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CLEASTREAM : UN "watergate" À LA FRANCAISE Une Majorité dans la tourmente

Publie le jeudi 8 juin 2006 par Open-Publishing
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de HABIBATOU GOLOGO

A l’instar de plusieurs régimes usés de l’intérieur, la Chiraquie à genoux avec le Contrat Première Embauche (CPE), semble désormais KO avec l’affaire Clearstream.

En 1988, le groupe Thomson (aujourd’hui Groupe Thalès) approche le gouvernement français pour la vente de six frégates de la classe La Fayette à Taïwan, pour la somme de 2,5 milliards de dollars. Cette opération est codée « opération bravo ». Néanmoins, le ministère des Affaires étrangères, par la voix de son chef, à l’époque Roland Dumas, s’oppose à une transaction que la Chine elle-même ne cautionne pas. Le « réseau Elf », Alfred Sirven en l’occurrence, se met alors en action. Par la suite, la Chine et les autorités françaises finissent par accepter et en août 1991, le contrat des frégates rapporte près de 500 millions de dollars de commissions et rétro-commissions. On parle même d’une « épidémie de morts subites ».

C’est sur cette affaire des six frégates qu’était supposé travailler le juge Renaud Van Ruymbeke et qui s’est révélée être une véritable boîte de pandore pour l’Etat français. Les noms de hautes personnalités de l’Etat se trouvent au cœur d’une machination qui ne dit pas son nom. Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, mais aussi Michèle Alliot-Marie (MAM) sont les principaux acteurs de ce qui ressemble à un méchant vaudeville. Et déjà, les éditorialistes taxent cette affaire de « Watergate à la française ».

Le scandale s’est nourri de révélations. Au fil des découvertes, trois autres noms comme celui du Général Philippe Rondot - il accepte dès 2003 d’enquêter sur cette étrange affaire -, Jean-Louis Gergorin, alors vice-président d’EADS et l’informaticien Imad Lahoud s’y ajoutent. Des listings des comptes de la banque Clearstream qui se trouve au Luxembourg et dans lequel les noms de hauts fonctionnaires apparaissent, sont découverts. Cette banque blanchirait l’argent sale. À ces noms, seront ajoutés plus tard ceux de Dominique Strauss-Khan, Alain Madelin, Jean-Pierre Chevènement et ...Nicolas Sarkozy. Dominique de Villepin alors ministre des Affaires étrangères, demande au Général Rondot d’enquêter discrètement. Cette étape de l’affaire, le 9 janvier 2004, donne lieu à une polémique. Dominique de Villepin aurait-il demandé au Général de focaliser son enquête sur Nicolas Sarkozy sous le prétexte de la guéguerre qui oppose ce dernier à Jacques Chirac et lui-même ? Après la lecture de certaines notes de Philippe Rondot, tout laisse croire à un tel scénario. Seulement, le Général, sans doute gêné par la mise en cause flagrante du Premier ministre, a accordé une interview au quotidien français « Le Figaro » pour défendre Dominique de Villepin. C’est alors qu’il travaillait pour le ministère de la Défense que Philippe Rondot a été approché par les deux jokers de l’affaire que constituent Imad Lahoud et Jean-Louis Gergorin. Ces derniers lui font part d’un os sur lequel ils sont tombés : la mise à jour d’un réseau de corruption. Après vérification et surtout par rapport aux hommes politiques cités, Philippe Rondot se rend compte que cela ressemble plus à des fantaisies qu’à une véritable affaire. En réalité, Clearstream ressemble plutôt à un montage de mensonges contre les rivaux de Jacques Chirac.

Dans cette confusion, Nicolas Sarkozy semble tirer son épingle du jeu, il se dresse comme étant la victime d’une machination orchestrée par les chiraquiens. Malgré tout, il reste solidaire du gouvernement dont il est le numéro deux au poste-clé de ministre de l’Intérieur.

