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CHÁVEZ, EVO ET OBAMA (Première partie)

par Fidel Castro Ruz

Publie le jeudi 29 septembre 2011 par Fidel Castro Ruz - Open-Publishing

Je fais
une pause dans les tâches qui occupent tout mon temps ces jours-ci pour dire
quelques mots au sujet de la soixante-sixième session de l’Assemblée générale
des Nations Unies qui offre une occasion singulière à la science politique.

Cette
réunion annuelle demande un gros effort et constitue une dure épreuve pour ceux
qui occupent les plus hautes responsabilités politiques dans bien des pays. Quant
aux amateurs de cet art, qui ne sont pas peu nombreux dans la mesure où il
touche vitalement tout le monde, il leur est difficile d’échapper à la
tentation d’observer ce spectacle interminable, quoiqu’instructif.

Il existe
tout d’abord une foule de thème épineux et de conflits d’intérêts. Un grand
nombre de participants doivent prendre position au sujet de faits qui
constituent des violations de principes flagrantes. Ainsi, quelle position
adopter devant les massacres de l’OTAN en Libye ? Quel gouvernement
souhaite-t-il vraiment laisser un témoignage qu’il a appuyé le crime monstrueux
des États-Unis et de leurs alliés de l’OTAN dont les avions dernier cri, avec
ou sans pilote, ont réalisé plus de vingt mille missions d’attaque contre un
petit État du Tiers-monde d’à peine six millions d’habitants, alléguant des
mêmes prétextes qu’ils ont avancés hier pour attaquer ou envahir la Serbie, l’Afghanistan, l’Iraq, et qu’ils avancent aujourd’hui pour menacer de le faire contre
la Syrie ou n’importe quel autre pays du monde ?

Or,
n’est-ce donc pas le gouvernement de l’État hôte de l’ONU qui a réalisé la
boucherie du Vietnam, du Laos et du Cambodge, l’attaque mercenaire de la baie
des Cochons à Cuba, l’invasion de Saint-Domingue, la « sale guerre »
au Nicaragua, l’occupation de la Grenade, l’attaque du Panama et le massacre de
ses habitants d’El Chorrillo ? Qui donc a fomenté les coups d’États
militaires et les tueries au Chili, en Argentine et en Uruguay, qui se sont
soldés par des dizaines de milliers de morts et de disparus ? Je ne parle pas
de faits survenus voilà cinq cents ans quand les Espagnols inaugurèrent le
génocide en Amérique ou voilà deux cents ans, quand les Yankees exterminaient
les Indiens aux États-Unis ou esclavageaient les Africains, bien que, selon la Déclaration de Philadelphie, « tous les hommes naissent libres et égaux » ;
non, je parle de faits survenus ces dernières décennies et survenant
aujourd’hui même.

On ne
saurait manquer de rappeler et d’évoquer ces faits face à un événement aussi
important et aussi marquant que cette session de l’Organisation des Nations
Unies qui met à l’épreuve la fermeté politique et la morale des gouvernements.

Beaucoup y
représentent des pays petits et pauvres qui ont besoin de l’appui et de la
coopération internationale, de la technologie, des marchés et des crédits que
les puissances capitalistes développées ont manipulés à leur guise.

Malgré le
monopole que les médias exercent d’une manière éhontée et les méthodes
fascistes auxquelles recourent les États-Unis et leurs alliés pour berner et
duper l’opinion mondiale, la résistance des peuples se durcit, et l’on peut le
constater dans les débats en cours aux Nations Unies.

De
nombreux dirigeants du Tiers-monde ont, malgré les obstacles et les
contradictions susmentionnés, exposé leurs idées avec courage. Ainsi, on ne
perçoit plus dans les voix des gouvernements latino-américains et caribéens le
honteux accent lèche-bottes, manière OEA, qui caractérisait les prises de
position des chefs d’État ces dernières décennies. Deux d’entre eux se sont
adressés à l’Assemblée générale, et tous deux, le président bolivarien Hugo
Chávez, sang-mêlé des races qui forme le peuple vénézuélien, et Evo Morales, de
la pure lignée millénaire des indigènes, ont présenté leurs vues à cette
session, le premier à travers un message, le second en direct pour répondre au
discours du président yankee.

