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Corinne Maier : "Je rêve à une contre-Europe, une Europe des gens qui fument"
Publie le mercredi 13 avril 2005 par Open-Publishing6 commentaires
Propos recueillis par Caroline Monnot
Votre livre Bonjour paresse (éd. Michalon, 2004) a été traduit dans la plupart des pays européens. Vous êtes allée récemment en Suède, en Italie, en Espagne, en Pologne. Quelle vision de l’Europe en retirez-vous ?
C’est vrai, je me déplace beaucoup pour des séances de signature. Et partout où je vais, les gens me posent et se posent les mêmes questions. A ma grande surprise, d’ailleurs, car je pensais que les interrogations seraient plus différenciées, qu’on me rétorquerait : "Chez nous, ce n’est pas comme cela que les choses se passent." Au fond, on est sans doute plus uni que l’on ne le pense.
Ce que je constate, c’est qu’il y a une Europe qui s’interroge, au-delà de la feuille de paie tous les mois, du petit train-train. Il y a plein de gens qui traînent les pieds, qui se disent : "Tout cela n’a aucun sens. A quoi cela rime de travailler uniquement pour que les entreprises soient compétitives ? Nos sociétés sont arrivées grosso modo à un certain niveau de confort matériel. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?" La question centrale, c’est : qu’est-ce que l’on veut dans l’avenir ? Pendant longtemps, il y a eu des réponses, aujourd’hui on n’en a plus. Du coup, il y a un certain désenchantement. Ce n’est qu’une intuition, mais j’ai l’impression qu’en France, comme chez nos voisins, le phénomène est le même : les classes moyennes s’ennuient.
Cette question du sens, pourquoi revient-elle maintenant ?
Pour qu’un pacte social fonctionne, il faut que les gens considèrent qu’ils ne sont pas floués. Aujourd’hui, cela ne leur semble pas évident. En Pologne, j’ai été frappée par les réflexions de certains de mes lecteurs. Ils pensaient que l’Ouest et l’entreprise leur apprendraient à travailler, que le système y était plus rationnel, que c’était un modèle où chacun était apprécié en fonction de sa valeur. Or, ils se rendent compte que ce n’est pas le cas. Que l’entreprise n’est pas plus rationnelle. Que des personnes sont licenciées, que d’autres restent, que l’on ne sait pas trop pourquoi dans le fond. Tout cela ramène la question du sens.
Vous vous sentez plutôt européenne ?
Je suis sensible à l’idée qu’un pays ne doit pas être replié sur sa propre connerie. C’est bien d’être dans un vaste ensemble. Moi je rêve à une Europe de la paresse, une sorte de contre-Europe, à la fois antinomique et complémentaire de celle qui nous est proposée. Une construction bâtie sur des relations non hiérarchisées, celle des gens qui ne sont pas d’accord, des gens qui font des farces, des gens qui fument.
Vous allez voter non. Est-ce au nom de cette Europe de la paresse, ou à cause du traité ?
J’ai une vision assez neutre du traité constitutionnel. S’il n’y avait pas Raffarin, je pourrais à la limite m’abstenir. Pour moi, ce référendum est avant tout un "raffarindum". Il faut que ces gens-là partent. Qu’on nous sorte ce bonhomme, cela ne peut plus durer ! Mon vote non, c’est vrai, est lié au contexte politique. Je l’assume totalement.
Et puis, ce qui m’énerve c’est qu’on nous dit : "Vous avez le choix, mais il faudrait voter oui." De façon générale, je préfère dire "non" à "oui", c’est mon côté sale gosse. Je reconnais que ce n’est pas forcément adulte. Mais à force de s’entendre répéter qu’il faut l’être adulte , on a envie de voir ce qui va se passer si cette fois on ne l’est pas. On se dit : "Là-haut, cela va les faire chier."
Messages
1. Fumes, c’est du belge !, 13 avril 2005, 09:56
Judicieux ... Si la tendance se confirme, que les carottes cuisent pour le "oui" et qu’il reste un semblant de flair politique à nos dirigeants ... Pourquoi ne tenteraient - ils pas le tout pour le tout ? Remaniement ministériel avant le 29 Mai, Raffarin ... Chronopost Poitou ... Un nouveau premier ministre ... Sarkozy ? AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARGH .....
