Accueil > Comment sortir du nucléaire en 3 à 4 ans

Comment sortir du nucléaire en 3 à 4 ans

Publie le mardi 12 décembre 2006 par Open-Publishing
10 commentaires

La France dispose d’équipements suffisants pour mettre à l’arrêt presque 70% de ses réacteurs nucléaires : Arrêt des exportations d’électricité*, arrêt de l’autoconsommation nucléaire**, utilisation maximum des capacités hydroélectriques et des centrales thermiques classiques existantes (fioul, charbon, gaz) permettraient de sortir très rapidement du nucléaire.

Pourquoi sortir ?

Il est nécessaire de préciser la raison fondamentale d’un engagement antinucléaire. Il ne suffit pas de mentionner les “risques d’accidents majeurs” (comme Tchernobyl) en introduction. Il est nécessaire d’expliquer ce que cela signifie pour notre santé, pour notre société, pour nos descendants. C’est la gravité des conséquences de ces accidents majeurs qui est déterminante pour le choix d’un scénario de sortie.

Quand on examine les textes officiels des commissions internationales, européennes et les préoccupations administratives en France, on se rend compte assez rapidement de l’ampleur possible des désastres nucléaires. Tous ces experts se penchent sur le problème : comment gérer ces catastrophes au mieux des intérêts économiques ? Ce ne sont pas les conséquences sanitaires qui les préoccupent mais le désastre économique et les réactions populaires. Ils se demandent comment anesthésier l’opinion publique qui risque fort de déclencher des “ turbulences sociales ” (rendant la gestion plus difficile) et comment maîtriser ces turbulences.

On est loin des risques industriels classiques qui finalement se gèrent assez facilement par nos technocrates. Il est paradoxal de constater que ceux qui redoutent le plus ces “ risques nucléaires majeurs ” se trouvent pour la plupart chez les “ responsables ” et très peu parmi les antinucléaires à part quelques individus taxés assez rapidement de paranoïaques.

Si l’accident nucléaire est du même type qu’un accident industriel classique, il est clair qu’il faut y porter remède mais il n’y a pas lieu de s’affoler et on a du temps pour trouver la meilleure solution. Par contre si l’ampleur des catastrophes possibles est hors mesure, alors il est suicidaire de chipoter sur les moyens de s’en sortir : on est dans une urgence extrême.

Les déchets de l’industrie nucléaire posent un autre problème, celui des générations futures. Il est nécessaire à ce sujet d’abandonner quelques fantasmes bien réconfortants pour nous qui avons accepté sans grande résistance cette énergie productrice de ces déchets redoutables pendant des millénaires. Les déchets que nous avons produits sont là et aucune voie n’est en vue pour les éliminer, les anéantir. Il nous faut admettre que nous avons porté atteinte à nos descendants, que nous les chargeons d’un fardeau qu’ils n’ont pas voulu. Du point de vue sanitaire, la recherche d’un stockage à moindre mal est bien sûr absolument nécessaire, mais il y aura du mal, des “ détriments ” comme disent les experts. L’arrêt de la production de ces déchets semble alors une obligation morale. Cet arrêt implique l’arrêt de la production électronucléaire. Retarder cet arrêt pour satisfaire à des critères secondaires c’est accepter de menacer nos descendants par encore plus de déchets.

Il paraît indispensable de s’interroger pour savoir comment nous avons été amenés dans cette impasse immorale. Qui nous y a conduits ? Quels arguments avons-nous acceptés pour laisser les décideurs sociaux tranquilles ? Ceci serait très utile car de nouvelles menaces pointent, développées par le même type de décideurs, appuyées par les mêmes corps intermédiaires qui nous ont bernés avec le nucléaire.

Enfin, appuyer notre engagement antinucléaire par des arguments économiques, entrer en polémique avec EDF et ses nucléocrates sur le coût du kilowattheure ou sur le coût de l’uranium ne peut qu’affadir l’argument fondamental de la catastrophe nucléaire.

Quand sortir ?

L’importance des conséquences d’accidents graves possibles implique l’urgence de la sortie du nucléaire. Le choix des moyens pour cette sortie et les délais correspondants doivent être confrontés à l’ampleur des conséquences de l’accident. Prendre en compte la nécessité pour EDFd’amortir les investissements considérables effectués pour développer son parc nucléaire et n’exiger la mise à l’arrêt des réacteurs qu’après les 25 ou 30 ans nécessaires c’est considérer que ce serait un gaspillage financier de ne pas laisser les centrales nucléaires rembourser leurs dettes. En somme ce serait un gaspillage non justifié par les conséquences sanitaires d’un accident nucléaire sur la population. Et puis dans cette perspective de nécessité économique pourrait-on reprocher à EDF de faire fonctionner ses réacteurs au delà de ces 25-30 ans (EDF veut faire fonctionner ses réacteurs 40 ans, voire plus) si cela s’avérait techniquement possible ? L’électricité serait alors très bon marché.