La chaîne Telesur
a transmis les trois prises de position, ce qui a permis de connaître, dès
mardi soir, 20 septembre, le message du président Chávez que Walter Martínez a
lu à son programme Dossier. Obama, lui, a pris la parole mercredi matin, en
tant que chef d’État du pays hôte de l’ONU, et Evo Morales l’a fait ce même
jour en début d’après-midi. Pour faire court, je reprendrai les paragraphes
essentiels de chaque texte.

Chávez n’a
pas pu assister personnellement au sommet des Nations Unies, parce que douze
années de lutte inlassable, sans un jour de repos, ont menacé sa santé et mis
sa vie en danger et qu’il se bat aujourd’hui avec courage pour se rétablir
pleinement. Mais il ne pouvait pas ne pas aborder le point le plus épineux de
cette session historique dans son message courageux que je reproduis presque
intégralement :

Je
m’adresse à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies […] pour
ratifier aujourd’hui et en ce lieu l’appui total du Venezuela à la
reconnaissance de l’État de Palestine, au droit de la Palestine de se convertir en un État libre, souverain et indépendant. Il s’agit là d’un acte
de justice historique envers un peuple qui porte en soi depuis toujours toute
la douleur et toute la souffrance du monde,

Le
grand philosophe français Gilles Deleuze a dit, empruntant l’accent de la
vérité […] : « La cause palestinienne est avant tout l’ensemble des
injustices que ce peuple a souffert et continue de souffrir. » Il
est aussi – oserai-je ajouter – une volonté de résistance permanente et
irrépressible qui est d’ores et déjà inscrite dans la mémoire héroïque de la
condition humaine. […] Mahmoud Darwish, cette voix infinie de la Palestine possible, nous parle depuis le sentiment et la conscience de cet amour :

 

Qu’avons-nous
besoin du souvenir

Le Carmel
est en nous

Et sur nos
paupières pousse l’herbe de Galilée

Ne dis
pas : Que ne courrions-nous pas comme un fleuve pour le rejoindre

Nous
sommes dans la chair de notre pays

Il est en
nous

Contre
ceux qui soutiennent à tort que ce que le peuple palestinien a souffert n’est
pas un génocide, Deleuze soutient avec une lucidité implacable : « D’un bout à l’autre, il s’agira de faire comme si le peuple
palestinien, non seulement ne devait plus être, mais n’avait jamais été
. »
C’est là - comment dire ? – le degré zéro du génocide : décréter
qu’un peuple n’existe pas ; lui nier le droit à l’existence.

[…]
Aussi la solution du conflit du Moyen-Orient passe-t-elle forcément par la
justice à rendre au peuple palestinien : telle est la seule voie si l’on
veut conquérir la paix.

L’on
souffre et l’on s’indigne de constater que ceux qui ont subi l’un des pires
génocides de l’Histoire se sont convertis en bourreaux du peuple
palestinien ; l’on souffre et l’on s’indigne de constater que le legs de
l’Holocauste est la Nakba. Et l’on s’indigne tout court de constater que le
sionisme continue de recourir au chantage de l’antisémitisme contre ceux qui
s’opposent à ses sévices et à ses crimes. Israël a instrumentalisé et
instrumentalise d’une façon éhontée et vile la mémoire des victimes. Et il le
fait pour pouvoir agir en toute impunité contre la Palestine. Il n’est pas oiseux, soit dit en passant, de rappeler que l’antisémitisme est une
plaie occidentale, européenne, dont les Arabes ne sont pas partie prenante.
N’oublions pas en plus que c’est le peuple sémite palestinien qui souffre de
l’épuration ethnique pratiquée par l’État colonialiste israélien.

Qu’on
me comprenne bien : autre chose est refuser l’antisémitisme, autre chose,
et très différente, d’accepter passivement que la barbarie sioniste impose au
peuple palestinien un régime d’apartheid. D’un point de vue éthique, quiconque
refuse le premier doit condamner le second.

…le
sionisme, comme vision du monde, est foncièrement raciste. Les affirmations de
Golda Meir en sont, dans le cynisme atterrant, la preuve criante :
« Comment pourrions-nous rendre les territoires occupés ? Il n’y a
personne à qui les rendre ! Ce qu’on appelle les Palestiniens n’existe
pas. Ce n’est pas comme on pensait : qu’il existait un peuple dit palestinien,
qui se considère lui-même palestinien, et qu’à notre arrivée nous avons expulsé
et auquel nous avons enlevé son pays. Non, ils n’existaient pas. »

[…]

Lisez
et relisez donc ce document qui est passé à l’Histoire comme la Déclaration de Balfour de 1917 : le gouvernement britannique s’arrogeait la faculté de
promettre aux juifs un foyer national en Palestine, méconnaissant délibérément
la présence de ses habitants et leur volonté. Et rappelons que chrétiens et
musulmans ont vécu en paix, des siècles durant, en Terre sainte jusqu’à ce que
le sionisme ait entrepris de la revendiquer comme sa propriété entière et
exclusive.