Il ne reste qu’une année à Jacques Chirac pour quitter l’Elysée et les derniers mois de son second mandat restent entachés de scandales à répétitions, synonymes d’une fin de règne malheureuse. Ce n’est pas seulement la gestion de la mairie de Paris, souillée de corruption, qui le poursuit, mais aussi le fait réel ou supposé de l’existence d’un compte secret au Japon, un pays qu’il adore.

Des frégates aux listings

Clearstream n’était, au départ, qu’une simple enquête qui a été malencontreusement dévoilée ; et ce sont ces différentes fuites qui ont rajouté à la confusion et donné lieu aux suspicions - fondées ? - des uns envers les autres. Car le juge Renaud Van Ruymbeke reçoit des courriers anonymes « d’un corbeau » où Alain Gomez, le PDG de Thomson et Philippe Delmas, le vice-président d’Airbus, notamment, sont cités et seraient détenteurs de comptes suspects chez Clearstream. Le corbeau récidive et envoie, cette fois-ci, un CD-Rom avec les noms d’hommes politiques français. Reste à savoir à quel moment ces noms ont été introduits dans l’affaire.

Renaud Van Ruymbeke et Dominique de Talancé sont chargés de l’instruction de l’affaire des frégates de Taïwan en janvier 2001. Ils enquêtent sur un contrat de 2,5 milliards de dollars dont le cinquième de la somme a été converti en commissions. Cela reste l’affaire des frégates de Taïwan jusqu’en 2003. En mars de cette année-là, Imad Lahoud remet au journaliste Denis Robert, auteur de « Révélation$ » et de « La boîte noire », deux ouvrages relatifs à la banque luxembourgeoise, des listings informatiques de Clearstream. Huit mois plus tard, Jean-Louis Gergorin contacte le Général Rondot à qui il donne des listings de comptes contenant le nom d’hommes politiques. Le Général Rondot est alors détaché au ministère de la Défense et dépend donc directement de Michèle Alliot-Marie. C’est l’une des raisons de l’inimitié entre Dominique de Villepin et Michèle Alliot-Marie qui aurait vu d’un mauvais œil l’intrusion du ministre des Affaires étrangères au sein de son propre ministère.

Et Dominique de Villepin reçoit Philippe Rondot et Jean-Louis Gergorin, ce fameux 9 janvier 2004. Le dernier cité est présenté comme un « vrai-faux corbeau » ; il est impatient de faire tomber certaines têtes dont Philippe Delmas et Alain Thomson. Et il envoie, pour cela, du courrier à Renaud Van Ruymbeke, au début des mois de mai et de juin 2004.

En 2005, Dominique de Villepin devient Premier ministre suite au « non » de la France au référendum pour l’Europe. Mais, il est affublé d’un second qui le gêne dans ses ambitions politiques : Nicolas Sarkozy, devenu chef du parti de la majorité et super ministre de l’Intérieur. Ce dernier donne le ton dès le départ, en faisant savoir que son poste va lui permettre d’éviter les coups bas ou de mettre à jour les attaques le concernant. Les fuites dans la presse prennent alors de l’ampleur et, naturellement, les regards convergent vers la « victime » qu’est Nicolas Sarkozy. Il s’empare du « dossier » dès juin 2005 avant de se constituer partie civile, le 31 janvier 2006. Brice de Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités locales, et proche de « Sarko », fait savoir que ce dernier est victime « d’une tentative de meurtre politique ».

Les trois derniers mois ont été riches en rebondissements avec, en mars, des perquisitions chez Imad Lahoud et chez le Général Rondot. Lequel a d’ailleurs été entendu par la justice. Dominique Strauss-Kahn et Alain Madelin se constituent à leur tour partie civile, de même qu’EADS, en avril, mois de perquisitions au ministère de la Défense. L’étau se resserre donc de plus en plus, à moins qu’on ne s’attache qu’à lever des lièvres.

