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Corruption/Classement mondial : Le Maroc perd 44 places en dix ans

Publie le samedi 21 novembre 2009 par Open-Publishing

Le Maroc n’a obtenu ni l’organisation de la coupe du monde ni l’expo 2012, mais il est en mesure d’organiser la Coupe du monde de la corruption.

Un Système national d’intégrité défaillant

Plus de 60% des ménages versent des pots-de-vin

La corruption gagne encore du terrain. C’est ce qui ressort des résultats de l’Indice de perception de la corruption (IPC) en 2009, publiés par Transparency.

Cette année, le Maroc affiche un IPC de 3,3 contre 3,5 l’année précédente. Le Royaume se situe ainsi au 89e rang mondial. Une place qu’il partage avec le Malawi et le Rwanda.

La Tunisie fait quant à elle mieux que le Maroc, et se place au 65e rang mondial. Parmi les pays arabes (au nombre de 16), le pays occupe la 8e place après le Qatar, l’Arabie saoudite et le Koweït.

Sur une décennie, le Maroc est passé du 45e rang mondial (en 1999) au 89e. Cette chute vertigineuse de plus de 40 places est expliquée, selon Transparency, par l’analyse du Système national d’intégrité (SNI).

Il faut considérer « l’intégrité nationale comme un objectif à atteindre et dont les fondements sont assurés par le bon fonctionnement des secteurs et des institutions-clés de la nation », explique Abdellatif Ngadi, coauteur du rapport sur le SNI et membre du conseil national de Transparency Maroc.

Et d’ajouter qu’« un SNI solide contribue à la diffusion de la transparence et à la lutte contre la corruption ».

Phénomène banalisé

L’étude menée par Transparency a eu pour but d’évaluer le SNI du Maroc sur le plan normatif (lois et dispositions réglementaires) ainsi que sur le plan pratique (leur application effective).

Pour cela, 16 institutions-clés ont été passées au peigne fin. Parmi elles, le pouvoir exécutif, la justice, la Cour des comptes, le Parlement, le secteur privé, les médias, la société civile, etc.

L’analyse de la solidité de ces institutions ainsi que leur indépendance et interaction révèle « un état préoccupant du SNI », selon Ngadi.

La corruption est un phénomène qui s’est banalisé et sa pratique s’étend à toutes les sphères, malgré le plan gouvernemental de lutte contre la corruption, lancé en 2006 et même si le Maroc est signataire de la Convention des Nations unies contre la corruption.

Transparency pointe du doigt un discours anti-corruption qui ne se traduit que rarement dans les faits par de réels moyens attribués à cette cause et par la mise en place de mesures concrètes.

Autre fait grave, selon l’organisation, « la non-reconnaissance du droit d’accès à l’information alors que c’est un facteur de base dans le déficit de transparence et de non-reddition des comptes ».

Dans l’analyse livrée, la justice, parmi les piliers de l’intégrité nationale, fait figure encore une fois de cancre.

Sa dépendance vis-à-vis du pouvoir « est aggravée par une insuffisance de moyens matériels, une formation de son personnel administratif jugée insuffisante, une faiblesse des effectifs, et enfin un accès difficile à l’information y compris à la jurisprudence », signale le rapport de Transparency.

Une enquête de l’ICPE (Indice de corruption des pays exportateurs) sur l’appréciation de la corruption dans les différents secteurs révèle que le système judiciaire est le secteur le plus corrompu au Maroc (3,8), suivi de la police (3,4), des partis politiques (3,1) et les services de la santé (3).

Quant à l’Instance centrale de prévention de la corruption mise en place en août 2008, censée pallier le fléau de la corruption, elle est « sans pouvoir direct d’investigation et ne peut donc engager des poursuites ou infliger des sanctions », précise le rapport. Ce qui limite son action. La société civile, quant à elle, n’est pas en reste.

Le baromètre mondial de la corruption révèle que 60% des ménages marocains consultés déclarent avoir versé des pots-de-vin au cours de l’année qui a précédé l’enquête. Le Maroc est ainsi classé dans le groupe critique des « plus de 40% » aux côtés de l’Albanie, du Gabon et du Cameroun. La question est alors de savoir si le Maroc peut se débarrasser d’une corruption endémique présente et intégrée dans quasiment toutes les sphères de la société.

Pour lutter efficacement contre ce fléau, le rapport sur le SNI préconise d’abord une généralisation de l’obligation de reddition des comptes, notamment pour les responsables des entreprises publiques, « c’est un préalable indispensable », affirme Ngadi.

Il souligne aussi la nécessité d’encourager la participation citoyenne dans les prises de décisions ainsi que le renforcement et la diversification des droits de recours.

A. Ak. ( L’Economiste )