Rappelons
encore [..] qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le peuple palestinien
verrait sa tragédie empirer par son expulsion à la fois de son territoire et de
l’Histoire. La résolution 181 des Nations Unies – ignominieuse et illégale –
recommanda en 1947 la partition de la Palestine en un État juif, en un État arabe et en une zone sous contrôle international (Jérusalem et Bethléem),
concédant ainsi […] 56 p. 100 du territoire au sionisme pour qu’il y constitue
son État. Cette Résolution violait de fait le droit international et bafouait
d’une manière flagrante la volonté des grandes majorités arabes : le droit
des peuples à l’autodétermination devenait lettre morte.

[…]

…contrairement
à ce qu’Israël et les États-Unis prétendent faire accroire au monde à travers
les transnationales de la communication, ce qu’il est arrivé et ce qu’il
continue d’arriver en Palestine n’est pas – disons-le avec Saïd – un conflit
religieux : c’est un conflit politique marqué au sceau du colonialisme et
de l’impérialisme ; ce n’est pas un conflit millénaire : c’est un conflit
contemporain ; ce n’est pas un conflit qui est né au Moyen-Orient :
c’est un conflit qui est né en Europe.

Quel
était et quel est encore le nœud du conflit ? Le fait qu’on privilégie
dans les discussions et les analyses la sécurité d’Israël, jamais celle de la Palestine. L’histoire récente le corrobore : il suffit de rappeler la nouvelle équipée
génocidaire déclenchée à Gaza par Israël à travers l’opération Plomb fondu.

On ne
saurait ramener la sécurité de la Palestine à la simple reconnaissance d’un gouvernement
autonome et d’un contrôle policier limités dans ses « enclaves » de la Rive Ouest du Jourdain et de la bande de Gaza, tout en ignorant non seulement la création de
l’État palestinien dans les frontières antérieures à 1967, avec Jérusalem-Est comme
capitale, les droits de ses nationaux et le droit de son peuple à
l’autodétermination, mais encore le droit à la compensation et le droit au
retour de la moitié de la population palestinienne dispersée dans le monde
entier, aux termes de la Résolution 194.

Il est
incroyable qu’un pays, Israël, qui doit son existence à une résolution de
l’Assemblée générale puisse mépriser à ce point les résolutions émanant des
Nations Unies ! Voilà ce que dénonçait le père Miguel D’Escoto quand il
réclamait la fin du massacre de la population de Gaza fin 2008 et début 2009.

[…]

On ne
saurait ignorer la crise des Nations Unies. J’ai soutenu en 2005, devant cette
même Assemblée générale, que le modèle des Nations Unies périclitait. Le fait
que le débat sur la question de Palestine ait été ajourné et qu’on soit en
train de le saboter ouvertement en est une nouvelle confirmation.

Washington
ne cesse de répéter depuis plusieurs jours qu’il opposera son veto, au Conseil
de sécurité, à ce qui sera une résolution majoritaire de l’Assemblée
générale : à la reconnaissance de la Palestine comme membre de plein droit de l’ONU. Nous avons d’ores et déjà déploré, aux côtés des nations sœurs qui
constituent l’Alliance bolivarienne des peuples de Notre Amérique (ALBA), dans la Déclaration de reconnaissance de l’État de Palestine, qu’une aspiration si juste soit bloquée
par ce biais. L’Empire, nous le savons tous, prétend dans ce cas comme dans
d’autres imposer un deux-poids-deux-mesures dans l’arène internationale :
c’est là la double morale yankee qui, tout en violant le droit international en
Libye, permet à Israël de faire ce qu’il lui chante, devenant ainsi le
principal complice du génocide que la barbarie sioniste commet contre les
Palestiniens. Je rappelle une phrase de Saïd qui met bien le doigt sur la
plaie : compte tenu des intérêts d’Israël aux États-Unis, la politique de
ce pays au Moyen-Orient est donc israélocentriste.

Je
voudrais conclure en faisant entendre la voix de Mahmoud Darwish dans un poème
mémorable
Sur cette terre :

Il y a sur
cette terre ce qui mérite de vivre

Il y a sur
cette terre,

Le
commencement des commencements,

La fin des
fins.