Certains partisans d’une telle sortie différée précisent qu’en cas d’accident grave une sortie rapide serait possible. La logique de cette conception est aberrante car elle conduirait à souhaiter un accident rapidement pour sortir de l’impasse nucléaire ! Là encore c’est négliger les effets des accidents nucléaires, c’est les considérer comme tout à fait acceptables.

Comment sortir ?

En gros deux possibilités : utiliser ce qui est disponible et opérationnel ou bien attendre d’avoir des énergies propres en abondance.

Quelles sont les possibilités actuelles ? En dehors des réacteurs nucléaires et des installations hydrauliques la France possède une capacité de production électrique importante à partir des combustibles fossiles (essentiellement charbon et fioul, pratiquement pas de gaz).

En arrêtant les exportations d’électricité et en tenant compte des économies réalisables si l’on supprime l’auto-consommation nucléaire, on constate que l’utilisation à plein rendement des installations thermiques classiques à charbon et fioul conjointement à l’hydraulique permettrait d’arrêter 70% du parc nucléaire français. Le recours aux combustibles fossiles n’est certes pas une solution idéale mais c’est la seule disponible à très court terme. EDF a mis au point, pour l’exportation, des centrales à “ charbon propre ” qui rejettent peu de polluants, (le gaz carbonique qui contribue à l’effet de serre est bien sûr inévitable, mais cette surproduction est négligeable par rapport aux autres composantes, entre autres les transports et l’agriculture). Les installations françaises ne sont pas toutes équipées des derniers perfectionnements. Cependant il faut comparer la pollution qui résulterait de leur fonctionnement intensif avec la pollution du cycle nucléaire de la mine d’uranium au stockage des déchets. Il faut surtout faire la comparaison avec les conséquences sanitaires des catastrophes nucléaires possibles. Bien sûr si l’on considère ces conséquences comme anodines, alors charbon et fioul ne sont guère acceptables. Dans ce cas le nucléaire se trouverait parfaitement justifié et l’existence d’une mouvance antinucléaire devient incompréhensible.

L’utilisation de turbines à gaz serait bien sûr plus satisfaisante mais hélas il n’y en a guère en France. C’est là, probablement, la voie possible la plus rapide pour remplacer les 30% des réacteurs que l’on ne peut pas supprimer par le recours à nos centrales thermiques à charbon et à fioul.

Quand certains (Les Verts par exemple) préconisent de remplacer le nucléaire par des économies d’énergie et les énergies renouvelables (vent, soleil), ils restent très vagues sur les estimations quantitatives en kilowattheures. Seul semble important le coût, qui, grâce aux progrès de la technologie, devrait diminuer. La pensée unique économique règne en maîtresse et non l’aptitude de ces technologies à remplacer les gigawatts nucléaires. Même en escomptant un très grand gain d’efficacité de ces installations d’énergies renouvelables on serait encore très loin du bilan de l’électricité consommée en France et quelques économies d’énergie à faire d’urgence ne changent guère le bilan. C’est une réduction considérable de notre consommation d’électricité qui serait nécessaire.

Insistons sur le fait que bien sûr nous ne sommes pas opposés à l’utilisation des énergies renouvelables partout où c’est possible. Ce que nous contestons c’est l’affirmation qu’elles peuvent être une alternative à un remplacement rapide du nucléaire. De même des économies d’énergie ne peuvent qu’être bénéfiques. Mais pour sortir rapidement du risque nucléaire nous n’avons guère le choix et la solution existe : il faut recourir aux énergies fossiles. Les nucléocrates d’EDF ont bien perçu cette menace car ils mettent en place une politique de démantèlement systématique des installations thermiques au charbon et au fioul et cela dans l’indifférence générale. Si cette politique aboutit, la sortie rapide du nucléaire deviendra techniquement problématique et il faudra compter parmi les responsables de cette situation tous ceux, parmi les écologistes, qui diabolisent le charbon.

www.infonucleaire.net

* Les exportations d’électricité, en données de 1995 (non actualisée) :
70 TWh exportés correspondent à la production annuelle d’environ : 12 réacteurs de 900 MWe ou 9 réacteurs de 1300 MWe
** L’enrichissement de l’uranium, Eurodif utilise 3 réacteurs du Tricastin à pleine puissance.
Soit un total enrichissement + exportations qui donne un arrêt immédiat possible de 12 à 15 réacteurs nucléaires !!!!!

