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Caricature, terrorisme, choc des civilisations, liberté d’expression

Publie le dimanche 10 septembre 2006 par Open-Publishing
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La caricature dont il est question tardivement ici est celle de Mahomet dont le turban porte une bombe. Si l’actualité de cet événement est passée, cela ne veut pas dire pour autant que ses implications le sont aussi et que le débat est clos à leur propos. Venons-en donc au sens de ce dessin : Cette caricature assimile l’Islam au terrorisme. Il y a là une essentialisation de l’Islam : une fois pour toutes il est terroriste, c’est dans sa nature.

1 - La publication de cette caricature est intervenue

 alors que la Palestine, l’Afghanistan, l’Irak sont occupés par des troupes étrangères.
 au moment où le nucléaire iranien « préoccupe » les occidentaux qui ne s’inquiètent pas du nucléaire d’autres pays qui, comme par hasard, sont des alliés des USA,
 alors que la Syrie est montrée du doigt
 à peu près au moment de l’élection du Hamas en Palestine.

2 - La Palestine, l’Afghanistan, l’Irak, pays peuplés principalement de musulmans, subissent occupations et guerres. Inévitablement ces dernières suscitent une résistance dont l’une des formes dévoyées est le terrorisme. De toute manière toute résistance, même juste et légitime, à une oppression armée est toujours traitée de terroriste par les oppresseurs.

3 - Interrogeons-nous de manière concrète sur la teneur de ce terrorisme.

 Al-Quaïda est une mouvance religieuse terroriste qui exploite une situation d’occupation et donc non religieuse, celle que nous venons de voir, pour commettre ses attentats en appelant à la guerre contre les infidèles.

 L’Irak de Saddam était une dictature laïque. Aucun terrorisme au sens que l’on entend ordinairement c’est-à-dire le terrorisme à la Al-Quaïda, n’y était pratiqué par des groupes religieux. .Ce n’est que depuis l’occupation américaine que le terrorisme s’y est développé et la nature principale de ce terrorisme est son caractère antiaméricain, anticolonial même s’il prend aussi des aspects religieux ou interreligieux. C’est donc bien la guerre et l’occupation et non l’islam que l’on trouve à l’origine de ce terrorisme

 L’Iran, état religieux par excellence, n’est pas pour autant un état terroriste. L’Iran est même un adversaire résolu de Ben Laden et de ses partisans.

 Le Hamas enfin est un parti religieux qui a pratiqué entre autres choses des actions terroristes contre Israël et les Israéliens dans le cadre de la résistance palestinienne. Même si les buts religieux du Hamas sont clairs, son action terroriste passée (qui est condamnable) est de la même veine que celle du FLN en Algérie. Ce n’est pas pour des raisons religieuses que le Hamas a perpétré des attentats mais en réponse à l’occupation et aux crimes israéliens.

 Parlons du Hezbollah enfin puisque la guerre israélienne contre le liban est passée par là. Comme le Hamas, il est placé sur la liste soit des organisations terroristes soit de libératrion nationale, ceci selon les intentions israélo-américaines dans la région. L’administration Clinton le considérait comme une organisation de résistance et il a même participé, à ce titre, à l’Arrangement d’avril 1996 qui définissait les règles entre lui, le Hezbollah, et l’armée israélienne, ceci sous l’égide des USA et de la France. C’est Bush et les néocons qui l’ont réintroduit dans la "liste" des organisations terroristes.

Donc, seul le terrorisme de Ben Laden, sur un terreau d’occupation et de guerre impérialiste au Moyen-Orient, peut être assimilé à un terrorisme de nature religieuse. Il n’est qu’un petit groupe de fanatiques qui ne représentent pas, loin de là, le monde musulman dans son ensemble.

On a donc affaire très largement au Moyen-Orient à un terrorisme de résistance .aux guerres américaines ou israéliennes et dont les motivations religieuses, quand il y en a, sont secondaires. Ce n’est donc pas l’Islam qui en est à l’origine. Curieusement les défenseurs de ce genre de liberté d’expression oublient tout ce pan de la réalité et se font les défenseurs d’un fantasme dont on voit bien qui il sert.

En passant , il faut noter ce point important selon lequel il faut distinguer action terroristes et organisation terroriste. Une organisation de résistance peut à certains moment utiliser des actions terroristes, à tort (le plus souvent) ou à raison, elle n’en perd pas pour autant sa nature d’organisation de résistance.

4 - Au fait c’est quoi le terrorisme et qui est le véritable terroriste ?

