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Cisjordanie : l’Europe paie cher son soutien aux Palestiniens

par Christian Makarian

Publie le mardi 15 mai 2012 par Christian Makarian - Open-Publishing

En Cisjordanie, plus de 60 infrastructures payées par les contribuables européens ont été anéanties par Israël en 2011, et 110 autres sont menacées de disparition.

Pendant que l’Europe se débat pour répondre aux lourds défis de la crise des dettes souveraines et pour défendre l’euro, son rôle international décroît. Certains de ses investissements effectués à l’étranger se voient gravement menacés. C’est le cas en Cisjordanie, où, en raison d’un contexte très tendu, de nombreuses structures financées par l’Union et par plusieurs de ses pays membres ont fait l’objet de destructions ou se trouvent sérieusement compromises. Plus de 60 infrastructures payées par les contribuables européens ont été ainsi anéanties en 2011 ; et 110 autres sont menacées de disparition. C’est ce qui ressort d’une série d’informations provenant des Nations unies, de l’Union européenne ou du Displacement Working Group (organe de coordination des différentes organisations humanitaires et de développement en Cisjordanie).

Moins de 1% de la zone C affectée au développement des non Israéliens

La région concernée est la zone C de la Cisjordanie. Cette zone, placée, selon les accords d’Oslo II, sous le contrôle total d’Israël dans l’attente d’un transfert très éventuel vers l’Etat palestinien -plus que jamais illusoire-, représente 62 % de la surface globale du territoire. Moins de 1% de la zone C est affectée au développement des habitants non israéliens. La population palestinienne ne cesse d’y reculer sous l’effet de la progression des colonies israéliennes ; tandis que le nombre des colons israéliens a crû de 5,3 % (hors Jérusalem-Est) durant la dernière décennie, contre 1,8 % pour le reste de la population israélienne.

La liste détaillée des installations détruites est très frappante, car elle comporte rien que de très pacifique et de très innocent : on y trouve un bon nombre de citernes à eau, des abris pour animaux, des établissements agricoles, des habitations et même une route. Le tout financé par sept pays (France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Pologne, Irlande, Espagne et Suède). Quant aux installations qui risquent d’être empêchées de fonctionner ou d’être bientôt démolies, elles comprennent un système électrique destiné à un village et une crèche, des panneaux solaires, un puits, un centre médical, des logements, des projets d’assainissement des eaux, et, encore, des citernes et deux routes. Sont touchés les pays précédemment cités, auxquels s’ajoutent l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et la Norvège. Au total, sur dix années, de 2001 à 2011, la Commission européenne estime que les pertes causées par la destruction ou l’endommagement des projets dépassent 49 millions d’euros (en incluant Gaza). De cette somme, l’Union européenne elle-même a financé 29 millions d’euros. D’une manière générale, 25% des infrastructures palestiniennes détruites en 2011 relèvent de dons extérieurs ou internationaux.

Arguties administratives

On voit très mal en quoi ces structures menacent la sécurité d’Israël. Le fait est que la plupart de ces dommages sont survenus lors de la seconde Intifada (2000-2003), dans des circonstances où la préoccupation sécuritaire avait atteint un point paroxystique. Ce qui n’empêche pas les autorités israéliennes de poursuivre aujourd’hui des démantèlements aussi incompréhensibles qu’injustifiables en usant de motifs stratégiques ou d’arguties administratives. Pour exemple, le 23 avril 2012, il y a moins d’un mois, deux citernes construites grâce à des fonds français ont été démolies à Halhul, près d’Hébron. Ce n’était certes pas un investissement majeur, mais il avait pour but d’aider modestement deux ou trois familles palestiniennes à préserver l’irrigation de leur exploitation agricole. Elles devront s’en priver et changer de plan, sinon de lieu de vie. De tels actes, toujours limités dans leur étendue mais très significatifs quant à leur impact, sont révélateurs d’une stratégie fondée sur une obstination territoriale - que l’Europe ne pourra jamais accepter. C’est pourquoi elle est autant visée.

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/cisjordanie-l-europe-paie-cher-son-soutien-aux-palestiniens_1114737.html