondeur tant leur propre pays que les relations économiques et politiques internationales avec pour boussole la défense des intérêts des peuples. Nous devons nous arrimer à ce mouvement.
Il s’agit pour nous, aujourd’hui, de choisir la voie de développement qui sera salutaire à notre pays, de choisir le système économique qui nous permettra de vivre bien, mais aussi qui nous mettra en position de surmonter les périodes de crises, liées aux cyclones, aux séismes et même à d’éventuelles guerres qui frapperaient notre pays.
Eh bien ! Ces problèmes là ne seront pas résolus par les seules grèves et mobilisations de protestation. Pour nous y attaquer, nous devons être en mesure de mettre en œuvre une politique générale alternative dans notre pays. Et, à ce stade, nous insistons sur le fait qu’une telle politique, pour être efficace, doit tenir pleinement compte des lois et des mécanismes propres à l’économie, de la conjoncture internationale, de la nature des relations existant entre les différents pays et surtout des contradictions d’intérêts qui les opposent.
Il ne s’agit plus de rêver avec des « il faut que les politiques aillent nous défendre », « on aurait du faire ça ! », etc. Il faut absolument être au fait des intentions et des capacités de chacun.
Quand Sarkozy dit : « La solution, c’est la zone franche ! », pensons immédiatement : « la zone franche c’est à lui, sé pa ta nou ! ». Par contre, la Martinique, c’est à nous, sé pa ta yo ! C’est à nous et à personne d’autre de penser et de mettre en œuvre les solutions à nos problèmes !
Prenons le tourisme en exemple. Leurs économistes et leurs propagandistes nous leurrent avec toutes sortes de considérations. Mais quelle est la réalité ? Quelle est la vérité ?
– Les ravages de la crise financière et économique internationale ne font que commencer,
– Les classes moyennes s’appauvrissent gravement
– Les riches vont dans les hôtels démentiels de Dubaï
– Les compagnies aériennes ont une pratique maffieuse en matière de prix
- Nous ne sommes pas dans l’état actuel des choses en mesures de résister à la concurrence des îles caribéennes moins chères : merci l’euro !
– Ce qui reste de clientèle est essentiellement contrôlée par les tours opérateurs étrangers qui ne laissent pas une graine de pistache dans le pays
– Et pour compléter le tableau, les travailleurs surexploités ne peuvent décemment vivre de leur salaire.
Jamais, au grand jamais, une politique touristique pensée par le gouvernement français et ses profiteurs ne nous sera bénéfique.
La question est bien de savoir quelles options permettront réellement à notre pays d’aller de l’avant. Nous répétons que l’exigence du moment c’est que nous nous accordions autour d’un projet global et que nous conquerrons les pouvoirs politiques qui nous permettront de mettre ce projet en œuvre. Rassurons-nous, beaucoup de travail a déjà été fait pour avancer dans cette direction.
Pendant que des gens non-informés ou mal intentionnés continuent à les dénigrer, des élus Martiniquais conséquents ont déjà notablement balisé la route avec le SMDE (Schéma Martiniquais de développement économique) et l’Agenda 21 pensant un cadre alternatif pour le développement de notre pays. Des expériences significatives sont menées sur le terrain, comme dans la commune de Sainte-Anne. Le Pôle de recherche agro alimentaire, la politique de soutien à la formation de cadres Martiniquais de haut niveau, menée par le Conseil Régional, les multiples initiatives prises au plan économique par des Martiniquais, femmes, hommes et jeunes, même si elles sont entravées par la loi françaises et les directives européennes,
Tout cela prouve l’immense potentiel dont nous disposons. La voie est donc tracée et notre grande grève nous met en position de force pour aller de l’avant.
QUELS DOIVENT ETRE, ALORS, NOS OBJECTIFS ?
COMMENT CONCEVOIR LE PROJET GLOBAL ?
L’axe général que nous proposons au CNCP, c’est : « TOUT POUR LA CONQUETE DU MARCHE INTERIEUR ! » La stratégie étant de multiplier les microprojets autour de pôles de production structurants. Pendant la grève, la mise en relation des producteurs et des consommateurs, le dynamisme rappelé des petits intermédiaires- même si la fameuse loi de l’offre et de la demande s’est traduite ici ou là par des exagérations sur les prix, a clairement révélé le potentiel dont nous disposons.
Il s’agira alors, en s’appuyant sur les institutions locales, d’impulser l’installation dans les communes d’activités de proximité dans les domaines les plus variés (agriculture, élevage, couture, coiffure, etc.)
Pour illustrer cette orientation économique, imaginons comment elle pourrait se traduire sur le plan du tourisme dont nous avons parlé plus haut.
