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Chômeuse mais digne (lettre à mon référent ANPE)

Publie le vendredi 23 février 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

Reçue sur la boite du site du collectif RTO, cette copie d’un courrier d’une précaire à son référent.


A propos de ma situation et de mon rendez-vous du 23 février

Monsieur,

J’ai bien reçu votre convocation à un rendez-vous mensuel concernant ma recherche d’emploi le vendredi 23 février prochain à 10h15, puis votre courrier rappelant ce rendez-vous et faisant état de ma formation actuelle et insinuant que donc je ne serais peut-être pas à la recherche d’un emploi. Peut-être n’étaient-ce que des courriers générés automatiquement par un ordinateur, mais leur contenu est cependant adressé à un être humain, moi-même. Ne pouvant répondre à un ordinateur, je m’adresse à vous, auprès de qui je suis convoquée, pour vous prévenir que je ne me rendrai pas à cette convocation, en raison d’une indisponibilité manifeste, due à une réaction épidermique entraînée par tant de facéties.

Je tiens en outre à énoncer quelques points auprès de vous, mon "conseiller référent".

Je suis effectivement en formation, formation que j’ai entreprise précisément dans la mesure où je ne ne trouvais pas d’emploi, formation que j’ai trouvée seule, que je finance intégralement seule, qui n’est aucunement rémunérée, et qui ne me donne aucun statut particulier. C’est pourquoi je peux vous affirmer que je suis néanmoins à la recherche d’un emploi, à temps partiel, il faut bien tenter de subvenir un minimum à ses besoins, tout en menant à bien cette formation.

Je souhaite attirer votre attention sur le fait que je ne trouve aucun emploi à temps partiel compatible avec cette formation, dans la mesure où les annonces proposées à la consultation sont dans tous les cas des emplois extrêmement précaires, consistant à venir deux heures le matin, deux heures l’après-midi (au mieux), ou nécessitant plus de temps pour décrocher le contrat que pour exécuter la tâche demandée (contrat d’un jour voire d’une demi-journée, avec des changements de dates au dernier moment - je l’ai expérimenté, comme quoi je cherche -, etc.). Et je ne parle pas des salaires de misère qui accompagnent ce morcellement du temps, de la vie, de l’être...

Cela n’est pas de votre fait, je le sais, transmettez donc si vous le souhaitez ces observations à votre hiérarchie, seule responsable de cette triste farce, dans la mesure où elle accepte de publier de telles "offres". Même si je n’étais pas en formation, je ne considérerais pas cela comme des offres d’emploi mais comme des demandes d’esclaves de la part de patrons peu scrupuleux du respect d’autrui. Il est consternant de voir que ce type d’annonces soit considéré comme proposable, tant elles sont irrespectueuses envers les personnes et tant elles les nient dans leur humanité même. Avoir besoin d’argent pour vivre ne devrait jamais entraîner de devoir y laisser sa dignité, sa santé et/ou sa vie personnelle.

N’ayant plus aucune indemnité depuis plusieurs mois, et les annonces proposées à la consultation par votre agence (que je suis allée chercher, répertorier, lire, noter, et auxquelles j’ai parfois répondu, ce qui démontre bien que je cherche !) ne correspondant pas à mon profil pourtant largement polyvalent (mais il faut dire que même pour être caissière il faut un diplôme spécifique, ce qui est tout de même un peu fort !), je ne nécessite effectivement pas les services de l’ANPE, services qui consistent plus en un contrôle policier et en une inquisition qu’en une aide quelconque. Je suis tout à fait apte à "construire mon parcours de retour à l’emploi", ma formation actuelle faisant partie de ce parcours, et ce n’est pas l’ANPE qui m’y a aidée, bien au contraire : aucune aide financière pour faire cette formation, aucune autre alternative proposée, et maintenant menace de radiation.

Et bien sachez que vous pouvez suspendre mon inscription en tant que demandeur d’emploi si vous le souhaitez, mais notez que je suis pourtant bel et bien au chômage, à la recherche d’un emploi, le fait que j’aie entrepris une formation constituant, il me semble, un "élément attestant de ma bonne volonté et de mes efforts". Cela vous déchargera d’un rendez-vous mensuel, cela participera à entretenir le mensonge quant au nombre réel de chômeurs, et cela me privera d’un éventuel futur "emploi aidé" (en fait c’est le patron qui est aidé) dans la mesure où je ne pourrai plus justifier de plus d’un an d’inscription sur la "liste des demandeurs d’emploi". Dans tous les cas, c’est moi l’unique perdante, mais ça va, le moral est là, merci bien.

