Charles Foulard, nouvelle icône de la CGT (video)

de Gaël Vaillant

Au cœur de l’attention médiatique depuis le blocage de la raffinerie de Grandpuits (Seine-et-Marne), réquisitionnée vendredi matin par l’Etat, Charles Foulard est devenu l’une des figures de la mobilisation sociale. Responsable CGT au sein du groupe Total, il a su s’imposer grâce à son verbe et sa détermination. Portrait d’un défenseur de salariés hors-norme.

La CGT a-t-elle trouvé son commandant Cousteau des grandes causes sociales ? Bonnet rouge vissé sur la tête et autocollant "CGT Total" plaqué sur une parka noire indémodable, Charles Foulard est plus que jamais déterminé. Installé en face de l’entrée principale de la raffinerie de Grandpuits (Seine-et-Marne), il fustige l’Etat qui a réquisitionné le site dans la nuit de jeudi à vendredi, afin d’alimenter les stations-service de plus en plus à sec. Micro à la main, il compare Nicolas Sarkozy à Pétain, dénonce "la rafle des acquis sociaux" effectuée par l’exécutif (voir ci-dessous l’interview d’Europe1 de vendredi matin). Les journalistes savourent ses phrases chocs. Charles Foulard, accessible et pédagogue, est un bon client.

A force de détermination, cet ancien pompier a grimpé les échelons de la section CGT-Total. Il en est désormais le chef incontesté. A 53 ans, il cumule 28 années de services chez le géant de l’énergie français. Il connait les recoins de son entreprise et se rend à cadence hebdomadaire au siège social, situé dans le quartier d’affaires francilien de la Défense. L’actualité chargée de Total lui a permis de se faire une place sur la scène médiatique. En effet, certains secteurs de l’industrie pétrochimique, comme les raffineries, souffrent de la morosité économique actuelle. Conséquence de la crise, selon la direction, le site d’exploitation des Flandres, à Gravelines (Nord), se trouve ainsi sur le point de fermer. Depuis vendredi, une décision de justice autorise d’ailleurs de procéder à cette cessation d’activité.
Partisan des grèves de combat

En février 2010, le personnage estampillé CGT débarque sur le terrain, avec son bonnet rouge et son verbe dur. Incarnant la force de frappe du syndicat, il mobilise les troupes, invoque des négociations directes avec la direction et s’improvise porte-parole des salariés. En quelques jours, il s’impose au sein de l’intersyndicale, devenant le représentant le mieux relayé dans les médias sur le dossier de la raffinerie des Flandres. Pourtant, le syndicat majoritaire sur le site, aussi bien chez Total que chez les sous-traitants affiliés, est Sud. Et à en croire les délégués sur place, Charles Foulard a joué au cowboy. "Les coordinateurs nationaux ont négocié avec Total avant le début du conflit, sacrifiant les garanties de pérennité pour d’autres raffineries sans consulter les travailleurs", dénonce Philippe Wullens, responsable local de Sud-Total, dans Le Monde daté du 24 février. "Charles Foulard n’est plus le bienvenu" à Gravelines, lâche-t-il encore.

Le syndicaliste, que ses proches surnomment "Charly", en ferait donc trop ? Au sein de la CGT, il incarne une ligne dure, sans concessions. Par le passé, il s’est opposé au secrétaire général du mouvement Bernard Thibaut, issu d’un courant plus réformiste. Le responsable syndical de Total a d’ailleurs reconnu "avoir eu des débats" avec sa hiérarchie. Mais, depuis le début de la semaine, il répète à qui veut l’entendre que "la CGT le soutient". Reste que certaines contradictions demeurent. Le sujet de la pénurie de carburant en est un exemple : alors que Bernard Thibaut ne veut pas "bloquer le pays", Charles Foulard incite les automobilistes à vider les pompes.
Un élément fédérateur dans le secteur pétrochimique ?

Son opération en terre du Nord, en février dernier, semble toutefois avoir réussi. A l’heure de la mobilisation des retraites, il a su mobiliser toute la branche pétrole. Ses appels à suivre le mouvement de blocage des raffineries, entamé à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), sont mises en pratique en quelques jours dans les cinq sites du groupe Total (*) . Depuis le week-end dernier, avec notamment un entretien au Journal du Dimanche , il intervient tous les jours dans les médias. Sa présence à Grandpuits, première raffinerie dans laquelle il a travaillé, a sans doute contribué à faire de cette exploitation le cœur de la résistance contre la réforme des retraites. Et quand l’exécutif décide de réquisitionner le site, Charles Foulard semble être le héros du jour.

(*) Gonfreville l’Orcher (Seine-Maritime, production moyenne : 16,4 millions de tonnes de brut), Donges (Loire-Atlantique, 11,5 millions de tonnes), La Mède-Martigues (Bouches-du-Rhône, 7,7 millions de tonnes), Feyzin (Rhône, 5,7 millions de tonnes) et Grandpuits (Seine-et-Marne, 4,9 millions de tonnes). Total possède un sixième site : la raffinerie des Flandres qui produisait en 2008 6,7 millions de tonnes. Elle ne fonctionne plus depuis septembre 2009.

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