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Brevets Logiciels : POUPEES RUSSES !! Troisième partie et Fin

Publie le vendredi 25 mars 2005 par Open-Publishing

Première Partie
Deuxième partie

de Laiguillon

En clair, si je fais une chèvre avec un gène d’araignée pour que la chèvre ait du fil d’araignée dans son lait, pour faire des gilets pare-balles la société Nexia l’a effectivement fait, alors je pourrai avoir un brevet sur cette chèvre. Quand on a un animal, un chien par exemple, on en est responsable et on souhaite qu’il soit heureux. Avec un brevet sur un chien transgénique, on possède jusqu’au principe, jusqu’à l’idée de ce chien. Si mon voisin "fabrique" un tel chien, j’en suis aussi propriétaire et je peux lui contester d’avoir ce chien ! Voilà ce à quoi mène l’idée de brevets sur le vivant.

ETHIQUE DU PROBLEME ET PERSPECTIVES

Si maintenant je tente un bilan, nous avons :

 aucun argument ne paraît convaincant pour adopter les brevets aux logiciels

 sous des fallacieux prétextes, nous sentons qu’il s’agit d’une opération de gros sous

 les institutions de l’UE au lieu de défendre les droits et l’intérêt des citoyens, PME, etc, nous enfoncent un peu plus

Le problème des brevets logiciels est un problème grave par sa teneur mais aussi par ce qu’il représente. Pour l’expliquer, nous finirons par traiter deux points finaux :

 quelles sont les baleines cachées sous les gravillons ?
 en quoi ce problème est-il significatif ?

Quelles peuvent être les dérives ou ce qui n’est pas dit ?

L’existence des brevets n’est pas en cause La nécessité de brevet n’est pas en cause.

Si cet argument est souvent utilisé pour refuser tout dialogue supplémentaire, il est fallacieux.

En effet, la valeur du brevet (comme du droit d’auteur) est justifiée dans le cadre de la protection d’inventions précises ou du travail intellectuel ou artistique.

Comme je pense vous l’avez maintenant compris, l’application du brevet aux logiciels n’est qu’une manne financière qui ne laisse aucune place à la protection en elle-même.

Les logiciels libres (sérieux adversaire, les brevets pillent le libre mais pas le contraire)

Voilà un point absolument crucial. Il est courant de voir exprimer au sujet des brevets logiciels, le moyen discret de faire face au succès des logiciels dits « libres ».

Personnellement, je ne crois pas qu’il s’agit du but principal mais il faut reconnaître que l’occasion est magnifique de sabrer ce concurrent omniprésent et intouchable.

Je ne veux pas ici, introduire les concepts des logiciels « Open Source » mais en deux mots disons que :
 les logiciels sous GPL ou « Open Source » sont cédés gratuitement ou pas, avec le code source et sans aucune restriction concernant l’utilisation ou la distribution (Linux par exemple, Apache, FireFox, SPIP,...).
 Attention une ambiguïté provient de la traduction malheureuse de « free » en gratuit au lieu de libre (free speech not free beer).

Cette mouvance n’est pas le fruit de quelques ex babas cool mais une réelle révolution dans le domaine informatique.

Après les avoir fustigés pendant longtemps, MicroSoft commence un peu à avoir les jetons et même si Linux aura du mal à remplacer Microsoft de manière explosive, il avance petit à petit.

La qualité et la richesse de ce type de produits sont confondantes et notre esprit a du mal à réaliser comment un travail aussi soigné peut en même temps être « gratuit » (quand même la plupart du temps) et « libre ».

Notons aussi les adeptes du CopyLeft

 réseau citoyen

qui oeuvrent pour l’abandon pur et simple des droits d’auteur.

Il est évident que les brevets logiciels vont ruiner de l’intérieur ce type d’effort. Cet argument est capital, je pense, dans les motivations de machines de guerre économiques.

Le pognon : ceux qui sont riches peuvent payer et poursuivre

Quelques exemples sur ce sujet déjà traité plus tôt dans l’article.