1. > De la paresse, de la rente, et des rentiers, 13 avril 2005, 10:30
L’Europe de la paresse ! par une cadre sup à mi-temps, grassement payé, et qui bulle à longueur de temps... (c’est comme cà qu’elle a eu le temps d’écrire ses "bouquins", qui, principalement, vont lui permettre, définitivement, de vivre sa vie de rentière Bobo). Elle aime bien l’europe et l’élargissement, parce que tout de même, pour les rendements de son capital placé en actions, obligations, assurances vie... le marché y’a que cà de vrai. Mais en même temps son "positionnement" (pseudo "éloge de la paresse") ne peut que la conduire à se positionner sur le "non", c’est là qu’il y la plus de vente à faire, c’est ici que sont les "segments de clientèle". Et comme ces ventes sont la condition sine qua non de poursuivre son grandiose objectif de la "rentabilité" paresseuse, comme on disait avant, "ceci explique cela".
Evidemment, il est à souhaiter que les partisans du oui n’instrumentalise pas ce genre de personne, en les mettant en avant, car comme remède pour vous dissuader de voter non, Y’a pas meilleur. (Elle me rappelle, dans un autre registre, plus "cheap", mais similaire malgré tout, Viviane Forrester, et son "horreur économique", dont la prose était d’une indigence extrême, les arguments à la limite du scandaleux (du genre "le monde n’a plus besoin de prolétaires, c’est pour cela qu’ils sont exclus et malheureux", mais qui fût un "excellent coup économique" (des centaines de milliers d’exemplaires - une couverture de presse interrompue pendant des mois, des traductions, des voyages et des invitations, une rente dorée garantie par Wall street et euronexx jusqu’à sa 115ème année... l’horreur quoi !).
La force des bourgeois et des bourgeoise, c’est qu’ils ont un culot monstre. Les nouveaux gourous qui s’intitulent aujourd’hui parfois "psychanalystes", en font leur fonds de commerce : "venez chez moi, payer moi très cher, et je vais vous décomplexer. Vous aurez ce culot monstre, qui est la fois signe et condition de la réussite"
2. > De la paresse, de la rente, et des rentiers, 13 avril 2005, 15:40
Selon toi un cadre sup est un bourgeois ?
3. > les cadres sup sont-ils des bourgeois ?, 13 avril 2005, 16:00
Un cadre sup est évidemment un bourgeois. sur le plan strictement socio-économique le plus quantitativiste, celui qui gagne 5 ou 6 fois le salaire médian est déjà un bourgeois. (certes il y a beaucoup plus riche que lui, mais il y a aussi beaucoup plus pauvre économiquement que le salaire médian). Ensuite sur un plan plus qualitatif. Un cadre sup’ encadre les organisations dominantes : il a un rôle de commandement de régulation et de controle sur des subordonnés ; il a le pouvoie et surtout le devoir de les sanctionner, de les exclure, s’ils ne font pas l’affaire. et cela est vrai dans toutes les organisations ou il y a des opérateurs de base (ma masse), des contremaîtres, des cadres et des cadres supérieurs. Ie cadre sup’ participe donc aussi subjectivement de la "raison" (au sens ou pour bien raisonner il faut aussi y croire et y adhérer : cf.sur le plan logique Descartes et CS Peirce) capitaliste, de son essence. Il cherche et tend de tout son être à perfectionner cette raison, à la rendre toujours plus efficiente, durable et sûre. Il paticipe donc pleinement de la bourgeoisie.
Soyons clairs : le bourgeois rentier et prédateur de la finance internationale est cependant beaucoup plus brillant et passionant que le terne cadre sup de chez Total ou EDF, ou des charcuteries réunies. Mais il n’est pas sûr qu’il soit plus néfaste ou plus dangereux (du point de vue de classe du prolétariat),, car sens ces états-majors de cadre sup qui encadrent le bétail industriel, ces "loups-cerviers" (pour reprendre une vieille expression de Balzac) ne pourraient rien faire, à part escrocquer avec des faux billets de tombola les vieilles de mon quartier (et encore !)
Affirmatif donc 100% oui : les cadres sup sont des bourgeois, et c’est pour cela qu’ils vont voter à 80% pour Le Traité E. (et encore les 20% restant sont-ils des opprotunistes, ou en période de déprime)
Enfin quant aux idéologies qui fument des grandes écoles qui forment les cadre sup (Poly, centrale, ponts, HEC, essec, Ena...) n’y auraient -ils pas là comme le coeur intellectuelle et spirituelle du capitalisme et de la bourgeoisie ?
Poser la question c’est déjà y répondre.