On
l’appelait Palestine et on l’appelle désormais Palestine.

Madame, je
mérite, parce que vous êtes ma dame,

Je mérite
de vivre.


Elle continuera de s’appeler la Palestine. La Palestine vivra et vaincra ! Vive la Palestine libre, souveraine et indépendante !

Hugo
Chávez Frías

Président
de la République bolivarienne du Venezuela

 

Quand la
session s’est ouverte le lendemain matin, ses mots étaient gravés dans le cœur
et l’esprit des délégués réunis.

Le
dirigeant bolivarien n’est pas un ennemi du peuple juif. Fort de sa sensibilité
si particulière, il hait profondément le crime brutal que les nazis ont commis
contre des enfants, des femmes et des hommes, jeunes ou vieux, dans les camps
de concentration où – faut-il le rappeler, bien que personne ne le
mentionne ? – les gitans ont été victimes de crimes atroces et d’une
tentative d’extermination, et où des centaines de milliers de Russes ont aussi péri
en tant que race inférieure selon les conceptions raciales nazies.

De retour
dans son pays en provenance de Cuba, le jeudi 22 septembre au soir, il s’est
référé, indigné, au discours prononcé par Barack Obama aux Nations Unies. Je
l’ai rarement entendu parler avec un tel désenchantement d’un dirigeant qu’il
traitait jusque-là avec un certain respect en tant que victime de la propre
histoire de discrimination raciale aux États-Unis, dont il conservait un
souvenir respectueux découlant de leurs échanges au Sommet de
Trinité-et-Tobago, mais qu’il n’aurait jamais cru capable d’agir comme un
George W. Bush :

« Hier,
nous avons écouté une série de discours, et avant-hier aussi, aux Nations
Unies, des discours précis comme celui de la président Dilma Rousseff, des
discours d’une grande charge morale comme celui du président Evo Morales, mais
aussi un discours, celui du président Obama, qu’on pourrait qualifier de
monument au cynisme. Oui, un cynisme, peint sur son propre visage qui était
d’ailleurs tout un poème ! Obama lançant un appel à la paix, vous imaginez
un peu ? Au nom de quelle morale ? Oui, un monument historique au
cynisme, ce discours du président Obama.

« On
a aussi entendu des discours précis, ouvrant des voies : celui du
président Lugo, celui de la présidente argentine, fixant des positions
courageuses face au monde. »

Une fois
la session inaugurée à New York, mercredi 21 septembre au matin, par le
discours de la présidente brésilienne, le président étasunien est monté à la tribune
et a pris la parole :

Depuis
presque sept décennies, quand bien même les Nations Unies ont contribué à empêcher
une troisième guerre mondiale, nous vivons encore dans un monde balafré par les
conflits et tourmenté par la pauvreté. Quand bien même nous proclamons notre
amour de la paix et notre haine de la guerre, le monde reste en proie à des
troubles qui nous mettent tous en danger.

Je serais
curieux de savoir à quel moment, selon Obama, l’ONU a empêché une troisième
guerre mondiale !

Je suis
entré en fonction alors que les États-Unis livraient deux guerres. Qui plus
est, les extrémistes violents qui nous ont fait entrer en guerre en premier
lieu – Oussama ben Laden et son organisation Al-Qaeda – avaient toujours les
coudées franches. Aujourd’hui, nous avons fixé un nouveau cap.

Les
opérations militaires des USA en Iraq vont prendre fin d’ici à la fin de
l’année. Nous allons avoir des relations normales avec un pays souverain,
membre de la communauté des nations. Ce partenariat égal se renforcera grâce à
notre soutien à l’Iraq, à son gouvernement et à ses forces de sécurité, à son
peuple et à ses aspirations.

De quel
pays parle vraiment Obama ?

Tout en
mettant fin à la guerre en Iraq, les États-Unis et nos partenaires de la
coalition ont commencé une transition en Afghanistan. D’ici à 2014, un
gouvernement afghan et des forces de sécurité toujours plus capables
entreprendront d’assumer la responsabilité de l’avenir du pays. Et à mesure
qu’ils le feront, nous retirerons nos forces tout en construisant un
partenariat durable avec le peuple afghan.

Nul ne
doute, donc, que la marée de la guerre est en train de refluer.

