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Communisme : L’avenir moralement exigible

Publie le jeudi 21 janvier 2010 par Open-Publishing
3 commentaires

L’hypothèse communiste a-t-elle été invalidée par l’histoire ?

Contrairement à ce que beaucoup pensent, y compris à la gauche du PS, on ne peut soutenir que l’hypothèse communiste, pour reprendre l’excellente formule d’Alain Badiou, aurait été définitivement invalidée par la chute des régimes de type soviétique qui ont mar­qué le XXe siècle. Cette affirmation suppose en effet qu’on les identifie à ce projet tel que Marx l’a défini et en a précisé les conditions, ce qui constitue une erreur théorique majeure, qui a accompagné le mouvement communiste officiel depuis 1917 et explique le désarroi dans lequel se trouvent beaucoup qui aimeraient bien pouvoir encore s’en réclamer.

Pour l’auteur du Manifeste, qui est un grand penseur matérialiste de l’histoire et pas seulement un analyste critique du capitalisme, la révolution ouvrant la voie au communisme ne pouvait se faire avec une chance de succès que dans les conditions du capitalisme développé, qui lui fournissait ses moyens économiques, une base sociale majoritaire liée directement ou indirectement à la grande indus­trie et, du coup, sa forme politique démocratique héritée de la société bourgeoise et approfondie par le communisme lui-même. Cela ne l’a pas entraîné à nier qu’une révolution puisse se déclencher dans un pays sous-développé comme la Russie, mais il a toujours exclu (et Engels avec lui) qu’elle puisse y réussir sans l’appui d’une révolution en Occident.

Or, que s’est-il passé au XXe siècle ? Le contraire. Une révolution bolchevique dans un pays arriéré, qui a ensuite imposé son modèle aux pays satellites, et une révolution chinoise dont la base économique et sociale (la paysannerie) était largement comparable. Dans les deux cas, on a dû très vite recourir à la contrainte pour impulser de manière volontariste une industrialisation dont on n’avait pas hérité. Certes, dans ce processus, tout n’a pas été négatif, non seulement sur le plan économique pendant une certaine période, mais sur le plan social avec des conquêtes favorables à la grande majorité de la population. Cependant, le prix à payer pour cette expérience dans des conditions qui la vouaient à l’échec a été lourd et pèse sur la conscience col­lective : une incapacité, sur le long terme et du fait d’une centralisation étatique excessive, à accroître une productivité sans laquelle c’est l’égalité dans la pauvreté et non dans la richesse qui s’instaure ; un déficit criant de démocratie sociale avec des syndicats ne jouant pas leur rôle critique et incitatif ; enfin et surtout, une absence de démocratie politique, avec ses libertés de base comme le suffrage universel, sans lesquelles parler de communisme n’a aucun sens. D’où une omniprésence de l’État, allant jusqu’à imposer des normes idéologiques dans des domaines où la liberté est de droit, comme la sexualité, l’art et même la science... au nom d’une doctrine qui veut la disparition de l’État et met au centre de son ambition (Lucien Sève ne cesse d’y insister justement) le libre épanouissement de l’humanité en tout individu.

On voit donc que ce qui a échoué, ce n’est pas le communisme, mais sa caricature, et que la preuve de son impossibilité historique n’a pas été faite faute des conditions pour lesquelles il a été conçu et des formes que celles-ci devaient lui permettre de prendre. Cela ne signifie pas qu’ il est voué à réussir dans le contexte de l’Occident capitaliste : le communisme n’est pas inéluctable (comme on a pu aussi le croire), il est seulement à construire ; mais nous sommes sûrs, au moins, que la société actuelle, non seulement le rend moralement exigible vu ses ravages humains, mais en accumule les présupposés objectifs. On ne saurait donc, sans une grande mauvaise foi ou beaucoup de superficialité, le déclarer impossible en arguant de ce qui s’est fait en son nom au siècle passé.