Flopée de victimes

Déjà très affaibli par la désastreuse gestion du Contrat première embauche (CPE), Dominique de Villepin reste stoïque devant le raz-de-marée de l’affaire Clearstream. La course vers l’Elysée reste semée d’obstacles et non des moindres pour l’actuel Premier ministre français. Après les premiers mois de lune de miel, il se trouve dans la tourmente et sa démission est réclamée, notamment par rapport à la crise sociale qui a découlé de la loi sur le CPE. Après la reculade du pouvoir suite aux nombreuses manifestations, voilà le Premier ministre de nouveau empêtré dans l’affaire Clearstream relative à de fausses allégations sur des personnalités - dont Nicolas Sarkozy - soi-disant impliquées dans une histoire de comptes bancaires. Dominique de Villepin est soupçonné d’avoir commandité une enquête personnelle sur son rival. Du coup, sa cote en prend un sacré coup dans les sondages. Mais pas question pour lui de démissionner ; il se drape dans ce qui lui reste de dignité pour demander que la lumière soit faite « sur l’affaire des dénonciations calomnieuses ». Une attitude qui lui vaut, en quelques semaines, d’être défendu par deux fois par Jacques Chirac qui, à son tour, fait publier un communiqué pour se mettre en dehors de l’affaire. Nicolas Sarkozy, « victime », ne veut pas non plus démissionner. Ce serait le comble pour une victime ! Alors que pour Dominique de Villepin, démissionner équivaudrait à avouer sa culpabilité.

Quant à Jacques Chirac, son immunité lui permet d’échapper au scandale de la mairie de Paris. Il pense pouvoir se permettre encore un an de sursis avant d’être justiciable. Clearstream n’est donc qu’un épisode dans la guéguerre et la course à l’Elysée où les quatre principaux protagonistes MAM, Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin et Jacques Chirac s’adonnent à des pratiques assassines. Avec, en toile de fond, une haine viscérale entretenue par MAM pour l’actuel Premier ministre et entre celui-ci et Nicolas Sarkozy. Mais Dominique de Villepin est protégé par Jacques Chirac qui a peur de perdre un autre des siens après le départ d’Alain Juppé. Et tous ont un objectif commun : la présidentielle de 2007.

En attendant, Jean-Louis Gergorin, qui s’était absenté de France, devait répondre à la convocation de la justice, le 30 mai dernier. M. Gergorin semble avoir juxtaposé dans le monde de la politique la guerre rituelle qui prospère au sein des entreprises. Toutefois, son véritable rôle reste encore à définir. Jean-Louis Gergorin a reconnu avoir adressé, au moins, deux des cinq courriers reçus par le juge Renaud Van Ruymbeke, un juge qu’il aurait même rencontré secrètement trois fois en avril 2004. Concernant Renaud Van Ruymbeke, il semble avoir été floué dans l’affaire. Il est sans doute victime du rapport de forces qui existe en France et qui oppose le monde politique à la justice. Taxés parfois d’être ambitieux et revanchards, les juges n’hésitent pas, en effet, à mettre en cause les plus hautes personnalités comme Jacques Chirac lui-même ou encore Roland Dumas. À moins que les hommes politiques ne soient simplement devenus plus corrompus. Dans tous les cas, l’affrontement est inévitable des deux côtés.

De plus, un scandale ne venant jamais seul, l’affaire du compte en banque détenu par Jacques Chirac au Japon a refait surface au même moment. Le président français y détiendrait près de « 300 millions de francs ». Une information difficilement vérifiée, mais qui rejoint le scandale de la gestion de la mairie de Paris à l’époque où il était l’édile de cette ville. Contraint de se justifier à nouveau, il a dû clarifier son titre de conseiller de l’Association japonaise des arts (AJA) entre 1988 et 1994. Du reste, il affirme ne pas détenir de compte bancaire au pays du Soleil levant.

