Accueil > Consultation à Saint-Denis sur le droit de vote des étrangers

Consultation à Saint-Denis sur le droit de vote des étrangers

Publie le lundi 27 mars 2006 par Open-Publishing

de Isabelle Mandraud et Jean-Baptiste de Montvalon

C’est un sommet de la gauche en miniature. Dimanche 26 mars, François Hollande (PS), Marie-George Buffet (PCF), Yann Wehrling (Verts), Olivier Besancenot (LCR) et Arlette Laguiller (LO) se sont retrouvés à la mairie de Saint-Denis, pour parrainer le premier référendum d’initiative locale sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. Jugée "illégale" par la préfecture de Seine-Saint-Denis, puis annulée, le 23 février, par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise - au motif que son objet ne relève pas de "la compétence de la commune" -, cette consultation a été maintenue par Didier Paillard, maire (PCF) de Saint-Denis. D’autres personnalités ont répondu à son invitation, parmi lesquelles Danielle Mitterrand, Mgr Jacques Gaillot, le footballeur Basile Boli, Fadela Amara (Ni putes ni soumises), la sénatrice (Verts) Dominique Voynet, ou encore Mouloud Aounit (MRAP).

L’initiative date du 16 décembre 2005. Un mois après la fin des violences urbaines, le conseil municipal de Saint-Denis avait décidé d’organiser cette consultation et de l’ouvrir aux Dionysiens étrangers (25 % de la population), qui ont été invités à s’inscrire sur une liste électorale "additive". Quelque 4 500 résidents, dont 2 600 étrangers, ont répondu à l’appel. Inscrivant cette opération dans la lignée des "luttes sociales et politiques" qui ont jalonné l’histoire de la ville, le maire de Saint-Denis veut promouvoir ainsi le "vivre ensemble", et lutter contre les "tentations communautaristes" qu’il perçoit.

Quels que soient la participation et le résultat enregistrés dimanche, son initiative n’aura qu’une portée symbolique. Elle fait suite à d’autres opérations qui avaient été organisées par le collectif Votation citoyenne. En décembre 2002, puis en décembre 2005, des consultations "militantes" - tenues en dehors de tout cadre juridique - avaient eu lieu sur ce sujet dans plusieurs dizaines de communes françaises.

La lente évolution de l’opinion publique à ce sujet, dont témoignent des sondages fluctuants, s’est accompagnée d’un changement d’attitude des responsables politiques, en particulier à droite. Avant 2002, seules certaines voix minoritaires - notamment celles de l’UMP Jean-Louis Borloo et de l’UDF Gilles de Robien - s’étaient fait entendre.

Dans un entretien au Monde du 25 octobre 2005, le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, s’est dit à son tour favorable à une telle réforme : "Je veux renforcer la chance de l’intégration pour les étrangers en situation légale. Le droit de vote aux municipales en fait partie." Si cette prise de position a suscité des réactions très mitigées à l’UMP, elle a contribué à aiguillonner le PS, qui redoute de se faire "doubler" sur ce terrain. Les socialistes, qui ont promis le vote des étrangers à chaque élection présidentielle depuis 1981 - sans jamais l’avoir mis en oeuvre -, se savent attendus sur la question. Lors d’une réunion de la commission du projet, mercredi 22 mars, le maire (PS) de Paris, Bertrand Delanoë, a mis en garde les dirigeants du parti : "Il ne s’agit pas de faire des effets d’affichage, il faut être en mesure de tenir cet engagement." Le premier secrétaire du PS, François Hollande, affirme partager cette préoccupation. "Il faut faire en sorte que la procédure aboutisse", dit-il.

Alors que Lionel Jospin avait jugé infranchissable l’obstacle du Sénat, et refusé pour ce motif d’inscrire la réforme à son ordre du jour, le PS étudie aujourd’hui un scénario alternatif : si la voie parlementaire n’aboutissait pas, les Français seraient consultés par référendum - "six mois à un an après l’accession de la gauche au pouvoir" - sur l’extension du droit de vote, pour les élections municipales, aux étrangers résidant depuis cinq ans en France. Afin de ne pas exacerber les passions, la question, toutefois, ne serait pas posée seule, mais ferait partie d’un "paquet" institutionnel comprenant notamment la réforme des modes de scrutin, avec l’introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives, et le renforcement des pouvoirs du Parlement. "Je crois que l’opinion publique a évolué (sur le droit de vote des étrangers), dès lors que c’est limité aux municipales", affirme M. Hollande.

En s’engageant sur cette voie, le premier secrétaire du PS sait qu’il devra répondre aux attaques récurrentes de la droite sur le thème d’une instrumentalisation au profit de l’extrême droite. "S’agissant de Mitterrand, c’était incontestable", reconnaît M. Paillard. Pour se prémunir, le maire de Saint-Denis insiste sur sa méthode : "Cette démarche ne vient pas d’en haut. C’est un dialogue construit avec les citoyens."

http://www.lemonde.fr/web/article/0...