Accueil > Benhachem : « Je suis le serviteur des rois alaouites »
Benhachem : « Je suis le serviteur des rois alaouites »
Publie le vendredi 18 décembre 2009 par Open-Publishing1 commentaire
Par : Khalid Jamaï
Si tu n’as pas de pudeur, tu peux tout dire, tout faire. Si tu n’as de comptes à rendre à personne, tu peux, là aussi, tout dire, tout faire. Si tu jouis d’une impunité totale, alors là, tu peux tout te permettre. Il en va ainsi dans « le plus beau pays du monde » où nombre de responsables se comportent comme des potentats, comme de véritables roitelets (moulouks at tawaifs). Prenons l’exemple le plus récent, celui de la vindicte tonitruante de Hafid Benhachem, délégué général de l’Administration pénitentiaire et de la réinsertion, à l’encontre de la présidente de l’AMDH Khadija Ryadi et son adjoint Abdelilah Benabdesslam.
Avant de rapporter les tenants et les aboutissants de cette nouvelle « prouesse » “hachemiènne”, jetons un bref coup d’œil sur le passé, ou plus exactement sur le lourd passif de ce « très haut fonctionnaire » de l’Etat. Né en 1936 à Boufakran, il rejoint le corps de la police comme simple agent de la circulation. Il occupe ensuite plusieurs postes à la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). En 1971, il est nommé chef de cercle à l’Administration centrale du ministère de l’Intérieur. Par la suite, il occupe différents postes dont celui de gouverneur à l’Administration territoriale au ministère de l’Intérieur, du 1er janvier 1975 au 7 mai 1997, date à laquelle il est nommé directeur général de la DGSN, poste qu’il a conservé jusqu’au 25 juillet 2003. Ce rappel était nécessaire car preuve irréfutable que ce monsieur a occupé, tout au long des années de plomb, un poste déterminant qui lui permettait d’être au courant de ce qui a marqué ces terribles années noires : tortures, enlèvements, disparitions et autres morts suspectes. De par ses fonctions, il connaît donc, et dans les moindres détails, les horreurs subies et connues par des milliers de Marocaines et de Marocains. Faites le compte de 1971 à 2003 : soit plus de 30 ans.
Bien entendu, il peut toujours soutenir qu’il n’a jamais été un tortionnaire. Peut-être. Mais il le fut par procuration, par son silence. Il savait et s’était tu. Un tortionnaire au col blanc comme il en existe tant aujourd’hui. A son accession au trône, Mohammed VI le destitua de son poste. M. Benhachem eut peur pour son avenir car il fut l’un des plus proches, des plus fidèles, des plus obéissants de son mentor Driss Basri sans qui il n’aurait jamais connu une ascension aussi fulgurante. Il faut dire que le chemin pour arriver à de tels sommets au sein du makhzen est toujours jonché de souffrances, de cris, de tortures, de grèves de la faim qui finissent par la mort (Saïda Mnebhi et ses amis). Même l’IER en a convenu. Et c’est ce monsieur, au passif si lourd, qui fut chargé de gérer les prisons au Maroc ! Il faut reconnaître qu’avec l’expérience qu’il a acquise, on ne pouvait trouver meilleur geôlier en chef. M. Benhachem est un homme courageux, franc, qui assure pleinement ses actes et son passif. Preuve en est ce qu’il a déclaré aux représentants de l’Association marocaine des droits humains : « Je suis fier de mon passé dans les services sécuritaires », tout en affirmant que c’est là la « preuve de son patriotisme ». Or, comme signalé au début de cet article, il a « officié » tout au long des années de plomb, soit plus d’une trentaine d’années.
Dans « le plus beau pays du monde », être tortionnaire, c’est le summum du patriotisme ! Pourchasser les hommes et les femmes qui luttent pour leurs droits humains, pour la démocratie, pour l’égalité, pour la fin de la torture, pour dénoncer les enlèvements et les kidnappings, fermer les yeux sur les centres de torture Derb Moulay Chrif, d’Agdez, Tazmamart, etc c’est faire acte de patriotisme.