Dans la conjoncture que nous avons déjà évoquée, un créneau crédible qui serait de nature à assurer des retombées profitables à notre pays, consisterait à viser la clientèle des mouvements alternatifs, des comités d’entreprises, des milieux universitaires de par le monde, bref, un marché d’avenir qui s’affirme et qui serait difficile à capter par ceux d’en face. Le tourisme « sex sun sea » est décadent. La tendance qui s’affirme, c’est la découverte culturelle, la recherche de l’authenticité et de nouvelles relations entre les peuples. Nous sommes capables de nous préparer à offrir nos productions alimentaires et artistiques, de la saine culture, et, pourquoi pas, un modèle de développement alternatif.
Mais, il nous faut la main mise sur les visas !
Mais, il nous faut avoir autorité sur les transports pour libérer l’initiative des petits transporteurs !
Mais il nous faut le pouvoir d’adapter la législation pour dépénaliser et encadrer l’économie populaire.
A ce stade, nous devons prendre conscience que la réussite d’une telle politique demande que nous modifions profondément nos schémas de pensée ainsi que notre comportement quotidien.
– modifier notre esprit, c’est penser désormais « PAYS », c’est penser systématiquement collectif.
Je pense, par exemple, au récent conflit des bouchers. Aucune solution ne sera viable ni pour l’un ni pour l’autre, si elle n’intègre pas les intérêts des professionnels de la boucherie, ceux des petits éleveurs et ceux des consommateurs. Et une telle solution ne peut être trouvée que dans le cadre d’une concertation privilégiant le développement global et la cohésion nationale.
– modifier nos comportements, c’est lutter contre la consommation aveugle. Il faut lutter contre tous les gaspillages, arrêter de consommer comme des malades, privilégier ce qui est fait chez nous, donner la priorité aux entreprises locales. IL faut être capable d’organiser des boycotts conséquents des profiteurs qui nous pillent.
Voilà l’orientation qui peut mettre notre population au travail : l’état détruit les emplois dans les services publics, au prétexte de la crise, les grandes entreprises licencient et les politiques financières ponctuelles de soutien à l’emploi, dans le cadre de ce système ne résoudront pas le problème.
Voilà ce qui constitue une vision responsable, capable de nous préparer à surmonter les situations de crises, liées aux catastrophes naturelles, et à sauvegarder notre pays pour nos petits-enfants.
Voilà qui est de nature à ressouder le tissu social : les relations humaines seront certainement plus harmonieuses avec le développement de réseaux économiques de proximité. (artisanat, coiffure, couture, agriculture)
Il est nécessaire ici d’insister sur la place de l’éducation dans la mise en œuvre de ce développement alternatif.
– Education au travers des médias où l’incitation à la créativité devra remplacer le « tapez 2 si vous préférez les grossièretés de Laura »
– Education au travers de l’école où le contenu repensé des programmes devra motiver notre jeunesse et la conduire à une saine émulation ;
– Education au travers du travail des artistes et des associations socioculturelles ; la grève a largement montré le caractère salutaire de leur engagement.
Tout ceci m’amène à parler de la deuxième condition impérative pour la mise en œuvre de la transformation : Conquérir un pouvoir politique suffisamment conséquent pour que nous puissions mettre en œuvre les orientations que nous aurons choisies.
Qui oserait sérieusement continuer à prétendre que nous pourrions résoudre la question du transport, les problèmes des artisans, la question du foncier, la question du contrôle des prix, et caetera, sans disposer de compétences politiques, législatives et fiscales conséquentes, c’est-à-dire, sans l’instauration d’un nouveau statut politique ?
Sa ki lé domi san soupé toujou pé atann anlè kannari belmè-yo.
Pour notre part, nous appelons chacun à assumer ses responsabilités pour sauvegarder notre avenir. Notre grande grève nous met en position de remporter la victoire : les scélératesses du système ont été largement dévoilées, nous avons bénéficié d’un grand soutien à l’extérieur et, surtout, nous avons prouvé notre capacité à nous unir pour défendre nos droits.
Ici, il faut saluer le travail des élus qui ont fait avancer la cause grâce au congrès du 18 décembre 2008 dans lequel a été adoptée la revendication d’un nouveau statut. Vous savez que les travaux se poursuivent pour préciser les compétences qui seront réclamées.
Ainsi, dans la dynamique lancée par le collectif du 5 février, il nous appartient à tous de poursuivre pour préciser nos attentes, affiner les revendications, enrichir les synthèses proposées
par nos représentants et, enfin, préparer les grandes mobilisations qui leur donneront poids et légitimité face au pouvoir en place.