« L’Asie est à l’heure actuelle majoritairement sous Windows, mais personne n’ignore que le piratage logiciel qui y règne est indéniable et difficile à combattre, laissant au géant de Redmond un pourcentage assez faible de véritables licences payées. Pourtant, le mouvement vers l’open source grandit en Asie. En témoigne le passage d’un ministère de Singapour de 20.000 machines (postes et serveurs) vers Linux. La Corée du Sud, le Japon et la Chine se montrent très intéressés par l’OS libre également. Seulement voilà, Microsoft menacerait les pays qui songent à passer à l’open source et les accuserait de violation de droits de propriété intellectuelle. Le géant fermerait donc les yeux sur le piratage galopant tant que ses systèmes équipent les administrations mais attaquerait en cas d’infidélité. Il faut bien dire que le marché asiatique dans sa totalité représente un nombre plus que monstrueux de machines. Chine, vous avez dit Chine ? ».

Il y a foison de sociétés qui ne fonctionnent que par les poursuites engagées par rapport aux brevets :

 patent info

Nous entrons (en fait nous sommes déjà sur la voie du foutoir juridique des Etats-Unis) dans une ère de procédures, de poursuites et de règlements judiciaires. Les cabinets d’avocats se frottent les mains. Microsoft avait tenté aussi de breveter le clique droit de la souris...

Bientôt un huissier entrera chez vous, accompagné de policiers de la SWAT et vous demandera de lâcher cette souris si vous ne voulez pas être criblé de balles...revisionnez le film « Brazil » !!

Débâcle aux USA

L’explosion du nombre de brevets logiciels aux Etats-Unis (plusieurs millions)a conduit à une situation de régression.

En effet, ces brevets poussent les petites sociétés à ne pas oser aller de l’avant pour le développement et à utiliser tout leur temps à surveiller qu’elles n’en violent pas un.

Cet état de fait est un ennui et les grosses entreprises américaines savent bien que si ces brevets restent cantonnés aux Etats-Unis, ils vont les désavantager par rapport à l’Europe.

Alors certains essaient de faire pression. « Nous nous sommes mis dans la merde, mais au lieu de faire marche arrière, amenons les autres à faire pareil ». Jetez un œil à cet article :

 FFII

Brevets applicables qu’aux Etats Unis aujourd’hui

Aujourd’hui les brevets logiciels ne sont applicables qu’aux Etats-Unis, mais demain ?

De plus la machine à brevets est incitée par des déclarations faites aux entreprises européennes. Jetez un œil :

 Patent Info

Accords de licences croisés

Pour ceux qui doutent que seuls les plus gros se sortiront du bourbier des brevets logiciels, et que les petits, contrairement à ce que dit le MEDEF, n’auront que les yeux pour pleurer, il nous faut parler aussi des accords de licences croisés.

Qu’est-ce que c’est ?

Une compagnie achète les droits de licence de plusieurs de ses concurrents pour faire face à toute attaque. Ils le font en prétendant protéger ainsi leurs « clients ».

Des masses d’argent considérables sont ainsi investies dans du virtuel.

Vous ne me croyez pas ?

jetez un œil sur l’article suivant :

 zdnet

Les critères d’exigence baissent pour ne pas décevoir les investisseurs sur le dynamisme en ne regardant que le nombre de brevets.

Ce qu’une législation détermine comme le niveau qu’une invention doit atteindre pour être brevetable, ne veut pas dire grand chose.

Cette exigence peut être formulée par la loi de la manière la plus verbeuse et la plus enjolivée possible, elle n’aura pas plus d’impact.

Ce que désire toujours un demandeur de brevet, c’est de recevoir un brevet sur un concept aussi vaste et général que possible.

Plus un brevet est vaste, plus il lui donnera de pouvoirs dans les négociations avec les concurrents et l’extorsion d’argent sous prétexte de protection.

Plus le niveau du concept breveté est élevé, plus il devient spécifique et moins il y a de chances pour que quelqu’un d’autre ne le "transgresse" par inadvertance.

Le niveau économiquement optimal est donc d’avoir le minimum exigé pour passer l’examen.

Seule, une prise de distance avec le raisonnement quantitatif sur les brevets et leur inflation pourrait vraiment améliorer leur qualité.