Karl Marx, du ciel
PS (excusez-moi, mais avec les centaines de milliers de mail en 25 langues que j’envoie tout le temps, mon style littéraire s’est un peu dégradé. Mais que voulez-vous c’est la "rançon du progrès" de nos chers crânes d’oeufs "cadre sup’".)
2. "Je rêve à une contre-Europe, une Europe des gens qui fument, qui boivent ... qui causent pas", 13 avril 2005, 11:57
Cet entretien avec Corinne Maier me semble significatif. Le vote « non » est dans une large mesure un vote ras – le – bol de Raffarin et de sa politique. Et quoi qu’on en dise, il n’est pas l’intention de la majorité d’entre nous, il y a toujours en gros 50 % d’indécis. C’est stérile, la revanche des cocus ! Depuis qu’il est en place il passe son temps à nous faire des gros doigts ! On se venge comme on peut, je ne trouve pas qu’il y ait de quoi s’enflammer, je ne trouve pas ça glorieux ! Comment expliquer autrement ce « non potentiel » ? Regardez en Espagne, 70 % pour le « oui », si je ne m’abuse près de 60 % d’abstentionnistes, l’effet Zapatero. Ils se foutent tout autant que nous de l’Europe. On a tout juste dit « oui » à Maastricht, l’effet Tonton ! Chirac le tente à son tour demain, on verra bien. Merci à M. Chouard de nous avoir en 13 pages révélé « ce cancer qui ronge insidieusement nos démocraties ». Cette analyse touchera les plus conscients, les plus curieux, les plus exigeants d’entre nous. Le reste … N’oublions jamais qu’en juin 2002, la droite a obtenue 69,32 % des sièges à l’Assemblée, que 56 % d’entre nous faisaient confiance à Chirac pour redresser l’économie, lutter contre l’insécurité et le chômage, préserver nos retraites. Et que 50 % d’entre nous trouvaient que c’était une bonne chose que la droite « ait une majorité claire, elle pourra appliquer son programme ». Eh ben dites donc elle l’a fait, c’est con hein ? L’histoire aussi est causante … En juin 68 un raz – de – marée électoral confortait cette droite qui un mois auparavant restait calfeutrée chez elle s’en moufter ! La trouille !
C’est vrai … qu’est - ce qu’on se fait chier ! Avec ce Traité Constitutionnel on a le sentiment de n’être définitivement qu’une ressource humaine … Alors en bonne ressource on va voter « non » pour faire chier le patron ! Il nous a sucré des congés, il a gratté sur nos primes ( nos retraites ), il en veut toujours plus sans rien donner, c’est toujours à sens unique ! Combien auront la trouille du patron, surtout ne pas se faire mal voir, ça pourrait nous retomber dessus !
On est des bons cons, ne l’oublions jamais !
3. > Commentaire à Corinne Maier : "Je rêve à une contre-Europe, une Europe des gens qui fument", 13 avril 2005, 14:51
"Ce n’est qu’une intuition, mais j’ai l’impression qu’en France, comme chez nos voisins, le phénomène est le même : les classes moyennes s’ennuient."
Buller au boulot toute la journée, même à mi-temps. pou diou quel travail ! quel ennui !
« Cette question du sens, pourquoi revient-elle maintenant ? »
Cà c’est l’effet magique "Jean Paul" ( et cà sent très fort son catéchisme de province)
« Pour moi, ce référendum est avant tout un "raffarindum". Il faut que ces gens-là partent. Qu’on nous sorte ce bonhomme, cela ne peut plus durer ! »
Dans un bureau (au hasard EDF), il faut cycliquement une « tête de turc », dégager une victime pour réenforcer (c’est traduit de l’américain : langage managérial en vogue chez EDF comme dans tous les « groupes ») la cohésion de l’équipe ( qd on bulle, on papote, et qd on papote on s’engueule).
Ici en plus, relié au contexte politico-médiatique : c’est vrai que Villepin est quand même beaucoup plus sexy que raffarin (Chirac avait fait exprès de le nommer pour le montrer non-sexy : c’est une vieille revanche contre le « dandysme » des jeunes giscardiens des années 70 ; et en même temps cela lui a conservé quelques années encore son monopole sex-appeal à la tête de l’Etat. Nommer Villepin ce sera tout de même très dur !).
« J’ai une vision assez neutre du traité constitutionnel. »
Faut pas se mouiller trop, au cas où ! Là c’est la carriériste byzantine qui se trahit.
