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Colloque syndicat de la magistrature : le sexe et ses juges, ordre moral, contrôle social

Publie le dimanche 14 novembre 2004 par Open-Publishing

Le Syndicat de la Magistrature a le plaisir de vous inviter au colloque qu’il organise dans le cadre de son 38ème congrés, au Palais de justice de Paris le 26 et 27 novembre 2004, autour du thème : Le sexe et ses juges/ ordre moral, contrôle social.

Inscriptions par mail : syndicat.magistrature@wanadoo.fr
Renseignements : 01 48 05 47 88

Bien cordialement
Aïda Chouk
présidente du syndicat de la magistrature

Colloque 26-27 novembre 2004, Palais de justice de Paris

Le sexe et ses juges
ordre moral, contrôle social

Vendredi 26 novembre, après midi, salle des criées du Tribunal de Grande Instance de Paris

14 h - Le sexe et ses juges en démocratie compassionnelle
(Modération : Eric Alt, magistrat, vice-président du Syndicat de la Magistrature)

La victime, sujet de droit ou objet du politique ? Le procès peut-il être une thérapie ? (Xavier Lameyre, magistrat, Daniel Zagury, expert)

Le procès, espace juridique ou compassionnel ? (Dominique Coujard, magistrat à Paris, Marianne Thomas, magistrate à Bruxelles)

16 h 30 - L’interventionnisme sexuel de l’Etat
(Modération : Gilles Sainati, magistrat, vice-président du Syndicat de la Magistrature)

Prostitution, pornographie, expression publique : l’hypocrisie est-elle soluble dans la répression ? (Anne Souyris, journaliste, présidente de Femmes publiques, Ruwen Ogien, philosophe, Alain Vogelweith, magistrat)

Harcèlement sexuel : la lutte des classes réduite au harcèlement ? (Tienot Grumbach, avocat, Gérard Filoche, inspecteur du travail)

Mariage : le mariage homosexuel, aporie ou apothéose de la lutte contre les discriminations ? (Caroline Mécary, avocate, Jean de Maillard, magistrat, Daniel Borillo, universitaire)

Samedi 27 novembre, Première chambre de la Cour d’appel de Paris

10 h - Le sexe et ses juges : ordre moral, contrôle social ?
(Modération : Eric Alt et Gilles Sainati)

Frédéric Gros, philosophe : Le sexe entre abus de pouvoir et abus d’obéissance ?
Agnès Tricoire, avocate : Le sexe entre sécurité et liberté ?
Marcela Iacub, juriste et chercheur au CNRS : à quoi sert l’ordre sexuel ?
Catherine Breillat, cinéaste : peut-on modifier la représentation du sexe ?

Colloque, 26-27 novembre 2004, Palais de justice de Paris

Le sexe et ses juges
ordre moral, contrôle social

La dépénalisation de la contraception, de l’avortement, la qualification criminelle du viol marquaient, à la fin des années 1970, l’entrée du droit pénal dans un âge de modernité sexuelle. Dans le même temps, la victime de violences sexuelles prenait sa place dans le procès pénal.

Après la modernité sexuelle, doit-il y avoir une postmodernité hyperrépressive ? Des évolutions législatives récentes en seraient les indices : élargissement du délit de harcèlement sexuel et mise à la charge du défendeur de la preuve de son innocence ; allongement à vingt ans à compter de la majorité de la prescription des crimes et de certains délits commis contre des mineurs ; compétence universelle des juridictions nationales en matière d’infractions sexuelles ; incrimination de la sollicitation, pour des rapports sexuels rémunérés, de personnes âgées de 15 à 18 ans ; création d’un délit de racolage passif, incrimination de la zoophilie dans une loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité... Cette même loi du 9 mars 2004, dite “Perben II” a également prévu la création d’un fichier automatisé des infractions sexuelles et l’obligation pour le condamné à se présenter pendant trente ans, tous les six mois, à un service de police : gouvernement et législateur placent désormais dans le suivi policier une confiance qu’ils semblent refuser au suivi social et psychologique -ne serait-ce qu’en leur refusant les moyens matériels nécessaires à un accomplissement convenable de leurs missions. Aujourd’hui, la moitié des personnes condamnées par les cours d’assises et un détenu sur cinq, le sont pour une infraction sexuelle.

Par ailleurs, la victime, légitimement restaurée dans ses droits et son rôle de partie au procès pénal, tend à être instrumentalisée. L’activisme associatif et un certain populisme s’en servent pour légitimer une répression accrue et pour substituer à la justice une démocratie compassionnelle.

Dans ce contexte, le procès de “l’affaire d’Outreau” ne serait pas une aberration isolée, mais plutôt la révélation flamboyante d’un emballement répressif, la plus médiatique des catastrophes judiciaires qui s’annonçaient. Outreau serait avant tout emblématique d’une idéologie répressive, qui aurait refait du sexe un objet de démagogie politique et de contrôle social. Ce serait enfin le symptôme d’une surpénalisation qui emporte tout sur son passage, jusqu’aux principes qui fondent l’Etat de droit. La démagogie répressive devient pornographie sécuritaire. Elle méprise les équilibres de la procédure judiciaire et s’accommode de simplismes : “il n’y a pas de fumée sans feu”, “la vérité sort de la bouche des enfants”... Outreau rappellerait cruellement que, sans respect des principes fondamentaux, tout citoyen qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment peut voir sa vie brisée.

Peut-on imaginer, après une telle dérive, de remettre chacun -législateur, gouvernement, juges, experts, victimes... - à sa place ? Le sort des victimes est-il vraiment adouci par leur participation au procès et la désignation du coupable au point de justifier le jugement des fous ? Est-il seulement amélioré par l’administration de peines sévères au coupable ? En matière d’inceste, ces peines peuvent également les atteindre, et l’essentiel ne serait-il pas la déchéance de l’autorité des parents indignes ?

Ce trouble du droit et de la justice ne concerne pas que la matière pénale. L’incrimination du racolage passif économise la difficulté d’une réflexion sur le statut du travail sexuel, pourtant reconnu par le droit fiscal. La répression dissimule surtout l’hypocrisie. L’incrimination élargie du harcèlement peut être analysée comme une contrepartie de l’affaiblissement des médiations syndicales et sociales. La question de la censure est à nouveau posée pour certaines oeuvres de cinéma ou de littérature.

Le débat qui a surgi sur le mariage homosexuel peut être considéré comme un aboutissement ultime -ou extrême- d’une lutte contre les discriminations qui a déjà trouvé une forte traduction pénale. A la différence du débat sur le PACS, il contient à la fois la revendication d’un nouvel ordre de filiation et un réinvestissement singulier de l’institution du mariage. Face à cette revendication, la réponse du pouvoir eut aussi sa traduction répressive. Mais, pour une fois, elle ne fut, par la suspension d’un maire provocateur, que parfaitement ridicule.

Ce colloque, précédent le congrès annuel du Syndicat de la Magistrature, questionnera l’ensemble de ces sujets. La chasse aux délinquants sexuels inaugure-t-elle un nouveau panoptisme punitif ? Le droit et le juge pourraient-ils, sous prétexte d’imposer un droit chemin en matière de sexualité, faire fausse route ?