Si les pays et les entreprises arrêtaient de mesurer le résultat de leurs efforts d’innovation en comptant les brevets, on aurait alors un climat dans lequel les offices de brevets pourraient laisser leurs examinateurs se concentrer sur la qualité des brevets plutôt que sur la quantité.

Vous aimeriez avoir encore plus peur ?

La théorie de la peur n’est jamais salutaire, nous en sommes suffisamment les victimes. Cependant, au delà de cette peur, il est légitime de vouloir essayer de comprendre comment d’autres problèmes actuels sont mus par les mêmes mécanismes. A partir de là, il est tout à fait possible d’avoir des sueurs froides.

On ne peut plus compter sur l’UE pour la protection de nos droits. Il est clair que le libéralisme l’a emporté sur l’objectivité au sein de l’UE. Nous avons largement revu comment le processus constitutionnel de l’UE n’est qu’un leurre.

Si le sujet des brevets logiciels ne constitue pas une preuve suffisante, alors observer comment d’autres dossiers dans d’autres domaines aussi cruciaux sont traités.

 Directive Bolkenstein : tout le monde se dit contre, le parlement est contre, mais la directive avance inexorablement.
 Les OGM : exactement le même processus. Les intérêts commerciaux priment sur les préceptes de santé et de sécurité
 Etc...

L’UE et les brevets ... sur le vivant !!

La directive 98/44 a été publiée le 30 juillet 1998 et les états membres devaient la transcrire dans leur droit national avant le 30 juillet 2000. Elle prévoit la possibilité de breveter des "inventions des biotechnologies".

En clair, si je fais une chèvre avec un gène d’araignée pour que la chèvre ait du fil d’araignée dans son lait, pour faire des gilets pare-balles (la société Nexia l’a effectivement fait !), alors je pourrai avoir un brevet sur cette chèvre.

Quand on a un animal, un chien par exemple, on en est responsable et on souhaite qu’il soit heureux. Avec un brevet sur un chien transgénique, on possède jusqu’au principe, jusqu’à l’idée de ce chien. Si mon voisin "fabrique" un tel chien, j’en suis aussi propriétaire et je peux lui contester d’avoir ce chien ! Voilà ce à quoi mène l’idée de brevets sur le vivant.

On a tous remarqué que le vivant n’est pas une machine. Pour contourner ce problème, que les politiques devinaient sûrement, de breveter du vivant, ils ont parlé (43 fois dans la directive) de matière biologique, et même de matière vivante !

Bien sûr, on acceptera mieux de modifier génétiquement "une matière vivante " qu’un être vivant, bien que ce soit pareil ! C’est bien cette pilule qu’on veut nous faire gober.

Aux Etats-Unis d’Amérique (EUA), les brevets sur le vivant existent depuis quelques années (1980 : brevet sur une bactérie, 1987 sur une huître).

Un semencier américain a passé ses vacances en 1996 au Mexique où il a repéré une variété de haricots dont il a acheté un sac. En 1998, il déposait une demande de brevet sur ces haricots qui lui était accordée en 1999. Fin 1999, il interdisait aux mexicains d’exporter leurs haricots !

C’est un des nombreux exemples de biopiratage : les brevets sur le vivant permettent aux pays du Nord de s’approprier les ressources génétiques du Sud, voire de les en exproprier !

Il a fallu dix ans pour mettre au point cette directive. Le lobby des biotechnologies à Bruxelles (Europabio) faisait pression contre la volonté de quelques députés (essentiellement verts européens).

Finalement le jour où la directive a été votée, Europabio avait fait venir des handicapés moteurs dans des chaises roulantes et des tee-shirts portant la mention " breveter le vivant, c’est sauver des vies ". Bien sûr, pour ceux qui veulent chosifier le vivant, il n’est pas scandaleux d’utiliser des handicapés !

La directive dit notamment (art. 5-1) : " Le corps humain, y compris la séquence, ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables ". Pourtant, elle dit aussi (art. 5-2) " Un élément isolé du corps humain ... y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène est brevetable ".

