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Comores : Les enjeux des prochaines législatives

Publie le mercredi 11 novembre 2009 par Open-Publishing

TRIBUNE LIBRE : Les enjeux des prochaines législatives

Les 6 et 23 décembre prochains, les Comoriens sont appelés aux urnes pour renouveler les membres de l’Assemblée de l’Union et des parlements insulaires. Le choix de la date des élections fait déjà l’objet d’une polémique, le Président de la République, Ahmed Abdallah Sambi ayant visiblement décidé d’organiser le scrutin à quelques jours seulement des primaires, au niveau des présidentielles. Plusieurs candidats pour les élections législatives de décembre prochain sont en lice au sein de trois tendances.

Il s’agit de la mouvance présidentielle, de l’opposition classique et des indépendants entre les deux rangs. Donc en réalité deux groupes qui s’affrontent. Sambi et les autres. Depuis le début de la précampagne électorale, ces deux principales formations de la scène politique rivalisent de promesses électorales. Le programme de la mouvance proposé mise sur le bilan du président Sambi, à en croire son Directeur de Cabinet et le secrétaire Général de son Gouvernement.

Pourtant, ce bilan est négatif à tout point de vue car les performances socio-économiques nationales ne constituent pas un élément déterminant par rapport aux engagements du Président Sambi. En conséquence,l’objectif des prochaines élections est au niveau institutionnel, en voulant faire adopter des lois constitutionnelles sur le mode d’élection du Président de la République et des chefs des Exécutifs insulaires, dans l’espoir de prolonger le mandat actuel de Sambi. Et si le Président est désigné par le Parlement ! Autrement dit au suffrage universel indirect.

Les observateurs prédisent l’avènement d’un chaos politique et économique et d’une catastrophe sociale dans le cas où le camp de Sambi gagnerait la majorité à l’Assemblée. C’est une situation de blocage des perspectives politiques qui s’annonce.A quelques jours du commencement de la campagne électorale, la Cour constitutionnelle est toujours incapable de valider les candidatures, ce qui laisse planer le doute d’une éventuelle mascarade électorale permettant à la mouvance de s’assurer d’une majorité confortable.

Est-ce, cette fois-ci, l’Union Européenne, principale sponsor des élections, exigera t- elle des explications au niveau de la Cour Constitutionnelle aux éventuels recours des candidats refusés, en vue de mettre en garde l’Etat et la CENI sur la possibilité de mettre en cause la crédibilité des élections ?

L’autre enjeu des élections repose sur les hommes qui seront élus. N’est-il pas temps de rompre avec le passé et songer l’avenir avec sérénité ? Comment un instituteur, de cadre A peut, d’un jour au lendemain, devenir législateur ? Pour concocter une loi, le législateur nécessite un minimum de connaissances, de culture et d’expérience.

A cela s’ajoute le problème de communication au sein-même de l’hémicycle. Comment peut-on élire un député arabophone qui n’est pas apte à lire les textes en vigueur, les correspondances, comprendre les contours des projets de lois et participer à la rédaction des lois ? Quel gâchis ? Or, cela constitue le seul apport du FNJ dont le président Ahmed Rachid ne saurait écrire son prénom en caractère latin. Ahmed Aboubacar, alias Moughallid, autre père spirituel des ulémas se trouve en tête de liste de ces personnalités qui ne savent ni lire ni écrire en français et qui prétendent occuper les fonctions de Député ou de Minsitre. Un peu d’humilité quand même ! L’expérience, d’Alhadhuir Ali, Député sortant de Mkazi ou de M. Abdourahmane, actuel Ministre de la Justice des Comores ou M’madi Ali, son prédécesseur exigent une lecture nouvelle par rapport à la désignation des Députés. Pourtant, cette expérience suit son cours doucement. Dans le Mbadjini, Abdillah Yahya Toyib, un jeune enseignant arabophone, militant du FNJ affrontera l’ancien Ministre, Omar Tamou dans la bataille électorale.

Ceci nous pousse à nous interroger sur le rôle et la place des partis politiques à référenciel islamique dans notre pays. L’islamisme politique est souvent un acteur de premier plan. Le FNJ prétend qu’il est le seul parti qui veut instaurer l’équité, la justice entre tous les Comoriens. Il est le seul qui met l’accent sur la moralisation de la vie publique, caricaturant que les autres recherchent le pouvoir pour le pouvoir. Faut-il chercher des alliances avec ce courant, au pouvoir ou dans l’opposition ? Comment tenter des alliances avec les islamistes sans se faire avaler ? Comment négliger cette alliance face à des régimes oppressifs alors que l’islamisme politique constitue souvent la principale mouvance de l’opposition ? Brutalement posée, la question renvoie à des dogmes et des réponses idéologiques sans fin, et sans issue. L’Algérie, le Maroc ou la Tunisie ont connu cette situation, avec des refus violents, ou des compromissions opportunistes.