Au premier anniversaire de sa nomination au poste de Premier ministre, Dominique de Villepin a toutefois décidé de se montrer combatif, de tourner la page et d’avancer. Il est sûr du soutien de Jacques Chirac, son mentor. Il tente de minimiser Clearstream afin de se pencher sur les « vrais » problèmes des Français. Clearstream est devenue une aubaine pour une partie de la classe politique française, notamment les socialistes qui ont du mal à se contenir et aussi pour François Bayrou dont les uns et les autres grignotent petit à petit la position enviable de centriste.

En fin de compte, l’affaire Clearstream, comme les faux listings qui l’ont amplifiée, n’aura été qu’une bulle gonflée et dégonflée à souhait par les différents protagonistes, mais une bulle qui éclate à la face de la presse parisienne qui en a fait ses choux gras. Les politiques, eux, continuent avec leur agenda.

Scandales politiques : De Nixon à Clinton

Clearstream est le dernier scandale en date en France ; il a été précédé par d’autres comme les écoutes de l’Elysée du temps de François Mitterrand, l’affaire Urba ou celle de Greenpeace. Et certains commencent à déterrer un autre os, l’enquête demandée, en 2002, par Lionel Jospin sur Jacques Chirac. Une enquête des services secrets juste avant la présidentielle de 2002. Pour l’Elysée où M Chirac achevait son premier mandat, le chef du gouvernement de la cohabitation a tenté de le « compromettre ». Les socialistes, eux, parlent de « manipulation ». Au fil du temps, la politique reste entachée de scandales dont voici les plus retentissants :

Le scandale

du Watergate

Le 17 juin 1972, des espions, sous la férule du président républicain Richard Nixon, tentent de déposer des micros dans l’immeuble du Watergate, siège du Parti démocrate à Washington. L’affaire est révélée par deux journalistes d’investigation du « Washington Post ». Par la suite, une procédure « d’Impeachment » est dirigée contre Richard Nixon fraîchement réélu ; il est contraint à la démission le 8 août 1974. Gérard Ford lui succède.

Les diamants

de Bokassa

« Le Canard Enchaîné », encore lui, dévoile le 10 octobre 1979, l’affaire des diamants entre le dictateur centrafricain Jean Bedel Bokassa et Valéry Giscard d’Estaing (VGE), en 1973, alors qu’il était ministre des Finances. Cette affaire met du plomb dans la campagne de VGE pour la présidentielle de 1981, et François Mitterrand l’emporte.

l’Irangate

C’était le 3 novembre 1987. L’hebdomadaire libanais proche de la Syrie, « Al Shiraa », dévoile l’affaire des ventes d’armes secrètes des Etats-Unis à l’Iran entre 1985 et 1987, en échange de missiles livrés par Jérusalem. Cette opération avait pour but d’obtenir la libération des otages américains du Liban.

Le Monicagate

Fin de parcours difficile pour Bill Clinton ; il est rattrapé le 9 septembre 1998 par la publication du rapport du procureur Kenneth Starr sur l’affaire Monica Lewinsky. Monica Lewinsky est une « obscure stagiaire de la Maison-Blanche » avec qui le président américain a fricoté. Kenneth Starr, férocement anti-Clinton, tente de le destituer à l’aide de ce document. Il ne réussira pas. Mais le « Monicagate » pousse, tout de même, Bill Clinton à présenter des excuses publiques.

Gestion de l’ouragan Katrina

En août 2005, ce scandale où les Noirs sont les victimes, met à jour les pratiques racistes des Etats-Unis. Le monde entier découvre avec horreur la mauvaise gestion du passage de l’ouragan, marquée par une certaine impréparation et l’incapacité des autorités. Déjà affaibli par d’autres scandales comme celui des sévices contre les prisonniers irakiens de la prison d’Abou Ghraïb dont les photos ont été publiées en 2004, George W. Bush est, pour son second mandat, cerné par les affaires qui se succèdent.

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