Quand je
suis entré en fonction, à peu près 180 000 Étasuniens servaient en Afghanistan
et en Iraq. D’ici la fin de l’année, leur quantité aura diminué de moitié et
continuera de diminuer. Ceci est capital pour la souveraineté de l’Iraq et de
l’Afghanistan, et tout aussi essentiel pour le renforcement des USA dans la
mesure où nous édifions notre nation chez nous.

De
plus, nous allons finir ces guerres en position de force. Voilà dix ans, il y
avait une plaie béante ouverte et des amas d’acier tordus, un cœur brisé au
centre de cette ville-ci. La nouvelle tour qui se dresse au Grounds Zéro symbolise
la renaissance de New York, tandis qu’Al Qaeda est soumis aujourd’hui à plus de
pressions que jamais, que son leadership s’est dégradé, et qu’Oussama ben
Laden, quelqu’un qui a tué de milliers de personnes dans des dizaines de pays,
ne mettra plus jamais la paix du monde en péril.

De qui Ben
Laden a-t-il été l’allié ? Qui donc l’a entraîné et armé pour combattre
les Soviétiques en Afghanistan ? Pas les socialistes ni les
révolutionnaires, en tout cas, nulle part au monde !

Eh
bien, oui, cette décennie a été difficile. Mais nous sommes aujourd’hui au
carrefour de l’Histoire, et nous avons l’occasion de nous acheminer
décisivement vers la paix. Mais, pour ce faire, nous devons en revenir à la
sagesse de ceux qui ont créé cette institution. La Charte des Nations Unies nous appelle à « joindre nos forces pour maintenir la paix et
la sécurité internationales ». […]

Qui donc a
des bases militaires partout dans le monde ? Qui donc est le plus gros
exportateur d’armes ? Qui donc possède des centaines de satellites
espions ? Qui donc investit plus d’un billion de dollars par an en
dépenses militaires ?

[…] Cette
année a été une époque de transformation extraordinaire. Toujours plus de
nations ont progressé pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Toujours
plus d’individus réclament le droit universel de vivre dans la liberté et la
dignité.

Il a cité
les cas du Soudan du Sud et de la Côte-d’Ivoire. Sans dire, bien entendu, que, dans le premier, les transnationales yankees se sont précipitées sur les
réserves pétrolière de ce nouvel État dont le président a dit à l’Assemblée
générale même des Nations Unies qu’il s’agissait d’une ressource précieuse,
mais épuisable, et a proposé de l’utiliser d’une manière rationnelle et
optimale.

Dans le
cas de la Côte-d’Ivoire, Obama n’a pas dit non plus que la paix y a été instaurée
avec l’appui des soldats colonialistes d’un membre éminent de la belliqueuse
OTAN qui vient de larguer des milliers de bombes sur la Libye.

Obama a
mentionné ensuite la Tunisie, attribuant aux États-Unis le mérite du mouvement
populaire qui y a renversé un gouvernement allié de l’impérialisme.

Plus
étonnant encore : Obama prétend ignorer que les États-Unis ont été les
responsables de l’installation en Égypte d’un gouvernement tyrannique et
corrompu, celui d’Hosni Moubarak, qui, bafouant les principes de Nasser,
s’allia à l’impérialisme, vola à son pays des dizaines de milliards et asservit
ce peuple courageux.

Voilà
un an, l’Égypte avait connu le même président depuis presque trente ans. Mais,
pendant dix-huit jours, les yeux du monde ont été tournés vers la place Taghir
où des Égyptiens de tous les horizons – hommes et femmes, jeunes et vieux, musulmans
et chrétiens – réclamaient leurs droits universels. Nous avons vu dans ces
manifestants la force morale de la non-violence qui a illuminé le monde, de la Nouvelle-Delhi à Varsovie, de Selma à l’Afrique du Sud, et nous avons su que le changement
était arrivé en Égypte et dans le monde arabe.

[…] Face
aux balles et aux bombes, le peuple libyen a refusé jour après jour de renoncer
à cette liberté. Et quand il a été menacé par ce genre d’atrocités massives qui
a si souvent sévi au siècle dernier, les Nations Unies ont fait la fête à leur Charte,
le Conseil de sécurité a autorisé toutes les mesures requises pour éviter un
massacre, la Ligue arabe a réclamé cet effort, des nations arabes ont rejoint
la coalition conduite par l’OTAN qui a barré la route aux forces de Kadhafi.