Voilà les taches qui nous attendent !
Voilà les objectifs que nous devons viser.
Notre objectif ne saurait donc être de chasser les blancs et les békés du pays !
Nous l’avons déjà dit et répété : les békés sont des Martiniquais. Ils sont des Martiniquais exactement comme les latifondiaires descendants de colons du Brésil sont Brésiliens. Cela ne souffre aucun débat. Et si nous avons bien l’intention de poursuivre notre combat contre tous les privilèges, contre toutes les « pwofitasyion » et injustices émanant d’exploiteurs, quelle que soit leur couleur d’ailleurs, notre humanisme révolutionnaire, mais également l’intelligence politique et le réalisme, nous défendent de penser un seul instant que la solution à nos problèmes serait de jeter à la mer une partie de la population nationale en raison de son appartenance ethnique.
A ce train là, où les prolétaires européens jetteraient-ils leurs classes dominantes ?
Soyons responsables ! Le problème est bien de changer le système, de nous doter d’institutions capables de rétablir la justice en matière économique et sociale. Il s’agit de faire en sorte que les Martiniquais békés soient soumis aux mêmes devoirs, aux mêmes obligations, mais aussi bénéficient des mêmes droits, que tous les autres Martiniquais.
Nous ne sombrerons pas dans l’illusion de croire que les dinosaures de la caste, ossifiés dans leurs archaïsmes idéologiques, sectarisés et conditionnées à la manière des sionistes israéliens sortiront de leur délire. Nous en appelons par contre à tous les autres qui sont capables de modernisme et d’humanisme pour qu’ils agissent en Martiniquais conséquents. Les békés réalisent-ils bien, qu’à l’occasion de ce conflit, ils ont été cyniquement jetés en pâture par les mêmes colonialistes qui avaient fait d’eux leur outil de domination de la colonie ? Réalisent-ils qu’il n’existe plus aucune chance dans le monde moderne pour que perdure un système de caste privilégiée ? Quoi qu’il en soit, l’avenir de chacun dépendra du choix qu’il aura fait. Mais, en tout état de cause, notre combat ne saurait être raciste.
Cela m’amène à tordre le cou à une ignoble propagande qui est faite pour salir la lutte de notre peuple. Pendant notre grande grève, des médias français ont essayé de persuader l’opinion que notre objectif était de « chasser les blancs ». Avez-vous vu ou entendu quelque part des manifestants pourchasser des blancs ? Non bien sûr ! Au contraire il y en avait de nombreux dans la rue arborant le tee shirt du collectif !
Alors que cela soit clair, nous Martiniquais, indépendantistes ou pas, accueillons à bras ouverts, tous les êtres humains d’origine étrangère, quelle que soit la couleur de leur peau, dès lors qu’ils viennent nous visiter, et même s’installer, avec la volonté de respecter nos droits, notre culture et notre dignité. Par contre nous continuerons à combattre sans concessions ceux qui se croient, chez nous, en territoire conquis. Ceux qui, racistes, arrogants ou paternalistes, prétendent régenter notre vie à notre place et nous donner des leçons. Tel ce masseur-Kinésithérapeute qui a traité les intellectuels martiniquais de « fouille-merde » parce qu’ils ont fait un film sur l’Assassinat impuni d’André ALIKER. Ceux qui, soi-disant syndicalistes ou de gauche, font semblant de ne pas comprendre le problème colonial et qui se cachent derrière le mythe de « l’égalité des citoyens sur le territoire de la République », ramassant primes et prébendes au passage, pour combattre notre revendication du droit à vivre et travailler dans notre pays et bloquer l’accès à l’emploi pour nos 30% de chômeurs.
Ceux là, oui, nous leur refusons l’accès à notre salon. Et nous comptons bien, par la conquête d’un nouveau statut et de compétences politiques conséquentes, avoir les moyens de mettre fin à leurs vacances sous les cocotiers.
J’en arrive à ma conclusion.
Nous avons tous compris que pour reconstruire notre pays et vivre bien, il nous faut nous unir autour d’un projet et exiger le nouveau statut politique qui nous permettra de le mettre en œuvre.
Le succès de la mobilisation de Février-Mars 2009 a été rendu possible par la clairvoyance de notre peuple, par la force de notre unité et de notre détermination, par la discipline dont nous avons pu faire preuve ;
Eh bien, nous gagnerons toutes les batailles à venir si nous les menons dans les mêmes conditions :
CLAIRVOYANCE, UNITE, DETERMINATION, DISCIPLINE,
NOUS CHANGERONS VRAIMENT NOTRE VIE
SE POU LA VIKTWA NOU KA ALE !