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Communiqué BIRMANIE : TOTAL MENACÉ PAR LES SANCTIONS
Publie le jeudi 21 mai 2009 par Open-PublishingCommuniqué de presse d’Info Birmanie
Info Birmanie accueille avec le plus grand intérêt les déclarations de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères du gouvernement français, selon lesquelles Total serait en première ligne si l’Union européenne décidait de nouvelles sanctions à l’encontre du régime militaire birman. Le groupe pétrolier pourrait ainsi se voir interdire d’opérer en Birmanie. "Le seul moyen de pression économique sérieux (sur le régime militaire birman), ce serait évidemment le groupe Total", rappelait hier avec raison Bernard Kouchner.
Ce point de vue est également celui du Dr Sein Win, Premier ministre du gouvernement birman en exil (NCGUB), qui dans une lettre adressée le 10 octobre 2007 au président de la République française et à son ministre des Affaires étrangères, mentionnait sa volonté de voir « gelées ou abandonnées toutes les activités liées au gaz ». Info Birmanie rappelle les déclarations de Christophe de Margerie, directeur général du groupe pétrolier*, selon lesquelles les seuls revenus du projet Yadana, dont le principal opérateur est Total, rapportent à la junte birmane 350 millions d’euros par an. M. de Margerie précisait alors que « Total, pas plus que d’autres compagnies, ne peut demander au gouvernement ce qu’il fait de cet argent. » Or l’Etat birman consacre plus de 40% de son budget aux dépenses militaires, réservant à la santé et à l’éducation des parts absolument négligeables de ce même budget. A cela s’ajoute un subtile subterfuge de la part de la junte qui joue sur deux taux de change, le taux de change officiel et le taux de change réel, qui consiste à créditer le budget national de six kyats par dollar alors qu’en parallèle les généraux échangent ce même dollar à un taux pouvant dépasser 1300 kyats. Ce qui revient pour les généraux birmans à empocher 99% de l’argent généré par les investissements étrangers. Il n’est donc pas excessif de prétendre que Total, aujourd’hui encore le premier investisseur étranger en Birmanie, contribue à maintenir le régime militaire au pouvoir.
La défense du pétrolier aux critiques formulées à l’encontre de son investissement birman s’est organisée autour de trois arguments principaux :
1. L’idée que développer des relations économiques avec un pays peu respectueux des droits de l’homme ne pouvait qu’entraîner des progrès dans le domaine des droits et libertés. Près de quinze ans plus tard, force est de constater que les progrès annoncés n’ont toujours pas eu lieu.
2. La mise en place de projets sociaux. Mais ceux-ci ne sauraient compenser -en l’absence d’un contrôle satisfaisant par le groupe de l’argent généré par le projet Yadana- les dommages résultant d’un apport de ressources à un régime peu respectueux des droits de l’homme. Pour Frédéric Debomy, président d’Info Birmanie, "Imaginez que quelqu’un vous coupe un bras, puis vienne poser un pansement sur votre moignon pour ensuite s’écrier à l’alentour : "Je suis un médecin". C’est ce que fait Total en Birmanie." Rappelons que Total rapporte, selon son propre aveu, près d’un million d’euros par jour à la junte birmane.
3. L’affirmation que si Total se retirait de Birmanie, il serait immédiatement remplacé par un concurrent chinois. Cet argument, qui se veut indiscutable, justifie un manque d’éthique au prétexte qu’il existe des concurrents peut-être moins scrupuleux encore.
La défense de Total, contradictoire, a constamment oscillé entre la revendication d’un "rôle politique discret en Birmanie" et l’affirmation qu’un acteur économique n’a pas à se préoccuper de questions politiques.
Info Birmanie réfute par ailleurs l’argument selon lequel l’Union européenne serait allée au bout de ce qu’elle pouvait faire en terme de sanctions.
Il est notamment possible d’interdire aux compagnies européennes d’assurer des investissements en Birmanie. Si un grand nombre des compagnies aujourd’hui impliquées en Birmanie sont asiatiques, Londres demeure la capitale de l’industrie de l’assurance. Les compagnies asiatiques investissant en Birmanie font donc assurer et réassurer leurs opérations à Londres. Des sanctions à cet endroit pourraient créer des difficultés au projet gazier Shwe Gas, dont le principal opérateur est le sud-coréen Daewoo, qui promet au régime des revenus colossaux.
En tout état de cause, les premières sanctions sérieuses à l’encontre du régime militaire birman n’ont été introduites que six mois après la "révolution safran" de septembre 2007. De plus, la façon dont elles ont été mises en oeuvre révèle de sérieuses lacunes.
La position commune européenne ne saurait être efficace tant que ne seront pas gelées ou abandonnées toutes les activités liées au gaz, premier revenu d’exportation du régime. Le gel ou l’abandon par Total de ses activités ne pourra en outre que renforcer la cohérence de la position française, et au-delà, de la position européenne, vis-à-vis de la Birmanie. Il donnerait plus de poids aux discours de pays occidentaux désireux de voir des évolutions politiques survenir dans ce pays.
D’autres solutions ont été évoquées qui permettraient de priver la junte de l’importante source de revenus constituée par Yadana sans porter atteinte aux besoins thaïlandais en gaz ni même nécessiter l’arrêt des activités de Total, solutions dont la faisabilité tant technique que politique reste à cerner. En tout état de cause, l’urgence est de priver le régime militaire birman des ressources qui lui permettent de perpétuer ses crimes.
* dans un entretien accordé au journal Le Monde le 6 octobre 2007.
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