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Copie privée : EUCD demande au député Suguenot de revoir sa copie... et celle de ses collègues

Publie le jeudi 8 septembre 2005 par Open-Publishing

Le 13 juillet 2005, le député Alain Suguenot (UMP) a déposé une proposition de loi visant à légaliser’’les échanges de fichiers protégés sur des services de communication en ligne’’.

L’initiative EUCD.INFO se réjouit qu’une proposition non répressive visant à répondre aux défis du P2P soit proposée par un député de la majorité. Elle invite les autres députés UMP à eux aussi faire entendre leur voix si ils sont en désaccord avec la politique répressive que conduisent sur ce sujet les gouvernements successifs de M. Chirac depuis plus de trois ans

En lieu et place de la « politique de répression et d’intimidation » actuelle, le député Suguenot propose en effet de façon pragmatique de faire sortir le droit de communication publique en ligne du régime des droits exclusifs pour le faire passer sous un régime de gestion collective obligatoire. Ce mécanisme permetterait de mettre en place un système de licence dite optionnelle. Les internautes qui le désirent pourraient alors souscrire un complément d’abonnement auprès de leur fournisseur d’accès, complément leur permettant de proposer au téléchargement en toute légalité les oeuvres des artistes qu’ils aiment tout en les rémunérant pour cet acte.i

Si l’initiative estime que cette mesure va dans le bon sens dans la mesure où elle prend en compte la réalité des usages, et non sans quelques interrogations quant à sa mise en oeuvre, elle tient à signaler que la proposition du député Suguenot contient par contre une mesure totalement inutile au regard de l’objectif poursuivi et qui elle n’aurait rien d’optionnelle pour les internautes : l’extension de la redevance copie privée à la bande passante.

Cette mesure sans fondement répond à une demande récurrente, mais non moins illégitime, de certaines catégories d’ayants-droits qui s’appuient sur un postulat douteux pour tenter de l’obtenir. Ils répètent à l’envie que le téléchargement leur causerait « un préjudice considérable de centaines de millions d’euros. »

D’une part, nombreuses sont les études qui concluent que le téléchargement n’est pas responsable de la baisse des ventes de disques ou seulement à la marge. De préjudice considérable, il n’y aurait donc pas. La SPEDIDAM, société de gestion collective représentant près de 20 000 artistes-interprètes, écrivait ainsi il y a quelques mois dans un livre blanc distribué à tous les parlementaires :

L’industrie du disque tente de faire croire que la récente baisse de son chiffre d’affaires serait principalement due aux échanges de musique en peer-to-peer. Outre qu’aucune étude sérieuse n’a pu établir un tel lien de corrélation, un certain nombre d’autres facteurs expliquent ce ralentissement du marché du disque : fin du renouvellement des discothèques vinyles, essoufflement du support CD, transfert de valeur au profit du DVD, gestion incohérente du prix du disque et des catalogues, baisse des investissements marketing...(Etude FNAC juin 2004). Aux Etats-Unis, le marché du disque repart à la hausse depuis quelques mois (+ 10 %) alors que les échanges de musique en peer-to-peer sont plus importants que jamais.ii D’autre part, il existe en France, une redevance qui compense les actes de copie privée indépendamment de la façon dont les copies sont obtenues. La redevance française sur la copie privée est la plus élevée d’Europe (200 millions d’euros cette année). Elle couvre !
désormais la quasi-totalité des supports analogiques et numériques utilisés par le public pour ­ notamment ­ jouir des oeuvres téléchargées (disques durs intégrés dans les assitants personnels, les baladeurs numériques, les téléphones portables, cartes mémoire type Smart Media ou Compact Flash utilisées dans les appareils photos, disquettes d’ordinateurs, CD et DVD réinscriptibles, mini-disc, clés USB,...).

Proposer d’étendre la redevance copie privée à la bande passante revient à proposer de faire payer le public deux fois pour le même droit. Une fois pour le flux permettant d’obtenir la copie, une fois pour le support permettant de la stocker. Lors de l’apparition de la photocopieuse, a t-on aussi envisagé de « taxer » à la fois les photocopieuses, le papier, les timbres et les enveloppes car il devenait possible d’envoyer par la Poste un livre à un ami pour qu’il le photocopie lui aussi ?

Qui plus est, et c’est sans doute le plus dérangeant, en proposant d’étendre la redevance copie privée à la bande passante sans proposer d’interdire parallèlement les mesures techniques limitant ou empêchant la copie privée, le député Suguenot propose bien de faire payer le même droit deux fois au public... mais sans pour autant chercher à lui garantir qu’il pourra l’utiliser en pratique ne serait-ce qu’une seule fois !

M. Suguenot doit pourtant bien savoir que le projet de loi officiel de l’UMP, le projet de loi DADVSIiii, va être examiné par l’Assemblée Nationale dans les prochaines semaines. Il doit être au courant du fait que ce projet de loi légitime les mesures techniques de contrôle d’usage privé et qu’il prévoit jusqu’à 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende pour quiconque contournera un tel dispositif, et ce même si il empêche la copie privée vers des supports soumis à la redevance.

Et on a aussi dû lui signaler que, sous la pression de Vivendi Universal, ses collègues UMP de la commission des lois ont adopté le 31 mai dernier un amendement discriminatoire du député Christian Vanneste. Cet amendement autorise les ayants-droits à interdire par la technique la copie privée aux utilisateurs n’ayant pas acquis un droit d’accès à l’oeuvre. De facto, cet amendement transforme la copie privée en copie de sauvegarde, le droit de lire en un droit exclusif, et a le potentiel pour diviser la société de l’information entre les ayant-accès à la culture numérisée et les autres.

Et pourtant pas un mot sur le projet de loi DADVSI dans la proposition de loi Suguenot.

L’initative EUCD.INFO a donc contacté le député Suguenot pour l’encourager dans sa réflexion visant à légaliser l’upload, pour l’inviter à rééquilibrer sa proposition en retirant sa demande d’extension de la redevance copie privée, et surtout, pour lui demander de porter les amendements adéquats lors de l’examen du projet de loi DADVSI afin qu’avant tout les droits existants du public soient déjà préservés.

Communication EUCD.INFO ­ 6 septembre 2005

À propos d’EUCD.INFO

EUCD.info est une initiative créée par la FSF France (chapitre français de la Free Software Foundation) dont la mission est d’informer sur les conséquences sociales et économiques de la directive européenne du 22 mai 2001 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (surnommée EUCD), et de contribuer à l’évolution de l’acquis communautaire relatif au droit d’auteur.

Site : http://eucd.info