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Couvre-feu, Expulsions, Déchéance de nationalité : assez de dérives mortifères
Publie le samedi 12 novembre 2005 par Open-PublishingLe MRAP
Priorité absolue à l’égalité des chances et aux mesures sociales
Le MRAP tient à exprimer son effroi devant l’escalade de provocations
irresponsables qui, en quelques jours sur les thèmes du couvre-feu, de
l’expulsion et de la nationalité - nous renvoient aux pages les plus
tragiques de l’histoire de France. En préconisant des mesures symboliques qui
puisent dans le passé et ont déshonoré la France, le gouvernement donne
chaque jour des gages aux tenants des logiques de purification ethnique en
France.
La mise en place d’un couvre-feu reste indissolublement lié à la guerre
d’Algérie et, en particulier, au tragique souvenir du 17 octobre 1961. Une
telle mesure, dont de nombreux élus ont courageusement préféré retarder ou
exclure la mise en œoeuvre, ravive les blessures des violences et de
l’humiliation déniées des Algériens. Elle renvoie à la population immigrée
des banlieues - et plus violemment encore aux jeunes de nationalité française - la volonté de ce gouvernement de les ”mater” comme le furent leurs parents.
Et comme s’il fallait ajouter encore à cette douleur, le ministre de
l’Intérieur, qui voulut naguère se faire le chantre d’une abolition de la «
Double Peine » - dont il apparaît aujourd’hui qu’elle ne fut guère plus qu’un
effet d’annonce - entend demander aux préfets d’expulser les personnes
étrangères en situation régulière, condamnées le plus souvent en comparution
immédiate, dans une « justice à la chaîne » et « pour l’exemple » dont il est
impossible de considérer qu’elle respecte ni les droits de la défense,
protégés par le code pénal, ni le droit au procès équitable, consacré par la
Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Le MRAP s’élève avec la plus grande fermeté contre cette nouvelle modalité de
bannissement qui pose pour hypothèse qu’immigration égale violence et
participe scandaleusement à l’ethnicisation d’une violence dont tous et
toutes savent qu’elle est inhérente à la société française elle-même, pour
cause d’inégalités sociales et de discriminations. La France est confrontée
aujourd’hui à elle-même. Elle doit faire face à son échec à promouvoir une
cohésion sociale fondée sur l’égalité effective des chances et à la faillite
de son modèle d’intégration.
Enfin, pour faire bonne mesure, le député UMP Jean-Paul Garaud n’hésite pas à
préconiser une mesure - déjà appliquée sous le régime de Vichy - visant à
déchoir rétroactivement de la nationalité française, contre les principes
fondamentaux du droit français, les étrangers naturalisés reconnus coupables
de « faits graves » dans les violences urbaines. Seul le régime de Vichy, à
partir de juillet 1940, n’hésita pas à « dénaturaliser non seulement nombre
de Républicains espagnols mais plus encore, après les lois de Nuremberg, des
Juifs d’Allemagne, d’Autriche, de Pologne et même d’Algérie du fait de
l’abrogation en 1940 du décret Crémieux de 1870.
Après les rafles massives et la guerre ouverte contre les Sans Papiers, face à
l’instauration du couvre feu au retour de mesures vichyssoises, le MRAP en
appelle à un sursaut républicain et citoyen pour contrecarrer cette grave
dérive idéologique et exiger du gouvernement qu’il apporte enfin d’urgence
les réponses qu’exige la gravité extrême de la situation
Paris, le 10 novembre 2005.