Yvon Quiniou Philosophe-
L’humanité (21/01/2010)

(*) Dernier ouvrage (à paraître) : Éthique, morale et politique. Changer l’homme ? Éditions L’Harmattan.

Messages

  • Cet article assez mauvais donne a réfléchir. Que sont devenues les communautés autogérées qui ne sont pas dotés d\\’un état fort pour résister à l\\’impérialisme et au capitalisme ? Réponse : rien.

    L\\’URSS et le bloc se l\\’Est ont d\\’abord et avant tout été une réaction face au fascisme, au capitalisme et à l\\’impérialisme. Système imparfait qui a du essuyer toutes les attaques imaginables.

    Ainsi, déjà en 1954, on attaquait au plastique les boutiques France-URSS.

    L\\’URSS de l\\’espérance, de l\\’amitié entre les peuples, de la décolonisation, de l\\’égalité sociale, de l\\’augmentation du niveau de vie pour tous.

    En 1954, on parlait d\\’antimpérialisme, de semaine des 8 heures, de décolonisation, de tracteurs électriques et de panneaux photovoltaïques sur les toits.

    Avant l\\’URSS, c\\’était la misère noire pour la plus grande partie partie de la population en Russie et dans les principaux pays de l\\’Est, les guerres à n\\’en plus finir, les pogroms anti juifs, le colonialisme barbare et sauvage.

    Enfin, il ne faudrait pas oublier que la \\"Révolution Industrielle\\" européenne à été avant tout une très grande catastrophe pour la plupart des peuples en Europe- y compris. Cf ce que dit Marx sur la misère apparue en Angleterre à cette époque.

    Quant à victoire des communistes sur la fascisme et le nazisme, pas un mot.

    UMPC-Ps ?

    • Jusque dans années 80, on y vivait bien : tv, nourriture, emploi stable pour tous, chômage proche de zéro voir même manque de personnel comme en RDA, transports en commun développés, éducation, santé, fierté d\\\\’appartenir au bloc socialiste quoi qu\\\\’en disent les rats de maintenant.

      Ensuite, il y eut les attaques insoutenables et l\\\\’argent gagné qui est passé aux mains poilues et gluantes du camp adverse.

      Quand on attaque l\\\\’URSS on attaque Cuba te tous les pays qui se sont dotés d\\\\’un régime progressiste.

      Que se passe-t-il quand il n\\\\’y a plus de soviétiques ? 20 % de chômage en Espagne et un chômage galopant en France.

      En France, tout le monde tire une tête d\\\\’enterrement tous les jours.

  • Il est temps d’abandonner absolument l’attitude "judéo-chrétienne" qui consiste, pour les révolutionnaires, à se considérer comme coupables de la faute originelle du communisme soviétique.
    Marx n ’y pouvait rien : le communisme concret s’est installé où il a pu avec les réalités humaines, sociales, structurelles de la russie d’alors. Pas de traditions démocratiques, la violence comme partie de la culture, des rapports de force insoutenables entre factions ; ce fut le plus fort qui gagna (Staline). Force brutale, encore une fois issue des longues habitudes du pays.
    Pour faire court ; ce fut ensuite la longue histoire des solidarités avec le peuple frère pour qui, quelques fautes et erreurs qu’il commit, les révolutionnaires du monde entier furent quasiment tous solidaires.
    Il ne reste de ce système que des séquelles. En quoi celà obère t’il l’hypothèse communiste ? Il reste, "simplement" à se souvenir des expériences révolutionnaires françaises, y compris de sa révolution bourgeoise et populaire de 1789, pour bénéficier d’une série de principes qui conservent, eux, toute leur validité.
    Nous continuerons longtemps à souffrir du passé qui n’est finalement pas le nôtre ; cela ne doit pas nous empêcher d’agir dans le sens que nous indique notre formation et notre culture ; cette boussole ne nous trompe pas et peut se résumer dans ce slogan à remettre au goût du jour : liberté-égalité-fraternité.