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Claire-Hélène a mis un terme à son calvaire

Publie le jeudi 27 janvier 2011 par Open-Publishing
11 commentaires

« Monsieur le proviseur,

Les conditions dans lesquelles nous sommes contraints d’exercer notre métier ne sont pas tolérables. La semaine dernière, deux collègues ont été agressés physiquement par des élèves, élèves qui n’en n’étaient pas à leur premier coup d’éclat et dont la surenchère dans l’agressivité et la violence à l’égard des adultes n’était que prévisible. Ces incidents, très graves, ne sont que la conséquence du climat délétère qui règne dans l’établissement : incivilités, refus d’obéissance, insultes, violences à l’égard des adultes se sont banalisés au point que les élèves, se sentant dans une situation de toute puissance, n’ont même plus conscience de la gravité de leurs actes. Un tel désordre règne dans les escaliers et les couloirs, qu’il nous est impossible de circuler sans être bousculés, raillés, invectivés, les bagarres y éclatent plus que quotidiennement. Cette situation de violence tant physique que verbale ne devrait pas être.

Pour ma part, je refuse de continuer à être traitée comme une chienne par des enfants à qui j’ai eu le malheur de demander de retirer leur casquette, d’aller se ranger dans la cour ou de me donner leur carnet de liaison. Je refuse de continuer à assister à la complaisance avec laquelle certains adultes confortent ces enfants dans leurs dérives au lieu de tout faire pour les aider à en sortir. Je refuse de continuer à assister, impuissante, à ce gâchis généralisé, nos élèves les plus fragiles étant les premières victimes de notre incapacité, voire notre réticence, à instaurer les conditions nécessaires à leur apprentissage. Je refuse de continuer à participer de ce spectacle affligeant que nous offrons quotidiennement à nos élèves et qui me fait honte.

Qu’en est-il de l’application de l’article 11 de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires - "La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté." - alors que quotidiennement notre intégrité morale et physique est menacée quand elle n’est pas bafouée ?

Qu’en est-il de nos devoirs envers nos élèves, de notre mission éducative à partir du moment où nous nous révélons incapables de simplement manifester notre volonté de les voir appliquer le règlement intérieur, de les protéger d’eux-mêmes et des autres, c’est-à-dire de leur offrir une scolarité digne de ce nom ? Quel avenir leur préparons-nous ?

J’aime mon métier par-dessus tout mais il ne m’est plus possible, dans ces conditions, de continuer de l’exercer et j’ai perdu tout espoir que cela ne change. C’est pourquoi, Monsieur le Proviseur, j’ai l’immense regret de vous présenter ma démission.

Claire-Hélène »

Messages

  • On trouve ici des choses intéressantes sur les conditions de travail des enseignants
    http://www.neoprofs.org/t21051p780-liste-des-incivilites-au-quotidien#656593

    Je ne pense pas que le terme "incivilités" soit le meilleur

    • "Comme d’habitude", il doit s’agir d’un établissement jouxtant un quartier populaire ou bien d’un LEP.
      Effectivement, il est intolérable de laisser maltraiter un enseignant, et je me poserai la question sur la situation de cette enseignante parmi ses collègues : pour en arriver là, il faut se sentir bien seule.
      Il ne m’est pas difficile d’imaginer combien il est difficile de s’adresser à des enfants qui n’ont que peu connu le respect à l’égard de leurs parents comme d’ eux-mêmes. Et de parler "d’incivilités" , montre sans que je m"étende sur le sujet, le décalage voire le fossé creusé par 30ans de culture intensive libérale, entre deux éducations celle reçue par l’enseignant et celle reçue par l’élève, la différence qui explose entre deux mondes de plus en plus étrangers.
      Cette personne reçoit en pleine figure une forme d’explosion résultant de l’apartheid social avec lesquelles nous n’avons pas fini.
      La violence que subit cette enseignante est comparable à celle que nous subissons tous avec comme corollaire la construction de cités sécurisées pour classes aisées à l’américaine en France.
      D’un côté le monde idéal où tout est soft et prévisible et de l’autre, l’enfer des barbares.
      Je ne peux que déplorer tout en soutenant les luttes des enseignants comme je peux, mais j’ai le droit de dire qu’au delà de la violence de nombreux jeunes, il faut pouvoir décrypter une souffrance au moins équivalente à celle de Claire-Hélène.
      A travers ce message j’exprime moi aussi une forme de souffrance comme une révolte contre l’abandon des miens, contre une société qui ne leur laisse aucune chance ni à leurs enfants.
      Il faudrait que Claire-Hélène soit plus soutenue par ses pairs, cette violence doit être combattue par tous, et surtout aller au delà des apparences.

