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Clearstream : course entre les journaux, au détriment de la Justice ?

Publie le mardi 23 mai 2006 par Open-Publishing

CF TAGEBLATT (quot. lux)

Les révélations dans la presse sur l’affaire Clearstream se succèdent depuis fin avril, à un rythme plus effréné que celui de la justice, affectant le travail des juges, affirment des magistrats, tout en admettant avoir besoin des journalistes dans les affaires sensibles.
 »Le questionnement du journaliste précède, au lieu de suivre, celui du juge. On marche sur la tête », se désole le juge d’instruction antiterroriste Gilbert Thiel.

 »Les gens qui savent en sortant de votre cabinet que cela sera le lendemain dans la presse, ne vont pas nécessairement vous dire la vérité », explique un autre juge, membre de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI).

Lundi le général Philippe Rondot, témoin clef de l’affaire, a refusé de répondre aux questions des juges d’instruction Jean-Marie d’Huy et Henri Pons, notamment car des extraits, selon lui déformés, de sa seule et longue audition le 28 mars étaient parus dans Le Monde.

C’est ce quotidien qui a publié, en premier, le 28 avril, ces extraits et une grande partie de ses notes sur cette affaire. Lundi encore, Le Monde a publié de nouvelles notes du général.

Depuis le début de l’affaire, la publication d’éléments du dossier et les déclarations aux journaux de ses principaux acteurs se sont multipliés. Ainsi des propos de Jean-Louis Gergorin, vice-président en disponibilité d’EADS, qui a reconnu avoir envoyé à la justice des courriers anonymes contenant des listes de comptes Clearstream, ont été publiés la semaine dernière par Le Parisien, Le Nouvel Observateur, puis Libération, Le Figaro et l’Est Républicain.

Ces notes et les déclarations ont pu être lues par chacun des acteurs du dossier, les aidant notamment à préparer leur défense et perturbant par ricochet le travail des juges.

 »Des informations dans la presse peuvent entraîner la fuite de personnes, ou amener des endroits qui doivent être perquisitionnés à être vidés », explique encore un magistrat sous couvert de l’anonymat.

 »On en arrive à faire des vérifications sur des éléments qui sont dans la presse. On est obligé de tenir compte de ce qui se passe », explique une autre juge membre de l’AFMI, craignant que ses deux collègues soient ainsi »déviés de leur stratégie ».

 »Je ne pense pas que l’on nuise à la manifestation de la vérité », se défend cependant Gerard Davet, chef du service des informations générales au Monde, ajoutant au contraire que son quotidien tente de »faire avancer le débat ».

 »On montre à nos lecteurs, en se fondant sur le dossier et les déclarations du général Rondot, que tous les coups semblent permis au gouvernement », affirme-t-il.

Deux des magistrats interrogés avouent que les juges d’instruction sont gênés par la presse, sauf lorsqu’ils décident eux-mêmes de laisser filtrer des éléments de leur dossier. Ils peuvent y trouver un intérêt, en particulier dans les affaires »politiques », à condition de décider du »moment » de la médiatisation.

 »Nous (les juges) sommes un peu schizophrènes : on dit à la presse qu’il faut respecter le secret de l’instruction et en même temps qu’il faut le violer (...). C’est en effet utile lorsqu’il y a des blocages institutionnels » face au pouvoir politique.

De son côté le juge Thiel évoque une »relation » entre juges et journalistes »qui sent le souffre », estimant qu’au final c’est »toujours l’institution judiciaire qui est lésée ».

 »S’il y avait un pouvoir judiciaire fort, nous n’aurions pas besoin d’en arriver là », conclut un des magistrats interrogés.

RELIRE LE TABLEAU DE LA SOLUTION B SUR LA PRESSE ET L’EDITION !
Qui tient qui ????

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