« Et puis, ce qui m’énerve c’est qu’on nous dit : "Vous avez le choix, mais il faudrait voter oui." De façon générale, je préfère dire "non" à "oui", c’est mon côté sale gosse. »
Egocentrisme de celle qui pose déjà à l’ « écrivain ». mes humeurs sont plus importante que le cours du monde (même si la présomption est camouflée par l’atténuation ou chleusasme « je suis une gosse » ; c’est le docteur en mathématique qui déclare à ses élèves qu’il n’a jamais su compter). Le « sale gosse » vise lui à surligner, la dimension excessivement rebelle de notre rimbaldienne d’EDF.
« Je reconnais que ce n’est pas forcément adulte. »
Là c’est l’argument qui tue, et qui dénote réellement ce qu’on pense dans les milieux de Madame. Ceux qui vont voter non, ne sont pas encore réellement adulte, et c’est pourquoi il faut continuer à les commander. C’est l’habitus du cadre petite-cheffaillon rabrouant le petit personnel (avec tout le paternalisme et la condescendance qu’il faut mettre dans ce genre d’exercice pour savoir réellement « être chef ») qui pointe son museau.
Et on verra ici donc « l’efficacité » très perverse de ce type de soutien, si on les considère comme soutien à notre cause (je veux dire ici, la cause actuelle de l’immense majorité des rédacteurs et ds forumistes de Bellaciao), celle du NON.
« On se dit : "Là-haut, cela va les faire chier." »
Une exclamation de vulgarité « pour faire peuple » : car c’est comme cela qu’on considère le « petit » peuple, chez les cadres d’EDF. Genre d’expression issue de la littérature populiste petite-bourgeoise, et ensuite, certes, souvent reprise par mimétisme par le « petit » peuple. Mais ce dernier a toujours eu ses expressions à lui, dans son idiome personnel, qui ne s’écrit pas, et ne se prononce même pas devant n’importe quelles oreilles. La nature anthropologique/sociale du « petit » peuple, s’il doit y en avoir une, c’est de ne jamais « ne l’ouvrir en public », dans ou devant une instance d’énonciation autorisée qui s’appelle un « pouvoir ». C’est un très vaste monde en apparence (pour les bavards des instances d’énonciation légitimes ) silencieux, aphasique, ne cultivant que des borborygmes de nature vernaculaire et « privé » à ce qui est autre à son espace. Parler au boulot , à l’usine ou au bureau, pour le petit peuple, ce n’est jamais que l’obligation de faire « le perroquet » du discours des organisateurs, des maîtres. Et c’est pourquoi l’on s’en abstient le plus possible. « j’pourrais causer…mais j’préfère pas » est le « maître mot » du prolétaire. Qui préfère, quand il est en colère, agir. Qui préfère le faire au dire. Et quitte à écouter des bavardages, préfère encore les discours laconiques des coureurs cyclistes et des footballeurs, ou, pour les femmes, les babillages les plus futilissimes, la préciosité-paillette des émissions de variété, qui les éloignent, ne serait-ce qu’un instant de la lourde contrainte du langage-commandement du travail domestique et/ou usinier.
D’autant que « en bas » on sait très bien que même la victoire du non « ne va pas les faire chier ». Un plan B, puis C, D alternatif à l’évènement x, y, z sont déjà prêts. Pourquoi sinon auraient-ils pris le risque de faire ce referendum ? Veut-on faire accroire (mais au petit peuple, et seulement à lui seul) que les dirigeants sont des imbéciles ? Et qui a intérêt à cela ? Sous-estimer son ennemi, comme le surestimer, voilà qui conduit toujours à de grandes déconvenues.
« Ce que je constate, c’est qu’il y a une Europe qui s’interroge, au-delà de la feuille de paie tous les mois, du petit train-train. »
On rêve : les dizaines de millions de gens en europe sans travail, licenciés, ou sur le point d l’être, les esclaves sans papiers, les taulards, ceux qui remplissent les camps de rétention et de transit, les mômes de 18 / 25 ans sans ressources (même pas le RMI), les 6 milllions de smicards en France et leurs familles…les fous, les désespérés, les alcooliques, les toxicomanes, les assassins, les cocus, les impuissants sexuels et les frigides… s’interrogent en effet, au delà de la feuille de paie et du train-train de madame cadre sup glandeuse à mi-temps, psychanalysée-future-femme-de-lettre du spectacle.