Les mouvements islamistes ne peuvent en aucun cas mener des réformes démocratiques, par des voies pacifiques, visant à mettre en place un système qui garantisse les libertés. L’histoire l’a prouvé aux Comores. Le président Djohar qui a créé pour la première fois un Ministère chargé des Affaires islamique dirigé par un islamiste a ouvert un boulevard à l’intégrisme religieux dans le pays, au lieu de contribuer aux réformes. A titre d’exemple, on s’attendait à une réforme sur la finance islamique qui se veut un système participatif avec une exigence éthique et religieuse de partage des rendements. L’objectif du système est d’optimiser des profits et de la valeur de la banque, comme pour n’importe quelle banque conventionnelle.

Aujourd’hui, les actifs financiers conformes à la Charia approchent la barre symbolique des 500 milliards de dollars et croissent à un rythme annuel supérieur à 10%, faisant de la finance islamique une classe d’actifs à part entière à l’échelle mondiale. Les portefeuilles de crédit demeurent en majorité dominés par le "ijara" (leasing), les contrats de "mourabaha" (transactions d’achat-vente avec l’inclusion d’un surprix) et, dans une bien moindre mesure, les "istisna" (crédits d’équipements ou financements du fonds de roulement) réservés aux entreprises. Ce constat n’a rien d’étonnant, puisque la finance islamique et le métier de financement des particuliers vont de pair. Le FNJ n’a pas cette culture ni les qualifications requises pour mener une telle étude et faire des propositions en vue de faire profiter le pays. Le Ministère des Affaires Islamiques se contentait de gérer le pèlerinage, les dons de dattes et de moutons en provenance d’Arabie Saoudite.

Dans les milieux islamistes de Moroni, outre la référence des frères musulmans, on parle de l’expérience soudanaise, où les islamistes sont arrivés au pouvoir en alliance avec des auteurs d’un coup d’Etat. Dans ce type de situation, on a affaire à l’alliance de deux totalitarismes. Par contre, exiger des partis islamistes de prendre position de manière publique sur la démocratie n’a pas de sens, car seule l’expérience du terrain a fini par montrer que le parti islamiste d’Ahmed Rachid ne peut pas comporter des convictions démocratiques. Rien n’empêche un parti de changer de discours, ni même de changer de direction pour justifier une radicalisation éventuelle. Mais un homme averti en vaut deux.

Le Ministère de la Justice confié respectivement à Yahaya Mohamed Iliasse, Abdoulbar Youssouf ou Mmadi Ali,Miftah et Abdouroimane, tous issus des rangs du FNJ a perdu sa place de Ministère de souveraineté car les Ministres placés à sa tête n’ont jamais réussi à faire une proposition de réforme de la Justice comorienne, mettre fin à l’impunité ou à la corruption au sein même du Ministère public. Cela est aussi valable aux magistrats qui ont eu à gérer ce département depuis le Président Mohamed Taki Abdoulkarim à nos jours. On se demande avec acuité l’actif des deux Magistrats, Mohamed Abdouloihabi et Mourad Said Ibrahim au Ministère de la Justice, lors de leurs passages dans le gouvernement.

Ainsi, tout le monde se demande sur la nature des alliances qui pourraient se faire entre les islamistes et les partis politiques démocrates. Sur quels thèmes pourraient-elles se faire ? Se feront-elles pour permettre aux islamistes d’avancer vers le pouvoir, en attendant d’avaler leurs partenaires, ou peuvent-elles amener les islamistes à intégrer la pensée démocratique dans leur démarche ? Jusqu’où les islamistes peuvent aller dans le débat ? Peuvent-ils envisager de discuter de l’égalité hommes-femmes sur la question de l’héritage et de la polygamie ? Qui y a intérêt, qui en tire profit, et surtout, qui veut les impose ?

Il est vrai que les Comores sont un pays musulman mais elles n’ont pas les caractéristiques de l’Arabie saoudite et encore moins de l’Iran ou de la Somalie. Rectifions le tir ; sortons de l’obscurantisme et évitons une prolifération de Sambi dans nos régions. Un Sambi est déjà suffisant car il nous a fait avaler tous les couleuvres.

Ali Mohamed Tabibou

Source : http://roinaka.skyrock.com/