Lire :

"Sortir de l’impasse nucléaire avant la catastrophe, c’est possible" de Roger et Bella Belbéoch (1997).
- en html sur : ICI
- en format PDF ICI

Et la "Charte pour l’arrêt immédiat du nucléaire (civil et militaire)"

Messages

  • Toujours cette manie de faire peur avec le nucléaire.
    Mais peut-être ne savez vous pas :
    - qu’il y a de fait un moratoire sur le nucléaire, en France, depuis les années 90
    - que cela conduit l’EDF à remettre en route la vieille centrale à fioul de Porcheville
    - que cela va amener à prolonger la vie des centrales actuelles, dépassées sur le plan de la sûreté (de ce point de vue l’EPR présente un réel progrès), de 20 ans
    - que la production pétrolière mondiale approche de son pic de Hubbert (peak oil) et donc que ses possibilités de production énergétique vont décroîtrent inexorablement
    Avec un certain décalage, il en est de même pour le gaz
    - que l’exploitation du charbon, certes de loin la plus grande réserve fossile, outre sa pollution extrême et ses émissions de GES, fait énormément de morts dans le monde
    - que lorsque l’on prend des décisions absurdes comme l’arrêt, puis le sabotage, de Super Phénix, alors que ce type de réacteurs représente un avenir que l’on sera bien content d’exploiter lors de la pénurie qui se profile pour les années 2020, cela coûte très cher à la France. Avec le démantèlement, on atteindra sans doute les 20 milliards d’euros actualisés
    - que les allemands on voté la sortie du nucléaire depuis longtemps, mais que malgré des importations d’électriité à l’ouest et à l’est, ils sont incapables d’arrêter une centrale nucléaire
    - que le développement massif du ferroutage et la généralisation des transports électriques dans les villes demande plusieurs réacteurs nucléaires supplémentaires
    - qu’il faut réduire notre facture énergétique qui pèse lourdement sur notre balance commerciale
     
    Il serait bien évidemment complètement absurde de prétendre que le nucléaire est sans dangers. Il est donc bon de maintenir une pression sur le nucléaire, au niveau de la sûreté, des rejets dans l’environnement et de la maîtrise puis de l’élimination des déchets.
    Mais il faut se faire à l’idée que le nucléaire est incontournable, surtout si l’on veut mettre en œuvre une politique de progrès social et une vraie politique de protection de l’environnement ( moins de GES, ferroutage, transports électrifiés ..)
    D’un point de vue philosophique et Darwinien, c’est le destin de l’homme de devoir maîtriser le progrès pour sa survie même

     JMB
     jean-marie.berniolles@wanadoo.fr

    • "
      Mais il faut se faire à l’idée que le nucléaire est incontournable [...] D’un point de vue philosophique et Darwinien, c’est le destin de l’homme de devoir maîtriser le progrès pour sa survie même
      "

      1/
      Non le nucléaire n’est pas incontournable, il s’agit d’un choix politique de la France de miser sur le tout nucléaire.

      2/ Je ne vous pas ce que la philosophie vient faire la dedans.
      Vous faites dans le grandiloquant pour masquer la faiblesse de votre argumentation, dont la clef est "IL FAUT"
      Moi j’entend : vous préféreriez qu’on se fasse à cette idée.

      3/ Vous n’avez rien compris à Darwin, l’evolution n’est pas deterministe.
      Vous raisonnez comme si l’histoire était une courbe ascendante.
      Darwin n’a jamais parler du progrès des espèces, mais de leurs évolutions en fonction de l’environnement, et de la selection des animaux les plus adaptés à cet environnement.

      Par conséquent, il est envisageable que dans 5000 ans, des techniques bien moins dangereuses soient inventées, sauf si d’ici là l’obstination aveugle des pro-nucléaires n’ait provoqué le grand flah irréparable.

      jyd.

