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Bousculé par ses cadres, Bernard Thibault doit reconquérir la CGT
Publie le lundi 28 mars 2005 par Open-Publishing1 commentaire
de Rémi Barroux et Caroline Monnot
Bernard Thibault peut-il encore rebondir ? Mercredi 30 mars, le secrétaire général de la CGT va se retrouver, pour la première fois, face à ceux qui l’ont désavoué, voilà deux mois. C’était début février et les membres du comité confédéral national (CCN) le parlement de la centrale avaient décidé d’engager leur syndicat dans le non au traité constitutionnel européen. Contre l’avis de leur numéro un, mis en minorité. Du jamais-vu dans l’histoire de cette organisation.
Depuis, les déclarations des uns et des autres se sont faites apaisantes. Et le regain de mobilisation sociale a remisé le débat interne à la CGT au second rang. Pour autant, rien n’est réglé sur le fond. L’ambiance est lourde dans la centrale syndicale. D’ailleurs, les mots employés pour la caractériser sont forts : "Il y a de la haine", entend-on ici ou là. La crise reste ouverte et Bernard Thibault, qui, mercredi, doit donner le coup d’envoi à la préparation du 48e congrès de la CGT il se tiendra sans doute fin avril 2006 à Lille n’aborde pas cette échéance dans les meilleures conditions.
Il y a d’abord le climat préréférendaire. Les sondages, donnant désormais le non majoritaire, renforcent ceux qui ont milité pour que le syndicat s’engage contre le traité. Dans la rue, chaque manifestation offre l’occasion aux rangs cégétistes d’afficher haut et fort leur non, comme ce fut le cas à Bruxelles lors de l’euromanifestation du 19 mars. Il y a ensuite cette amertume qui pointe jusque dans l’entourage de M. Thibault, où l’on parle de "gâchis" et où l’on reproche au numéro un de ne pas s’être donné les moyens de gagner cette bataille.
Il y a encore les traces laissées par son "adresse aux organisations de la CGT", prononcée le 3 février et dans laquelle le secrétaire général avait désapprouvé en termes vifs la décision de son CCN. Cette sortie a été interprétée par certains comme une réaction de dépit d’un dirigeant à qui tout avait jusqu’alors - trop ? - souri, un impair en tout cas dans la culture CGT.
"On ne crache pas à la gueule de ses orgas", commente un membre de la Fédération de l’énergie. "J’ai compris qu’on commettait une erreur avec cette décision de "rejet" du traité et j’ai voulu simplement le dire", explique M. Thibault au Monde, reconnaissant que ne pas indiquer de position préalable avait peut-être été une erreur de la direction.
Enfin et surtout, le débat sur le traité a cristallisé des désaccords portant sur la stratégie et l’avenir de la centrale. Désaccords que M. Thibault va devoir affronter, alors qu’il est fragilisé. Ce qu’il reconnaît : "Si cela veut dire que c’était mieux avant le CCN de février qu’après, alors oui", a-t-il confié au Monde. Signe de cette fragilisation, au siège de la CGT à Montreuil, le nom de Maryse Dumas, la secrétaire confédérale, est parfois cité, dans certaines conversations, comme un recours éventuel "en cas de crise majeure".
Si M. Thibault a songé à démissionner, il dit aujourd’hui vouloir mettre à profit la crise pour clarifier l’orientation de la CGT. "Nous allons avoir des débats de fond qui n’ont pas été réglés", indique-t-il. La préparation du prochain congrès en fournira l’occasion.
Celui-ci devrait porter sur "la réflexion et les orientations de l’organisation concernant son champ d’intervention". C’est-à-dire les rapports au politique d’un syndicat qui se revendique "indépendant". Cette indépendance par rapport aux partis induit-elle la neutralité dans le débat politique ? Et qu’en est-il du projet de transformation sociale ? Sur ce thème, deux conceptions s’affrontent dans les rangs cégétistes.
Le congrès devrait aussi aborder les questions de démocratie interne. Enfin se posera la question de "l’évolution des structures, des modes de fonctionnement et du financement des organisations". Ces trois chantiers nourrissent des inquiétudes. Des militants cégétistes citent en exemple... l’histoire de la CFDT. "C’est au nom de l’autonomie que s’y est fait le recentrage, s’inquiète un haut responsable fédéral. S’agit-il de construire un syndicalisme plus proche des salariés ? Ou de s’engager, à notre tour, sur la voie du recentrage, vingt-cinq ans après Edmond Maire ?" Recentrage, le mot est lâché même si l’on parle plus volontiers d’évolution "réformiste" dans certains milieux CGT.
Quant au débat sur la réforme des cotisations, il continue de hérisser nombre de fédérations. Derrière la volonté de mieux financer les structures interprofessionnelles, beaucoup craignent un "contrôle plus important" de la direction confédérale.
Pour préparer la discussion de mercredi, des réunions se sont tenues en fin de semaine dernière, dans les régions, avec les secrétai-res d’unions départementales et de fédérations qui composent le CCN. De l’avis de certains des animateurs de ces réunions, membres de la commission exécutive, le débat a été "très constructif", mais a révélé "l’ampleur des problèmes à discuter". Traduction : les choses ne sont pas simples. Le prochain congrès pourrait prendre l’allure d’un quitte ou double pour M. Thibault.
Messages
1. Bernard Thibault n’a pas de "cadres", ni à "reconquérir" la CGT, 29 mars 2005, 23:44
Qui pense sérieusement que B.T. "dirige" la CGT ? Le rôle d’un secrétaire d’une structure CGT n’est pas de "diriger" au sens imposer sa volonté, mais de synthétiser la ligne directrice impulsée par les militants ( à quelque nieau que ce soit ), ce qui peut l’amener parfois à impulser l’action voulue par les militants
Que Thibault ait une appréciation personnelle, c’est infiniment respectable, mais sur le fond, cette appréciation "vaut" une voix dans la CGT ; simplement ce qui lui est demandé, c’est de remplir le mandat qui lui est confié. Pas plus et pas moins.
L’opininion personnelle des journalistes n’a pas plus d’importance -et même bien moins- pour l’organisation ( et en aucun cas ne devrait pas en avoir plus au sein de l’organisation) que celle d’un simple syndiqué
Aux militants de confier s’ils le souhaitent, mais encore de contrôler ce mandat
salutations militantes
Patrice Bardet, militant Ufict-CGT