[..] Hier,
les dirigeants de la nouvelle Libye ont pris place ici, parmi nous, de plein
droit, et cette semaine les États-Unis rouvrent leur ambassade à Tripoli.

Voici
comment la communauté internationale est censée fonctionner : des nations qui
s’unissent au nom de la paix et de la sécurité ; des individus qui réclament
leurs droits. Maintenant, nous avons tous la responsabilité d’appuyer la nouvelle
Libye, le nouveau gouvernement libyen qui doit relever le défi de transformer
ce moment de promesse en une paix juste et durable pour tous les Libyens.

Oui,
cette année a été remarquable. Le régime de Kadhafi est terminé. Gbagbo, ben
Ali, Moubarak ne sont plus au pouvoir. Oussama ben Laden est parti, et l’idée
que le changement ne peut arriver que par la violence a été ensevelie avec lui.

Quelle façon
euphémique de liquider la question Ben Laden ! Quelles qu’aient été les
responsabilités de cet ancien allié, il a été exécuté d’une balle en plein
visage devant sa femme et ses enfants, puis lancé en mer depuis un
porte-avions, en violation des mœurs et des traditions religieuses de plus d’un
milliard de croyants et des principes juridiques élémentaires fixés dans tous
les systèmes pénaux. De telles méthodes ne conduisent pas à la paix et n’y
conduiront jamais !

Il a
affirmé aussitôt après :

Quelque
chose se passe dans notre monde. Ce n’est pas parce que les choses se sont
déroulées d’une certaine façon par le passé qu’elles se dérouleront de la même
manière à l’avenir. La dalle humiliante de la corruption et de la tyrannie est
en train de se soulever. Les dictateurs sont mis en demeure. La technologie met
le pouvoir aux mains du peuple. Les jeunes refusent fortement la dictature et
rejettent le mensonge selon lequel des races, des peuples, des religions, des
ethnies ne désirent pas la démocratie. La promesse écrite sur le papier :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits »,
est toujours plus à portée de la main.

 […] L’aune
de notre succès est si les gens peuvent vivre dans une liberté, une dignité et
une sécurité durables. Et les Nations Unies et leurs États membres doivent
jouer leur rôle pour soutenir ces aspirations essentielles. Et nous avons
encore du pain sur la planche.

Puis Obama
s’en est pris à un autre pays musulman où, on le sait, ses services secrets et
ceux d’Israël assassinent systématiquement les meilleurs scientifiques en
matière de technologie militaire.

Il a,
aussitôt après, menacer la Syrie où l’agressivité yankee peut conduire à un
massacre encore plus épouvantable qu’en Libye :

[…] Des
hommes, des femmes et des enfants ont été et torturés, emprisonnés et tués par
le régime syrien. Des milliers ont été assassinés, dont beaucoup durant la
période sainte du Ramadan. Des milliers d’autres ont fui à travers la
frontière. Le peuple syrien a fait preuve de dignité et de courage dans sa
quête de la justice, protestant pacifiquement, s’asseyant en silence dans les
rues, mourant pour les mêmes valeurs que cette institution-ci est censée
défendre. Et la question pour nous est claire : allons-nous appuyer le peuple
syrien ou allons-nous appuyer ses oppresseurs ?

L’ONU a
déjà appliqué de dures sanctions aux dirigeants syriens. Nous soutenons un
transfert de pouvoir qui réponde au peuple syrien, et beaucoup de nos alliés nous
ont rejoints dans cet effort. Mais, pour le bien de la Syrie et pour la paix et la sécurité dans le monde, nous devons tous parler d’une seule voix :
il n’y a plus d’excuses pour ne pas agir. Il est temps que le Conseil de
sécurité des Nations Unies sanctionne le régime syrien et appuie le peuple
syrien.

Reste-t-il,
par hasard, un pays qui soit à l’abri des menaces belliqueuses de cet illustre
défenseur de la sécurité et de la paix internationales ? Qui donc a
concédé de telles prérogatives aux États-Unis ?

Nous
devons répondre aux appels au changement dans cette région. Au Yémen, des
hommes des femmes et des enfants se réunissent tous les jours par milliers dans
les rues et sur les places dans l’espoir que leur détermination et l’effusion
de sang l’emporteront sur un système corrompu. Les Etats-Unis appuient ces
aspirations. Nous devons œuvrer avec les voisins du Yémen et avec nos partenaires
dans le monde pour chercher une voie qui conduise à une passation pacifique de
pouvoir de la part du président Saleh et à l’organisation dans les meilleurs
délais d’élections justes et libres.

