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COLOMBIE : Des fleurs pour le 14 juillet ?

Publie le lundi 13 juillet 2009 par Open-Publishing

COLOMBIE : Amères Fleurs du 14 juillet...

"Dans sa volonté de partager avec la France ce jour symbolique, la Colombie, à travers l’Association Colombienne d’Exportateurs de Fleurs ASOCOLFLORES, fleurira la traditionnelle Garden Party de l’Elysée avec 4.000 roses. Le même jour, à Paris, 50.000 fleurs seront distribuées à partir de 14h00 dans quatre sites du centre ville, Place de l’Hôtel de Ville, Place du Palais Royal, Parvis de la cathédrale de Notre Dame et au Jardin du Luxembourg..."

C’est le message parfumé et souriant que veulent faire passer les exportateurs colombiens (Voir leur site). Mais une chose est de se délecter de la beauté naturelle des fleurs... Et autre chose est de s’user les mains et la vie avec les épines et les désherbants...

La Colombie est le deuxième exportateur mondial de fleurs après les Pays-Bas. Sur ce marché, on assiste à une véritable course à la diminution des coûts de production qui passe sur le dos des travailleurs dont les conditions de travail se dégradent et dont on exige un rendement sans cesse accru. Les travailleurs et les travailleuses des cultures d’exportation réalisent des journées de travail qui peuvent aller jusqu’à 20 heures, leurs droits sont bafoués et leur santé tout comme l’environnement sont mis en sérieux danger.

Le salaire minimum (qui avoisine 170 euros par mois) et les avantages sociaux ne sont pas toujours payés correctement puisque le secteur favorise trop souvent la sous-traitance à travers des coopératives de placement : Les Coopératives de Travail Associé ou CTA. Utilisant de multiples intermédiaires, la corporation des exportateurs se déresponsabilise du traitement salarial de ses employés. Ceux-ci, ne disposant pas de contrat, peuvent être congédiés facilement, ils peinent à faire respecter leurs droits, notamment la prise en compte des sérieux problèmes de santé dus aux conditions de travail.

Les pratiques anti-syndicales mises en place, notamment la promotion de syndicats patronaux, les mesures discriminatoires ou diffamatoires contre les employés qui tentent de s’organiser, rendent très difficile l’exercice du droit d’association des employés afin de faire respecter le code du travail ou les dites certifications sociales et écologiques en vigueur dans leurs serres respectives.

De plus, dans le contexte de crise économique, des milliers de travailleurs ont perdu leur emploi sans que ne leur soit versée l’assurance chômage à laquelle ils avaient cotisé. Le secteur de la floriculture a reçu des millions de dollars de la part du gouvernement colombien pour sa relance et pour sauver les emplois, mais on continue à concentrer les gains entre les mains de quelques uns et à socialiser les pertes dès que possible, en diminuant le nombre de postes, en sabrant dans les conditions de travail ou en augmentant le rythme de production des travailleurs.

Les exportateurs de fleurs, multinationales ou propriétaires indépendants, vantent leurs avantages comparatifs sur le marché : une main-d’oeuvre abondante et bon marché, peu ou pas de conditions de travail minimales à respecter, peu ou pas de règles environnementales, peu ou pas de syndicats indépendants, des ressources naturelles presque données, aucune taxe municipale et aucun impôt national à payer. C’est ce qui permet à tous les petits consommateurs de nos pays du Nord de s’exclamer de joie lorsqu’ils voient le prix de la douzaine de roses baisser de moitié.


Impacts environnementaux

De plus, les fleurs sont exportées par millions tous les jours en avion, le moyen de transport le plus polluant. Des études réalisées par la Société colombienne de recherche agricole démontrent par ailleurs que la quantité d’eau contenue dans la nappe phréatique de la région où sont cultivées en serre 94 % des fleurs destinées à l’exportation en Colombie, aurait diminué de 50 %.

En un an, les serres utilisent tout à fait gratuitement la quantité d’eau nécessaire à l’approvisionnement de 600 000 personnes alors que des municipalités sont aux prises avec des pénuries d’eau. Plusieurs cours d’eau et de grandes superficies de sol sont contaminés par les fertilisants, les terres deviennent infertiles, des déchets solides et toxiques sont générés, l’air respiré par les travailleurs est souvent vicié par la fumigation, l’écosystème de la région est affecté par les monocultures et des organismes génétiquement modifiés sont insérés dans les plantations.

Défendre les droits

Aucune certification sociale ou écologique ne peut garantir de bonnes conditions de travail ou le respect de l’environnement si les travailleuses et travailleurs, ne disposant pas de contrats de travail ou d’un syndicat autonome, se retrouvent muselés dans la défense de leurs droits sous peine d’être congédiés.

Les travailleurs et travailleuses colombiens insistent auprès du ministère de la Protection sociale de Colombie et des propriétaires de serres de fleurs d’exportation afin qu’ils assurent la protection des droits des travailleuses et travailleurs des fleurs :

=> En respectant le droit à la libre association et en cessant toutes mesures dissuasives contre l’organisation syndicale autonome et indépendante en Colombie.

=> En évitant la sous-traitance, en contractualisant directement avec les travailleuses et travailleurs, et en interdisant les coopératives de placement (Cooperativas de Trabajo Asociado, CTA).

=> En versant, en bonne et due forme, les salaires et indemnisations, même en cas de mise à pied.

Pour Margarita, travailleuse de serre en Colombie depuis 20 ans, la lutte pour les droits continue. Elle n’hésite pas à qualifier d’exploitation son travail en serre. Aux consommateurs du monde qui s’apprêtent, insouciants, à acheter une gerbe de roses, ou aux passants à qui on offrira des fleurs sur les places de Paris pour le 14 juillet, elle dit ceci : « Vous avez entre les mains la sueur de plusieurs travailleurs. Vous pouvez nous aider à conscientiser, à persuader... Pour que ne soient pas si nombreuses les violations de nos droits comme travailleurs, pour que les entreprises se responsabilisent, et les acheteurs aussi. »

Voir :

* Le dernier numéro de "FLORECER", bulletin du syndicat national colombien des travailleurs des fleurs UNTRAFLORES

* corporación CACTUS

* Rapport 2007 de War on Want sur "Le coût humain des fleurs coupées dans les supermarchés britanniques"

Source : http://colombieparis.e-monsite.com/