  • N’allez pas imaginer que cela puisse changer quoi que ce soit hormis votre qualité de vie. Si on en est là en 2011, c’est que tout cela est voulu et délibéré. L’école étant l’antichambre du pole emploi, on comprend tout l’interêt de faire durer les chères études et ce à n’importe quel prix. Le ministère dispose des chiffres et des prospectives qui lui prouvent le merdier ambiant. Si nous commençons à le voir, dites vous que les "élites" sont au courant depuis des lustres et que tout est fait pour établir un plafond de verre entre les lycées des "élites" et les autres. N’attendez rien de bon de ce gouvernement ni d’aucun autre. Jetez un oeil vers les USA et vous verrez ce qui nous attend ; les portiques aux entrées de collèges nous arriveront sans trop tarder.

    • Rocard le "social" libéral, ministre dans les années 90 avait institué le RMI (existant déjà en Europe du Nord) et parlé de "traitement social du chômage". Effectivement tout était prévu. Sauf la modification du sens de la mission des enseignants entretenus sciemment, dans l’illusion de l’Egalité républicaine. Encore un motif de rancoeur contre l’oligarchie UMP- PS, ce dernier reposant en grande partie sur le vote des profs.
      On ne parle pas d’incivilité à des gens qui ne sont ni considérés ni traités en citoyens...

    • Les problèmes ne viennent pas nécessairement que des élèves.
      Ils viennent aussi de la hiérarchie (qui peut nous faire des trucs encore plus dégueulasse) , parfois des collègues, et des conditions de travail plus que déplorables concernant nottament l’enseignement artistiques mais pas que.
      Les vacataires, on est mal traité !
      De plus l’enseignement artistiques recquiert de toutes autres conditions que celles imposées actuellement.

    • J’ajoute également que les conditions ne permettent pas nécessairement un vrai dialogue avec les ados.
      C’est l’usine complètement, et c’est malsain tout ça.

    • On peut bien sûr comprendre Claire-Hélène... mais il faut penser aussi au rôle que l’on fait jouer aux enseignants. A quoi sert l’école dans une société capitaliste industrielle ? A sélectionner, éliminer, formater, préparer les futurs cadres, les futurs ouvriers, les futurs laissés pour compte. Et pensons aux milliers d’enfants qui souffrent à l’école, parce qu’elle est sélective, qu’elle ne tient pas compte de la culture d’origine des parents et des familles (souvent qualifiée de non-culture), et qui sont en échec. Pensons à ces enfants qui souffrent, encaissent ou se rebellent, parce que l’école impose une soumission à un ordre des choses inique et brutal. Relisons l’enfant et le bachelier, de Vallès. Relisons Ivan Illich. Interrogeons également les enfants de nos banlieues. Ne mythifions pas l’école.
      J.Pierre

    • Ah ça !
      C’est le moins qu’on puisse dire.
      Moi je voudrais pouvoir dispenser un enseignement artistiques de qualité en pro comme en général.
      Mais bon un prof de collège enseignement artistique peut pas faire grand chose avec jusqu’à à 18 heures de cours chaque classe de 25 en moyenne une fois par semaine.
      Et les conditions il FAUT qu’elles changent !
      ET MAINTENNT !

    • L’école actuelle mérite certainement pas d’être mythifiée !
      Au contraire !

  • Tu sais on est tous soumis à la "volonté " de petits chefs ,lâches ,menteurs et j’en passe !!!!!!!!!! Il ne faut surtout pas ,se croire dégradée par ces cons , mais il faudrait pouvoir lutter avec l’aide de la société , tout d’abord un point : la féminisation du métier et comme par hasard une "tolérance" depuis une quinzaine d"année pour les remarques sexistes ? C’est nul ,bien que cela ne me choque plus ,je peux être grossière comme un charretier , mais personne (moi comprise ) n’en sort grandi . Non , tu n’est pas un chien ,ta souffrance ,elle ,vient des ordres et des contres ordres ,fait pour désorienter les élèves et les enseignants ! Une seule solution : FOUTRE DEHORS CE GOUVERNEMENT de néos-cons-libéraux ,car leur seule valeur c’est : LE POGNON . Courage ,marie.lina