Au
Bahreïn, des mesures ont été prises pour démarrer la réforme et la responsabilité.
Nous en sommes satisfaits, mais il en faut plus. Les États-Unis sont des
proches amis du Bahreïn, et nous continuerons d’appeler le gouvernement et le
principal bloc d’opposition – le Wifaq – à poursuivre un dialogue sérieux qui
apporte les changements pacifiques que désire le peuple. Nous croyons que le
patriotisme qui maintient les Bahreïnis ensemble doit être plus puissant que le
sectarisme qui les déchirerait. Ce sera dur, mais c’est possible.

Obama se
garde bien de dire qu’il s’y trouve une des plus grandes bases militaires
étasuniennes de la région et que les transnationales yankees contrôlent et
manipulent à leur guise les plus grandes réserves de pétrole et de gaz d’Arabie
saoudite et des Émirats arabes.

Nous
croyons que chaque nation doit suivre son propre chemin pour satisfaire aux
aspirations des peuples. Les États-Unis ne sauraient espérer être d’accord avec
les vues politiques de chaque personne ou de chaque individu. Mais nous
défendrons toujours les droits universels que prône cette Assemblée. Ces droits
dépendent d’élections libres et justes, d’une gouvernance transparente et
responsable, du respect des droits des femmes et des minorités, d’une justice
égale pour tous et équitable. Voilà ce que méritent nos peuples. Tels sont les
facteurs d’une paix appelé à durer.

De
plus, les États-Unis continueront d’appuyer les nations en transition vers la
démocratie par plus de commerce et d’investissements, afin que la liberté soit
accompagnée des chances. Nous renforcerons notre engagement avec les
gouvernements, mais aussi avec la société civile – les étudiants, les hommes
d’affaire, les partis politiques et la presse. Nous avons interdit aux
violateurs des droits humains d’entrer dans notre pays. Et nous avons
sanctionné ceux qui les bafouent à l’étranger. Et nous serons toujours la voix de
ceux qui ont été bâillonnés.

Après ce
long laïus, l’insigne Prix Nobel de la paix a abordé la question épineuse de
son alliance avec Israël, un pays qui ne figure pas, comme chacun sait, parmi
les détenteurs privilégiés d’un des systèmes les plus modernes d’armes
atomiques et de vecteurs capables d’atteindre des cibles lointaines. Obama sait
pertinemment combien cette politique est arbitraire et impopulaire.

Je sais
maintenant, en particulier cette semaine, que, pour beaucoup dans cette salle,
il est un point qui apparaît comme un test pour ces principes et un test pour
la politique étrangère étasunienne : le conflit entre Israël et les
Palestiniens.

Voilà
un an, de cette même tribune, j’ai lancé un appel à une Palestine indépendante.
Je croyais alors et je le crois encore, que le peuple palestinien mérite son
État. Mais j’ai aussi affirmé qu’une paix authentique ne pouvait se faire
qu’entre les Israéliens et les Palestiniens eux-mêmes. Un an après, malgré les
efforts intenses consentis par les États-Unis et d’autres acteurs, les parties
n’ont toujours pas comblé leurs différends. Devant cette impasse, j’ai avancé
une nouvelle base de négociations en mai dernier. Cette base est claire. Chacun
de vous la connaît. Les Israéliens doivent savoir que tout accord leur
garantira la sécurité. Les Palestiniens méritent de savoir ce que sera la base
territoriale de leur État.

Je sais
que beaucoup sont frustrés par ce manque de progrès. Moi aussi, je vous
l’assure. En fait, la question n’est pas le but que nous cherchons, mais
comment l’atteindre. […] La paix demande qu’on travaille dur. La paix ne
viendra pas à travers des déclarations et des résolutions des Nations Unies –
si c’était si facile, elle aurait déjà été faite. Somme toute, ce sont les
Israéliens et les Palestiniens qui doivent vivre côte à côte. Somme toute, ce
sont les Israéliens et les Palestiniens, et pas nous, qui doivent tomber
d’accord sur les points qui les divisent : les frontières et la sécurité,
les réfugiés et Jérusalem.

Somme
toute, la paix dépend d’un compromis entre des gens qui sont appelés à vivre
ensemble bien longtemps après que nous ayons prononcé nos discours, bien après
que nos scrutins aient été dépouillés.

