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Chroniques citoyennes (16) Drôles de fraises

Publie le lundi 14 mai 2007 par Open-Publishing

Chroniques citoyennes

Drôles de fraises

Sur les étals du marché, c’est la pleine saison de ce fruit quasi-mythique qui de ses déclinaisons Mara, Gariguette, fraises des bois (il y a plus de 600 variétés !)* enchante nos palais. Nous ne remercierons jamais assez le Sieur Amédée-François Frézier qui au XVIIIeme siècle rapporta du Chili (1714), des plants de fraisiers (variété blanche du Chili, (Fragaria Chiloensis)), et qui l’implanta à Plougastel (en 1740) avec succès au point que la fraise de Plougastel représentait en 1937, le quart de la production française. Avant lui, il fallait s’enfoncer dans les bois pour en goûter. La production s’est déplacée, souvent en fonction des réalités économiques. Notre région en produit d’une qualité nettement supérieure et nos gariguettes ont le goût de notre terroir et trouvent leur place à souhait entre le Chasselas et une terrine de foie gras.

Pourtant, de ce fruit qui n’est en fait qu’une fleur hypertrophiée, notre gourmandise n’en retient le plus souvent que le prix avant de se rabattre, le besoin impérieux se faisant sentir, vers les quantités extraordinaires de fraises importées d’Espagne. Ah ! cette grosse brillante à souhait, peu chère, présente dans les supermarchés bien avant que les locales ne mûrissent… Elle est cultivée sur 5000 hectares et chaque jour 400 tonnes prennent la route pour la France. 25 à 35 % moins chère que notre quercynoise, elle gonfle le porte monnaie des gros importateurs ! Merci pour cette Europe… car ne nous y trompons pas, produite à une telle échelle, l’espagnole engendre des dégâts considérables : d’abord sociaux en employant une main d’œuvre non qualifiée issue d’une immigration taillable et corvéable à merci pour quelques Euros, ensuite écologiques avec l’utilisation de centaines de kilomètres de bâches PVC (4500 tonnes de résidus plastiques), de milliers de tonnes d’insecticides et fongicides et plus encore avec l’assèchement des nappes phréatiques de l’aride Espagne*. Même le Parc Doñana est menacé par 110 hectares sur les 2000 cultivés illégalement (source WWF).

Le productivisme libéral n’en finit pas de produire les fondements de notre perte.

Je persiste à vouloir manger des fraises, malgré le bromure de méthyle, interdit par l’U.E. qui s’y trouve à des concentrations phénoménales. Je persiste et vous ? Ferez-vous comme moi, en essayant d’acheter mes barquettes à mon voisin paysan chaque fois que mon budget me le permettra, en plantant quelques plants pour le plaisir et puis de temps en temps, en glissant dans le panier 500 g de fruits calibrés sous cellophane parce qu’il faut bien essayer de se faire plaisir.

Drôles de fraises tout de même, qui participent à leur insu à une mondialisation forcenée dont nous nous rendons aussi coupable par défaut parfois, par nécessité trop souvent. Le Sieur Frézier n’en demandait pas tant !

http://www.pommiers.com/fraise/fraisier.htm
voir l’excellent film « We feed the World »

Démocrite