Quelle indécence ! Un « patriotisme » qui a fait du Maroc la risée du monde entier, l’a fait condamner par toutes les associations de droits humains de la planète, en a fait un paria parmi les nations. Par ses propos, M. Benhachem devrait répondre de son silence criminel devant la justice si on était dans un pays démocratique, s’il ne jouissait pas de cette impunité accordée aux tortionnaires. M. Benhachem a été plus loin, il a non seulement cloué au pilori les associations des droits humains, mais s’en est pris à la presse accusée de mensonge. Cerise sur le gâteau : selon cet honorable responsable au passé « si prestigieux », les prisons marocaines sont meilleures que celles du monde arabe, d’Afrique et même de France. Mieux encore, M. Benhachem n’hésite pas à lancer à la face de la présidente de l’AMDH et de son adjoint : « si vous n’êtes pas contents, vous n’avez qu’à quitter le Maroc et aller vous installer ailleurs ! »
A en croire que ce pays lui a été légué par voie testamentaire. Soit dit en passant, si la majorité des Marocains avaient où aller, il y a longtemps que ce pays serait été dépeuplé. Quelle suffisance ! Quelle morgue ! Quel mépris de la justice ! Si j’avais tenu de tels propos, on aurait soutenu que je délirais. Ceci dit, il n’y a pas de quoi s’étonner. Quelques jours après sa nomination au ministère de l’Intérieur, Ahmed Midaoui s’est adressé en ces termes au directeur du Journal hebdomadaire : « Skout ou alla n’khli dar bouk ». Tout dernièrement, Taoufiq Bouachrine, directeur du défunt Akhbar El Youm, eut droit à la même insulte de la part d’un haut fonctionnaire de la DST et je vous fais grâce des insultes que reçoivent presque quotidiennement les chômeurs-diplômés. Il en fut de même pour la population d’Ifni lors du samedi noir et des torturés du commissariat de Jamaâ El Fna. Tel est le discours « patriotique » des tenants du nouveau règne.
Telle est la traduction langagière du nouveau concept d’autorité.
En attendant, rappelons à l’intention de M. Benhachem que, selon des rapports annuels produits ces dernières années par les organisations des droits de l’homme, et suite aux plaintes reçues de prisonniers ou de leurs familles et/ou aux visites effectuées sur place, la situation ne s’est pas améliorée dans les prisons : surpeuplement, traitements humiliants infligés aux prisonniers, violences et tortures, malnutrition, insuffisance des soins médicaux, corruption, harcèlement sexuel, interdictions de visites, transferts abusifs, promiscuité, usage de la drogue, suicides, la liste des maux est longue.
L’Observatoire marocain des prisons (OMP), de son côté, traite annuellement quelque 3 500 plaintes envoyées par des prisonniers en détresse, de véritables SOS pour alerter à la fois l’association et l’opinion publique. Dans son rapport pour l’année 2008, l’OMP relève que les dénonciations de tortures et mauvais traitements sont les plus fréquentes (39% des plaintes), suivies de celles concernant l’absence de soins médicaux (30%) et les transferts abusifs qui ne tiennent pas compte des intérêts des prisonniers et de leurs familles (18%). Les autres plaintes ont trait à une alimentation déficiente, au refus de l’administration de laisser les prisonniers poursuivre leurs études et aux mauvaises conditions de visite. Pour finir, rapportons les propos de M. Benhachem tenus à Christine Serfaty venue s’enquérir de la santé de Zahra Boudkour : « Vous savez madame, je suis le serviteur des rois alaouites. » Christine Serfaty avait eu l’imprudence de lui faire remarquer qu’il avait été l’adjoint de Driss Basri. De tels serviteurs, les rois alaouites devraient s’en débarrasser au plus vite…
Messages
1. Benhachem : « Je suis le serviteur des rois alaouites », 19 décembre 2009, 17:57, par berkam
pauvre maroc si telle est la situation je prefererer m expatrier que de de vivre dans ces conditions prions ensemble pour que les marocains puissent vivre un jour sous le soleil de la liberte et la justice