Il s’est
lancé ensuite dans une longue tirade pour expliquer l’inexplicable et justifier
l’injustifiable :

[…] Il
est incontestable que les Palestiniens ont vu cet espoir [un État souverain]
retardé durant trop longtemps. C’est justement parce que nous croyons si fort
aux aspirations du peuple palestinien que les États-Unis ont investi tant de
temps et tant d’efforts dans la construction d’un État palestinien, et dans les
négociations qui peuvent aboutir à un État palestinien.

Mais
qu’on nous comprenne bien : l’engagement des États-Unis envers la sécurité
d’Israël est inébranlable. Notre amitié avec Israël est profonde et durable.
[…]

[…]

Le
peuple juif a forgé un État réussi sur sa patrie historique. Israël mérite
d’être reconnu. Il mérite des relations normales avec ses voisins. Et les amis
des Palestiniens ne leur rendent aucun service en ignorant cette vérité […]

[…]
Chaque partie a des aspirations légitimes, et c’est bien cet aspect-là qui rend
la paix si difficile. Et l’on ne pourra sortir de l’impasse que lorsque chaque
partie se mettra dans la peau de l’autre, de façon que chaque partie voie le
monde à travers les yeux de l’autre. Voilà ce que nous devons encourager. Voilà
ce que nous devons promouvoir.

En
attendant, les Palestiniens sont toujours bannis de leur patrie ; leurs
logements sont détruits par de monstrueux engins mécaniques, et un mur odieux,
bien plus élevé que celui de Berlin, les sépare les uns des autres. Obama
aurait mieux fait de reconnaître que les Israéliens eux-mêmes sont désormais
las de voir les ressources de leur pays gaspillées en dépenses militaires, ce
qui les prive de la paix et de l’accès à des moyens de vie élémentaires. À
l’instar des Palestiniens, ils souffrent les conséquences de ces politiques
imposées par les États-Unis et par les secteurs les plus militaristes et les
plus réactionnaires de l’État sioniste.

Tout en
relevant ces défis de conflit et de révolution, nous devons reconnaître aussi
et nous rappeler que […] la paix véritable dépend de la création des chances
qui rendent la vie digne d’être vécue. Pour ce faire, nous devons faire face
aux ennemis communs de l’humanité : les armes atomiques et la pauvreté,
l’ignorance et les maladies. […]

On n’y
entend goutte à ce galimatias du président étasunien devant l’Assemblée
générale ?

N’empêche
qu’il prône aussitôt après son inintelligible philosophie :

Pour
éloigner le spectre de la destruction massive, nous devons œuvrer de concert
pour poursuivre la paix et la sécurité dans un monde exempt d’armes nucléaires.
Ces deux dernières années, nous nous sommes engagés sur cette voie. Depuis
notre Sommet de Washington sur la sécurité nucléaire, près d’une cinquantaine
de nations ont pris des mesures pour garantir leur matériau nucléaire contre
les terroristes et les contrebandiers.

Peut-il
exister pire terrorisme que la politique agressive et belliciste d’un pays dont
l’arsenal d’armes atomiques peut détruire plusieurs fois la vie humaine sur
cette planète ?

Mais Obama
continue de nous faire des promesses :

Les
États-Unis continueront de travailler à l’interdiction des essais d’armes
nucléaires et de la production de la matière fissile nécessaire à leur
production.

Et nous
avons commencé à marcher dans la bonne direction. Et les États-Unis se sont
engagés à remplir leurs obligations. Mais, tout en les remplissant, nous avons
renforcé les traites et les institutions qui contribuent à stopper la
prolifération de ces armes. […]

Le
gouvernement iranien ne peut prouver que son programme est pacifique. […]

Quelle
scie, de nouveau ! Mais cette fois-ci l’Iran n’est pas seul : il est en
compagnie de la République démocratique et populaire de Corée.

La
Corée
du Nord doit
prendre des mesures concrètes pour renoncer à ses armes et à son attitude
belligérante contre le Sud. Il existe un avenir de plus grandes possibilités
pour les peuples de ces nations si leurs gouvernements respectent leurs
obligations internationales. Mais s’ils continuent de marcher à l’écart du
droit international, ils devront faire l’objet de plus fortes mesures de
pression et d’isolement. C’est ce que réclame notre attachement à la paix et à
la sécurité.

 

À suivre
demain.

 

Fidel
Castro Ruz

Le 25 septembre
2011

19 h 36

http://www.cuba.cu/gobierno/reflexiones/2011/fra/f250911f.html