    • EDF possède en France 58 tranches nucléaire. Arrêter 15 tranches sur 58 tout de suite ne fera jamais 70% de la production nucléaire.
      Je ne suis pas pro-nucléaire et ni anti-nucléaire mais je ne suis pas comme cet article intégriste dans mes idées. Comment peut on écrire alors que nous venons de connaitre un automne le plus chaud depuis le début des mesurages métérologiques qu’il faut arrêter le nucléaire dans les 3 ou 4 ans et miser sur l"hydraulique et le fioul et le charbon... Côté hydraulique, nous sommes au maximum de son utilisation car cette énergie est tributaire de la pluviométrie. Côté charbon ou fioul, la pollution immédiate pour notre planète en devient aujourd’hui un suicide très rapide. Et si voulez contester ces faits je vous raporte au film de Al gore.
      Le probleme aujourd’hui est que les gens ne sont pas pret à réduire leur consommation d’énergie electrique. On a jamais autant consommer d’énergie en été pour la frénésie de la climatisation... sans parler des ordinateurs, télé, frigo, congélateur, lave linge, sèche linge... qui tournent comme si c’était normale ... un acquis.
      La pression des autorités de sureté et des mouvements écologiques font que le contrôle des centrales sont importantes. Si seulement on faisait pareil avec la pétrochimie type azf... moins porteur je pense...
      Le nucléaire actuel n’est pas une solution perène, tout comme le fioul, le gaz et le charbon. Mais ela va passer par l’éducation des gens pour modifier leur comportement énergétique... mais nous en sommes loin vu la société de consommation qui est la notres et qui le devient pour grand nombre de pays tel la chine et l’inde.
      Pour conclure, ce n’est pas en écrivant ce genre d’articles qui en devient par ses mensonges aurant lobbyste que les pronucléaires que nous pourront avancer...

    • La question énergétique n’est tout de même pas une question subalterne pour l’humanité !
      Votre réponse commence par un contresens fondamental :
       comme je le disais, il y a un arrêt de fait de l’engagement de centrales nucléaires depuis la fin des années 80. C’est à dire à travers toutes les composantes et couleurs politiques qui ont été au pouvoir depuis. La politique rejète donc quasi unanimement le nucléaire. En fait si l’on creuse un peu le problème on voit vite que c’est le capitalisme néo libéral qui n’en veut pas.
       Evidemment on ne risque pas de trouver ce genre de vérité dans Le Monde ou Libé.
       Mais justement comme le nucléaire est incontournable on va prolonger la vie des centrales nucléaires REP !
       On dit que "gouverner c’est prévoir". Là, il faut prévoir à 20 ans au moins. C’est un peu hors de la portée de nos médiocres "politiques" actuels.
       Enfin, il faut prendre conscience que la situation actuelle, en France, mais surtout au niveau de la planète, sur les problèmes énergétiques, économiques, ceux liés à l’environnement, - pollutions, effet de serre....-, est très grave. Alors oui il y a bien, pour l’homme, une question d’adaptation aux conditions nouvelles de la vie. Finalement, depuis 1945, l’homme a la capacité de s’autodétruire de multiples manières. Personnellement je souhaiterais beaucoup que tout cela ne soit que des mots et non pas une question fondamentale posée à l’homme. Parce que j’ai assez peur du résultat.
      JMB

    • Pour arrêter 70% du nucléaire il faut :

      Arrêter les exportations d’électricité (70 TWh exportés correspondent à la production annuelle d’environ 12 réacteurs de 900 MWe ou 9 réacteurs de 1300 MWe )

      + arrêt de l’autoconsommation nucléaire (L’enrichissement de l’uranium, Eurodif utilise 3 réacteurs du Tricastin à pleine puissance)

      + utiliser au maximum les capacités hydroélectriques et les centrales thermiques classiques existantes en France (fioul, charbon, gaz).

      Le texte ne dit obsolument pas que (15 réacteurs = 70% du nucléaire), mais que ces 15 réacteurs peuvent être arrêter immédiatement sans changement de notre comsommation d’électricité.

  • Et le nucléaire dans l’armement ?
    Pourquoi ne pas en parler ?
    C’est pourtant un des enjeux essentiels du nucléaire.

    Il ne faut pas oublié dans toutes les argumentations que l’enjeu nucléaire est tout autant militaire que civil.

    Vedeco

    • Vous n’avez pas conscience du ridicule de cette position ?
      Est ce que vous avez seulement regardé la situation de la France par rapport à l’Espagne vis à vis des émissions CO2 ?
       On ne peut pas raisonner si l’on ne part pas de données fondamentales justes.
       Si vous voulez réellement influer sur les choix et objectifs (axes de recherche), ce que je trouve normal personnellement, il vous faut être crédibles.
      JMB

  • L’energie hydrauelectrique est utilisé au maximum de ses capacités par EDF. Pour en augmenter sans défigurer les fleuves et rivieres il faudrait attendre une pluviometrie supérieur.
    Si l’on veut arreter le nucléaire, il faut éduquer la population pour éviter la surconsommation. Alors que l’on pouvait réduire la production en été, la climatisation a outrance fait que l’on est obligé de produire autant.
    Lorsque la consommation sera réduite, on pourra arreter de produire avec le nucléaire, seul source de masse capable de repondre au besoin.
    Vous devriez regarder le film d’al gore avant de parler de centrale thermique.