Pour le caractériser par ce qu’il a de pire, le terrorisme c’est l’utilisation de la violence contre des civils. En ce sens tout terrorisme est condamnable Mais toute guerre est terroriste car toute guerre tue des civils innocents en grand nombre. Le principal terrorisme est le fait aujourd’hui des armées, l’Américaine au premier chef, qui occupent l’Afghanistan, le Pakistan, l’Irak. En Palestine il est le fait d’Israël qui ne cesse de tuer des civils et parmi eux de nombreux enfants.

Or, et là est la fraude, les états en guerre justifient celle-ci par toutes sortes de raisons susceptibles de la faire accepter. Et l’on imagine aussi que la guerre c’est une armée qui combat une autre armée. Rien de plus faux pour le Proche et le Moyen-Orient. Les victimes des guerres américaines en Irak sont, et de très loin, des civils innocents. On peut qualifier de « guerre terroriste » la guerre américaine au Moyen-Orient, guerre parce qu’elle est menée par une armée, terroriste parce qu’elle a pour cible principale des civils.

Le terrorisme « civil » paraît plus aveugle parce qu’il ne se cache pas derrière les prétextes forgés par des communicants et que nous assènent des politiciens élus et respectables en apparence. Il apparaît sans masque comme une entreprise contre des civils. Et pourtant il n’est pas plus aveugle que le terrorisme guerrier des états et fait bien moins de victimes.

Il y a donc deux types de terrorisme au Proche et Moyen-Orient. Un terrorisme des occupants de loin le plus meurtrier et le plus criminel et secondairement un terrorisme de résistance qui n’a de religieux pour l’essentiel que le fait d’être pratiqué par des gens dont l’Islam est la religion. L’assimilation de l’islam au terrorisme est donc un vaste mensonge.

3 - Islam, terrorisme, choc des civilisations.

Alors pourquoi une telle assimilation ?

Alain Gresh écrivait dans le Monde Diplo de septembre 2004 : "La vision d’un « choc des civilisations » opposant deux entités clairement définies, « Islam » et « Occident » (ou « civilisation judéo-chrétienne ») est au cœur de la pensée essentialiste qui réduit les musulmans à une culture figée et éternelle. « Cette haine, explique son promoteur Bernard Lewis, va au-delà de l’hostilité à certains intérêts ou actions spécifiques ou même à des pays donnés, mais devient un rejet de la civilisation occidentale comme telle ». Les iraniens ne se sont pas révoltés contre la dictature du shah imposée par un coup d’état fomenté par la CIA en 1953. Les Palestiniens ne se battent pas contre une interminable occupation. Et si les arabes haïssent les Etats-Unis ce n’est pas à cause de l’appui de ces derniers à Sharon ou de leur occupation de l’Irak, ce que rejettent les musulmans ce sont la liberté et la démocratie. "

Cette thèse du « choc des civilisation » qui fait l’impasse sur le contexte, sur les raisons réelles du « terrorisme », est à la base de l’idéologie des néo-conservateurs américains et de leurs alliés de par le monde. Pour eux la civilisation islamique ancrée principalement sur les valeurs de la religion musulmane est par nature l’ennemie des valeurs occidentales : démocratie, liberté et, d’après eux, le terrorisme est le moyen de combattre celles-ci. On sait ce que ces mots signifient dans leur bouche. Passons.

La caricature dont il est question ici est une illustration de cette thèse du « choc des civilisations ». Elle n’est en rien une critique de l’Islam. Elle est un pur amalgame raciste. En effet si l’Islam est par essence ou nature terroriste, tout musulman est donc un terroriste en puissance. Elle masque le fait que les principaux terroristes sont de loin les occupants américains et israéliens.

Enfin il faut se garder d’étudier dogmatiquement les phénomènes à partir de principes abstraits tels que par exemple la liberté d’expression sans examiner les caractéristiques concrètes de ce qui est exprimé. La liberté d’expression n’autorise pas la stigmatisation mensongère de l’autre, sinon les condamnations dont le Pen a fait l’objet auraient dû être elles-mêmes condamnées par nos défenseurs de la liberté d’expression laquelle dans certains cas peut devenir la défense de la pire expression. Doit-on, par exemple, regretter l’heureux temps où les antisémites Maurras, Drumond, Léon Daudet, pouvaient librement injecter leur idéologie dans l’opinion française ? Quant à la critique indispensable de la religion et de l’obscurantisme religieux, elle doit être rationnelle et elle n’autorise pas les amalgames intéressés sinon elle n’est plus une critique mais une escroquerie et elle-même une forme de l’obscurantisme qu’elle prétend dénoncer.
gl

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