Je souhaite de signaler, pour terminer, qu’au vu de mes diplômes, je pourrais théoriquement diriger une agence locale de l’ANPE (après passage du concours, bien sûr). Mais il est clair que je ne peux, d’un point vue tant éthique que moral, ne serait-ce qu’envisager de participer à cette entreprise visant à instaurer la terreur parmi les pauvres et à alimenter le grand mensonge des chiffres du chômage, au moyen de la chasse, des menaces et du mépris dirigés envers les chômeurs qui de victimes d’un système au sein duquel le travail est érigé comme seule vertu salvatrice à tous les maux deviennent, grâce aux discours politique et médiatique, les propres artisans de leur condition miséreuse, voire des parasites de la société.

Si je ne trouve pas d’emploi, c’est d’une part parce qu’il n’y a pas d’emploi digne de ce nom qui soit proposé, et d’autre part par ce que je refuse d’accepter des postes qui n’en sont pas. J’ai la chance d’avoir un entourage social qui me permet de refuser ces offres d’esclavage, et je sais que ce n’est pas le cas de tout le monde. C’est précisément pourquoi je me permets de souligner ces diverses remarques, une fois de plus non dirigées vers vous personnellement, je ne me permettrais pas de vous juger, mais qui doivent être rappelées de temps en temps au risque de laisser croire que notre formidable système sociétal est parfait, ce qui est bien sûr loin d’être le cas, et il semblerait que cela ne risque pas de s’arranger...

Je vous souhaite bien du courage dans votre tâche, et espère que vous parvenez à l’accomplir dans la sérénité.

Recevez, cher Monsieur, l’assurance de mes sentiments distingués,

M. A., chômeuse mais digne.


Retrouvez d’autre témoigange sur le site du collectif rto :http://www.collectif-rto.org

Messages

  • je rajouterais que voila un article qui prouve comment ce gouvernement maquille les chiffres réels du chomage

    louis coconuts

  • Salut,
    Pouquoi ne pas passer le concours et diriger une Anpe ? Si tu veux que le service public de l’emploi change tu pourras peut-être le faire changer de l’intérieur à ton niveau local. C’est en luttant de l’intérieur que tu paurrais faire changer les chose.
    Pour une service public pour l’emploi efficace au service des demandeurs d’emploi et non policier faut aussi choisir la gauche et la plus à gauche possible.

    Bon courage
    Fabrice O

    • Rentrer à l’ANPE ? Changer les choses de l’intérieur ? Un vieux débat... Et non, ce n’est pas mon truc. Ce n’est pas en "luttant à l’intérieur" que les choses changeront : c’est la disparition de l’ANPE que je souhaite, qui va forcément de pair avec un autre système, non fondé sur le travail salarié, aliénant par définition ! Je ne suis pas "demandeuse d’emploi", je suis sans revenu, ce qui n’est pas pareil... Pour pousser plus loin, je suis contre le travail salarié, contre l’argent, et pour l’autonomie à tous les niveaux.

      Pour revenir plus au sujet, d’abord, j’ai rencontré finalement mon conseiller référent, qui ne m’a pas radiée (comme quoi il y a déjà qui veulent changer les choses à l’intérieur, et ça ne suffit pas). Ensuite, il n’y a pas de concours actuellement dans ma région (et je ne le passerai pas de toute façon). Enfin, pour exercer une telle activité, il faut se plier aux directives données, et donc appliquer ce système (donc l’accepter), sinon on se fait tout simplement virer !

      Cette lettre était simplement l’expression d’un ras-le-bol, rien de plus. Choisir la gauche pour changer les choses ? Oui, oui, c’est certain ! Mais pas celle qui se présente aux élections et qui ne fera que perpétuer le formidable système dans lequel on tente de vivre ! Si elle arrivait au pouvoir, elle ne ferait que le perpétuer en changeant quelques détails de façade.