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COUP DE CHAPEAU DE BERURIER NOIR A Jann-Marc Rouillan
Publie le jeudi 8 juin 2006 par Open-Publishing1 commentaire
COUP DE CHAPEAU DE BERURIER NOIR A Jann-Marc Rouillan. Le choix des armes. Les Bérurier Noir ont souhaité saluer Jann-Marc Rouillan, pour ses livres ainsi que les autres prisonniers d’Action Directe pour leur résistance face « à la volonté de l’État de les détruire physiquement et intellectuellement ».
Deux choses rapprochent particulièrement le parcours des deux Bérurier Noir et celui de Jann-Marc Rouillan : l’époque durant laquelle ils ont sévi, les années 80, et la constance et l’intransigeance de leur combat. A la différence notable et essentielle, qu’ils n’ont pas choisi les mêmes armes ; tandis que les bérus scandaient leur rébellion au moyen d’un punk festif et tout autant corrosif, J.M Rouillan avait pris le chemin sans issue de la violence armée contre « l’État capitaliste ».
L’activité militante de ce toulousain né dans les années cinquante commence très tôt, au contact de libertaires espagnoles qui luttent contre Franco. Premiers braquages, premiers attentats, l’entrée en politique de ce jeune révolté se fait dans la violence puisqu’il s’agit de résister contre une dictature. À vingt ans, il connaît une première fois l’expérience de la prison en Espagne. Condamné à mort pour avoir participé à des attentats matériels, il reste trois ans, incarcéré, avant d’échapper à la peine capitale grâce à sa nationalité française et à la mort de Franco. Cet épisode, loin de freiner les ardeurs rebelles du jeune homme, va les attiser. Il rentre en France en 1975 et constate, amer, l’essoufflement du vent de révolte issu de mai 68, contrairement à d’autres pays du monde (Allemagne. Italie, Japon) nu des mouvements d’ultra-gauche rassemblent des milliers de personnes et n’hésitent pas à prendre les arme. C’est dans ce contexte que naît Action Directe, dont Rouillan est l’un des principaux initiateurs, groupe d’une centaine de personnes issu du mouvement autonome qui prône la guérilla contre le capitalisme, et qui organise des attentats contre des bâtiments publics (ministère du travail, siège du patronat...). Arrêté en 1980 avec sa compagne Nathalie Menigon, J.M Rouillan bénéficie d’une amnistie à l’arrivée de Mitterrand. Action Directe n’est plus qu’un groupuscule qui bascule dans la clandestinité, et va amplifier sa violence provoquant l’incompréhension de tous. Les assassinats « ciblés » du général Audran, responsable des ventes d’armes de l’Etat français et de Georges Besse, le PDC de Renault, vont marquer le dénouement de cette escalade sanglante. Le noyau dur d’Action Directe est arrêté en 1987 et est condamne à la perpétuité. Dix-neuf ans ont passé, et ils ont tous purgé leur peine de sûreté.
Aujourd’hui, cette période semble si lointaine, d’un autre temps, d’un autre monde, et le sort des détenus d’Action Directe, agonisant en prison n’intéresse que les milieux confinés du militantisme ; car l’État leur a fait payer très cher leur égarement, en leur refusant le statut de prisonnier politique et les traitant comme des terroristes sans légitimité et méritant des conditions de détention impitoyables. Le plus dérangeant est que J.M Rouillan et ses compagnons n’aient jamais exprimé de regrets, cherché à se repentir. Ils sont restés fidèles à leur vision, même s’ils reconnaissent à demi-mot n’avoir pas utilise les bons moyens, en tout cas pas au bon moment. On ne lutte pas contre l’oppression avec les armes de l’oppression et la fin ne justifie pas les moyens : il est sûr que le sang a coulé pour rien. Mais du fond de ses geôles successives, J.M Rouillan ne s’est pas laissé mourir, ne s’est pas laissé désarmé et a choisi l’écriture pour continuer son combat. Quatre livres publiés, une chronique mensuelle dans CQFD, dans lesquels il se révèle être un véritable écrivain au style tranchant et incisif qui traque le réel dans sa nudité et sa cruauté. L’homme ne cherche pas la respectabilité, l’écriture n’est pas reconversion mais perpétuation d’une révolte restée intacte. Les mots lui servent à se justifier, à donner du sens, une cohérence à cette vie folle qui est la sienne, quitte à défendre les erreurs du passé. « Mes mots, s’ils respirent, ce n’est pas de ramper mais de dire. Et ce que je dis ne plaît pas à ceux qui voudraient qu’on se taise. Car dans mon cas judiciaire, il faudrait que j’accepte le livret de la victime expiatoire à la bonne raison de ne plus rien faire, de ne plus se rebeller ou alors avec des mots sourds et aveugles, étrangement orphelins de leur musique, ils voudraient que je me range des voitures et que je sois un exemple du bon repentir en société. » Mais l’homme demeure méfiant à l’égard du verbe : « Mais nous savons tous deux que les mots n’épuisent pas ce qui fait notre refus. Nous contestons et donc nous dépassons le seul protestataire de la parlote. Sans acte, le mot n’est rien. » Dans le roman de Gluck, Rouillan excelle à balader le lecteur à travers les âges, les époques, décrivant l’évolution du Paris populaire, des prises des communards en passant par la résistance à l’occupation nazie, jusqu’au désordre contemporain de la délinquance qui secoue les quartiers. Il décrit l’humanité dans sa cruauté et sa violence, s’inspirant des parcours chaotiques de détenus croisés au cours de ses périples pénitenciers.