Du coup quelques personnes, dont M. Mattéi (député DL), ont fait un appel contre les brevets sur les gènes humains.

Même la ministre de la justice a considéré qu’il y avait contradiction. Cette position se fonde sur l’éthique humaniste qui met l’Homme intrinsèquement au-dessus dans la nature.

Aux EUA, les biotechs veulent trouver ceux qui ont des copies des gènes qu’elles possèdent. Pour cela, elles ont fait une ligne de téléphone de délation. Si un fermier sait que son voisin a gardé des semences brevetées comme ça se faisait depuis les temps féodaux, il peut le dénoncer. Ce que les seigneurs de l’ancien régime autorisaient, les brevets l’interdisent : le paysan ne peut plus garder ses graines et les revendre !

Une biotech a aussi engagé des détectives pour traquer ces "voleurs" de gènes. La dissémination (qui est naturelle !) des gènes a fait accuser plusieurs fermiers au Canada. On voit que la vie, quand elle se dissémine, se croise, gène les brevets. C’est dans cet esprit que les Sciences de la Vie (secteur public comme privé !) veulent stériliser les semences (Terminator).

Comme le dit J.P. Berlan, Terminator est la suite logique et mortifère des Sciences de la Vie !

Voir :

 Greenpeace.org

L’UE et les pays pauvres

Vous souvenez-vous des jolies paroles lors du tsunami, lors de la réunion du G8 ?

Vous souvenez-vous des efforts soi-disant pour annuler la dette et aider les pays « du sud » ?

Bien, maintenant oubliez les définitivement et regardez le monde réel dans les yeux.

 local.attac

dans les miens, des larmes montent ...

Que pouvons-nous faire ?

Hormis la vigilance qui semble être maintenant une attitude à prendre par défaut, il existe des moyens de vous exprimer. Il existe en effet plusieurs pétitions en ligne. Ne sous-estimez pas les pétitions car c’est sans doute grâce à elles que nos politiques savent comment se positionnent leurs électeurs. Ils veulent garder le débat privé et avancer masqués, alors réagissons :

 FFII

 Swapt.FFII

 Abul.org

Conclusion

La logique du pire n’est que rarement la bonne car elle conduit au statisme. Malheureusement, nous devons nous rendre compte que nos politiques ne jouent pas franc-jeu.

Une attitude très répandue est celle qui consiste à penser que nos élus sont des gens avec une intelligence supérieure, que toutes leurs actions sont coordonnées et réfléchies et qu’ils sont plus à même que nous, pauvres quidam, pour juger du bien-fondé des directions qu’ils choisissent. Et bien non ! Cela reviendrait à penser qu’ils sont tous méchants, idiots, vicieux, vendus et tricheurs. C’est tout aussi faux.

Ce qui semble sûr par contre, c’est que la plupart suivent des logiques dans lesquelles les intérêts des gens ne sont pas le critère principal. Le libéralisme a ses raisons que la raison ne connaît pas. Cet échec dans leur rôle de représentants du peuple et de son intérêt, nous conduit à opter pour une vigilance accrue.

L’Europe fonce tête baissée dans les couloirs sans issues crées par ceux contre lesquels nous sommes censés faire contrepoids. Cette Europe n’apprend rien des erreurs des autres et de ses propres erreurs. Le chemin restant à accomplir reste immense mais il faudrait commencer par partir dans la bonne direction.

Ce qui semble malheureusement certain, c’est que l’Europe et ses institutions ne jouent pas leurs rôles. Nous pourrions même y voir un déclin des possibilités démocratiques. Cela ne vient pas du concept de l’Europe, ni de celui d’une constitution européenne, mais de la manière dont elle est mise en place.

Dilution des champs d’action, passage par l’Europe pour pousser des directives qui ne seraient pas applicables au niveau national, difficulté croissante de la société civile à se faire entendre, etc...

Le plus grave est que ces agissements qui pourraient être considérés comme un péché de jeunesse, seront désormais gravés dans une constitution déréglementée par son propre règlement.

Il nous reste pas mal de travail et un petit peu d’espoir.

http://e-torpedo.net/