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Clémentine Autain, Portrait (bis)

Publie le mercredi 22 novembre 2006 par Open-Publishing
3 commentaires

Le mercredi 15 novembre dernier, après avoir lu le livre au titre cité plus haut et pris connaissance d’un papier ambigu paru dans L’Huma, j’avais proposé ma lecture de l’ouvrage cité. J’y reviens en l’agrémentant de quelques nouvelles remarques.

Les Éditions Danger Public ont publié - dans leur collection Vies rebelles - « Clémentine Autain, Portrait ». Ce livre n’est pas une autobiographie. Ainsi que l’a expliqué l’auteure - Anne Delabre - dans le journal 20 minutes, « il ne s’agit en aucun cas d’une commande de Clémentine Autain qui était même très réticente au début. Les éditions Danger Public souhaitaient faire quelque chose sur elle car elle est l’une des figures montantes de la gauche ».

J’ai appris depuis la démarche de l’éditeur : à ce jour, mis à part quelques commandes, une biographie porte toujours sur un personnage disparu ou plutôt en fin de carrière ; l’éditeur souhaite publier des biographies de personnalités qui sont à l’aube de leur vie d’adulte en situation de responsabilité.

Le vrai travail de journaliste mené par Anne Delabre fait voler en éclat l’image de petite bourge ou de bo-bo que certains tentent de coller à Clémentine Autain. Il se situe à cent lieues au-dessus du portrait au vitriol publié par Le Monde le 5 octobre. On y découvre une jeune femme engagée, bosseuse, viscéralement progressiste. Belle occasion de faire connaissance avec l’une des figures de la nouvelle génération politique. Et de comprendre comment l’on passe du militantisme associatif ou mouvementiste à la prise de responsabilités et donc de risques politiques.

Fait rare, la personnalité "biographiée" qui a atteint lors de la bataille contre le TCE une stature nationale, y révèle le viol dont elle a été victime à l’age de 22 ans. Quelques organes de presse s’en sont fait l’écho ; moins nombreux qu’on aurait pu le penser et c’est certainement la preuve que ce sujet reste un tabou de notre société. Mais, cette révélation - qui tient en un paragraphe dans le livre - ne relève pas du « coming out » : qu’une personnalité révèle son homosexualité à l’instar de Bertrand Delanoë en 1998 n’explique en rien son engagement politique même si le geste est utile au combat contre l’homo phobie. Le témoignage de Clémentine porte sur les conséquences de ce crime subi en termes d’engagement, de comportement, d’exigence envers elle-même. Le livre ne nous fait pas pénétrer dans sa vie intime mais Clémentine y explicite les ressorts intimes de son engagement.

Et, à partir de ces ressorts intimes, on ne doutera pas que l’idée de « faire carrière » lui fait horreur pour reprendre l’expression qu’elle avait maladroitement utilisée à propos de Ségolène Royal ou Dominique Voynet.

On y comprend mieux l’affirmation de Clémentine Autain selon laquelle toutes les causes ne sont pas solubles dans la lutte de classe mais s’articulent autour des concepts de domination et d’exploitation, et qu’elles peuvent alors s’enrichir mutuellement. Les militants syndicaux, ceux du mouvement associatif, les mutualistes, les militants de l’économie sociale y verront validée l’idée que leur combat n’est pas secondaire ou simplement altruiste. A défaut d’y trouver une hiérarchie des engagements, les militants qui - à l’opposé de Marx lui-même - se réclament du marxisme pourront faire retour sur la place de la lutte de classe dans le combat contre toutes les formes d’exploitation et de domination. Elle est éminente mais pas prééminente au sens où elle rendrait subalterne toutes les autres luttes, tous les autres engagements.

« Il ne s’agit pas pour moi d’un engagement de circonstance. Parce que nos sociétés allient l’exploitation et la domination, nous devons mêler les utopies, les cultures, les apports du mouvement ouvrier, du féminisme, de l’écologie politique, de l’anti-racisme, de l’anti-consumérisme. Là réside la cohérence de notre choix de société, qui permettra de battre la droite et l’extrême droite sur le fond, dans les urnes et dans la durée » écrit Clémentine dans sa déclaration adressée aux collectifs anti-libéraux.

Face à toutes les candidatures féminines acquises ou en préparation, la candidature d’une féministe (ce serait la première comme Dumont fut le premier candidat écolo) serait salutaire et ferait bénéficier tout le mouvement social de ce que le féminisme nous a appris et peut nous apprendre sur le rapport au pouvoir.

Clémentine Autain n’est issue d’aucun moule institutionnel. Cela semble difficile à admettre par les dépositaires de différentes traditions. Mais elle est en phase avec les mouvements émancipateurs de ce nouveau siècle et cela ne peut que donner confiance. Pour reprendre l’expression d’Anne Delabre, elle n’est pas de la génération à venir mais de la génération d’aujourd’hui.

gib
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CLEMENTINE AUTAIN, Portrait

Auteur : Anne Delabre

Editions Danger Public
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- l’interview dans Elle (Pourquoi je suis féministe)
 http://clementineautain.fr/?p=103 et de nombreux commentaires sont disponibles sur le blog de Clémentine Autain

- une rencontre avec Clémentine Autain et Anne Delabre aura lieu le 8 décembre à 19h à la librairie Violette & Co, 102 rue de Charonne à Paris, Métro : Charonne ou Faidherbe-Chaligny
 http://www.violetteandco.com/librairie

- Anne Delabre a répondu aux questions de l’édition électronique de 20 minutes :
 http://www.20minutes.fr/articles/20...

- Clémentine participe à de nombreuses initiatives dont lez rendez-vous sont mis à disposition sur son blog qui a changé d’adresse ce week-end :
 www.clementineautain.fr

- Pour mémoire, l’article de L’Huma :
 http://www.humanite.presse.fr/journ...

Messages

  • Je n’ai pas lu le livre, mais je l’ai vue sur TF1 dimanche soir. Franchement remarquable sur le sujet du viol dont elle a été victime. C’est pas tous les jours qu’à une heure de grande écoute on a droit à un point de vue humain mais essentiellement politique et sans voyeurisme.

    Je crois qu’il fallait beaucoup de courage pour s’exposer sur ce sujet devant des millions de gens et surtout dans un monde politique encore majoritairement macho (y compris à la "gauche de la gauche"). Merci à Clémentine Autain d’avoir pris ce risque et surtout d’avoir réussi ce qu’elle voulu faire.

    Ceci me fait penser que ça montre qu’on peut s’adresser à des millions de personnes dans des médias de masse sur un sujet difficile en parlant avec des mots justes avec considération pour les gens qui écoutent (je veux dire sans les prendre pour des c...)

    Je vais essayer de trouver ce livre

    Lynn An