De la prison, il en est évidemment beaucoup question dans ses écrits, lui qui a fait le tour de France des prisons (Fresnes, Arles, Lannemezan, Moulins, Fleury), qui a subi le mitard, les quartiers de haute sécurité et qui est l’un des prisonniers les plus surveillés de France. Il se fait le témoin implacable de l’enfer carcéral, des brimades quotidiennes, de la « mort lente » qui gagne peu à peu les détenus. Rouillan se fait l’écho de ce monde réduit au silence, qui incarne selon lui, le lieu central autour duquel émergent les nouvelles révoltes contre la société répressive.
On le dit, on le répète, la stratégie usée par Action Directe est indéfendable et fut un échec, mais la réaction de l’État est pour le moins disproportionnée et tient plus de la vengeance que de la justice. Gravement malades, les ex-terroristes se voient refuser toutes leurs demandes de libération pour raisons médicales, tandis qu’un Maurice Papou peut finir ses jours paisiblement sans avoir exprimé un regret pour les juifs qu’il a fait déporter et les Algériens qu’il a fait noyer. Un poids, deux mesures, le terrorisme d’État est toujours plus légitime que celui de quelques égarés agissant au nom de la « défense du prolétariat ». Mais l’enjeu est important pour la société de la peur qui se renforce, il s’agit de nier et de réduire l’ensemble des foyers de contestation qui émerge ici et là. Dernière illustration en date de l’acharnement contre J.M Rouillan, au mois de mai de l’année 2004, un groupe de surveillants cagoulés entre dans sa cellule, le matraque et l’emmène nu dans le bureau du directeur, prétextant une improbable préparation d’évasion. Mauvais remake d’Abou Grahib dans une France donneuse de leçons et si sûres de ses valeurs, qui sont bafouées pourtant au quotidien.
Un collectif « Ne laissons pas faire » soutient les détenus d’Action Directe et tente de faire connaître la situation inacceptable de ces militants qu’on essaie d’anéantir à petits feux.
Vincent Martin
FrancoFans, Magazine indépendant de la chanson francophone actuelle, Avril 2006
Messages
1. > COUP DE CHAPEAU DE BERURIER NOIR A Jann-Marc Rouillan, 8 juin 2006, 18:05
Ce texte a une vision, et de jean-marc rouillan sur lui-même et ses engagements, et de bérrruriers noirs sur action directe, avec laquelle les personnes et groupes précités ne seraient sans doute pas d’accord ! Au delà- des éléments factuels historiques qui sont rapportés, et qui sont sommairrement exacts, il y a toute une série de jugements de valeur et d’opinions personnelles (prêtés par sous-entendu parfois aux personnes qui sont le sujet de l’article), qui "jure" avec le caractère narratif-objectif que donne le "ton" de l’article, sa posture "informative"-neutre. C’est donc un article quelque peu "laudateur" sur les personnes "racontées", mais où en même temps sur une question cruciale comme l’"égarement face à la violence et l’assassinat", l’auteur de l’article a un point de vue radicalement opposé à celui de Jean-Marc Rouillan, à tout le moins, il suffit de lire ses livres, articles, lettres qui sont publiés depuis 20 ans et plus qu’il est en prison.
Je ne crois pas que c’est en faisant croire à tort que Jean-Marc Rouillan serait un "repenti", ou un "repentant", qu’il se dissocierait de certains engagements passés, présents et futurs... qu’on plaide efficacement pour son amnistie, et/ou son "élargissement" le plus rapide possible de la prison, par tout autre moyen (conditionnelle, grâce médicale, mesure d’amnistie générale révolutionnaire...). Il y a bien d’autres arguments, qui sont notamment exposés par le collectif de soutien "ne laissons pas faire", qui comptent d’éminents juristes et avocats, parlementaires, anciens magistrats et diplomates, ainsi bien sûr que de très nombreux syndicalistes, militants ouvriers, médecins, pour convaincre l’opinion publique et les autorités de l’appareil d’Etat, du bienfondé de cette cause de l’amnistie concernant les prisonniers politiques d’Action Directe en Fance et en Europe. (ne serait-ce que la déjà excessive durée de leur incarcération, contradictoire avec la philosophie pénale européenne, réellement démocratique.)