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Critique de la société de travail
Publie le dimanche 21 octobre 2007 par Open-Publishing1 commentaire
Le travail a une centralité dans notre société qui s’accroît alors même que l’on assiste à sa raréfaction. Il reste malgré tout la référence absolue, l’axe giratoire de la vie. La loi de la valeur continue en dépit de ses contradictions à régir le temps et à monopoliser les forces sociales. La critique radicale place l’économie au centre de ses questionnements parce que c’est en elle que se concentrent tous les aspects majeurs de l’asservissement et de l’oppression. La voie d’émancipation ne peut faire l’économie des questions ayant trait aux relations de travail salariales et se dispenser d’une rupture réelle avec la logique du capital.
Par le fait de l’idéologie dominante, la catégorie travail-salariat a été essentialisée comme étant une nécessité anthropologique, une activité intangible. Ce qu’il s’agit d’abolir, ce n’est pas le travail en soi mais le rapport social et les relations salariales que ce type de travail implique, la subordination du travail au capital, la prédominance de la loi de la valeur dans toute manifestation de la vie sociale, sa prééminence dans l’affectation et l’attribution de ressources.
Le procès de production réduit le travail de l’individu à une unité de temps substituable qu’il est contraint de vendre sur le marché pour reproduire ses moyens de subsistance. Or ce marché est par essence inique en ce sens qu’il n’oppose pas deux individus à pied d’égalité mais un individu face au marché. Le prix de la force de travail sur celui-ci est fonction en dernière instance du rapport de force entre le patronat et le salariat. Assujettir de façon bornée le travail à la loi du profit aboutit immanquablement à la désagrégation de la société. L’ordre capitaliste défait irrésistiblement les liens sociaux, les solidarités familiales ou locales. Le système de production marchand produit, en même temps que de la richesse, de la pauvreté et de l’exclusion. Les salariés stables s’opposent aux salariés précaires qui s’opposent aux chômeurs. Désormais les élus qui bénéficient d’un emploi éprouvent aussi des difficultés économiques. Quoi qu’il en soit, nul ne pense à se dégager de l’étreinte du modèle salarial.
Tous les partis institutionnels de gauche et de droite continuent de se prosterner devant le travail et la croissance, champs élyséens de l’épanouissement et du bonheur. Ironiquement, les travailleurs eux-mêmes revendiquent les conditions de leur propre exploitation. Ce qu’ils réclament en fait sont les conditions d’une vie digne et légitime dont le travail constitue le seuil d’accès. Fournir du travail n’est l’objet d’aucune instance ou autorité. Pas plus l’entrepreneur qui procure accessoirement du travail en vue de valoriser le capital que l’Etat ne peuvent assumer leurs prétentions sans changer leur propre nature. Il y a donc souvent inadéquation entre les besoins des uns et l’offre des autres. Le chômage est le développement logique de la finalité des investisseurs qui consiste à réaliser des profits et non à créer de l’emploi. Pour la réalisation de leurs objectifs, ils sont même contraints de diminuer la masse salariale. Il est dès lors impropre de parler de droit du travail pour ce qui est une contrainte pour le travailleur et un moyen pour l’employeur. L’accomplissement de ce « droit » conduirait à la limitation du droit de propriété des entrepreneurs et donc à la réformation du régime social.
Tant que le système a pu générer des emplois réels ou factices, les conflits sociaux ont perdu de leur âpreté et sont restés circonscrits à des revendications qualitatives. Mais le déficit d’emplois stables et le chômage de masse remettent en question les fondements mêmes du système. Il devient de plus en plus malaisé de maintenir une cohésion sociale quand l’élément substantiel de son existence fait défaut. La société reste ceci étant inerte et continue d’user de mesures cosmétiques pour soulager les crises endémiques.
La morale bourgeoise tente de consolider l’édifice instable par l’apologie de l’effort et du mérite. Les personnes sont évaluées moralement selon leur degré d’implication dans le système de production. L’entrepreneur bénéficie de la reconnaissance sociale pour son utilité en tant que fournisseur de biens et d’emplois. Il aurait fait montre de son adaptabilité au marché. Ce mode d’interprétation suggère que le pauvre est fautif et responsable de sa condition sociale soit par manque de volonté soit par manque de capacité d’adaptation. Cette théorie a l’avantage de distendre le lien de causalité entre a concentration du capital et la paupérisation des masses. Les personnes sont incriminées et l’ordre économique est disculpé. De la sorte, la pyramide des privilèges se voit tout simplement justifiée.
L’ascension sociale dans cette société d’opportunité est en réalité une voie de dépersonnalisation anti-méritoire. Pour réussir, il faut adopter la morale de ses supérieurs comme morale supérieure, se délester des traits de personnalité saillants. Pour réussir, il faut obéir en tout état de cause en espérant un jour commander. Se soumettre à l’autorité de l’ordre contre l’autorité de la raison, ce n’est pas un signe d’intelligence mais de servilité. Les structures sociales promeuvent une structure mentale fonctionnelle et ne développent en aucun cas la compétence et la morale.
On peut renommer des phénomènes anciens et connus sans n’en modifier d’aucune façon leur nature profonde. La mondialisation n’est que le développement du capitalisme financier et de l’impérialisme culturel, économique et politique à l’échelle mondiale. Nous observons tous les jours les méfaits de ce système qui, loin d’effacer les inégalités et les injustices, ne fait que les accentuer dans et entre les pays. Il déconstruit les solidarités interpersonnelles ou interétatiques en mettant en concurrence chacun contre tous. La bourgeoisie propose bien entendu des explications partielles et éclatées pour voiler la cause de tous ces phénomènes : la lutte de classes.
Emrah KAYNAK
Messages
1. Critique de la société de travail, 22 octobre 2007, 16:03
Oui, plus de temps "libre" pour pouvoir s’émanciper et ainsi construire réellement une démocracie en étant capable d’être citoyen, c’est à dire un acteur politique responsable jouissant de l’amélioration constante de sa condition humaine et de celle de ses proches !
Utopiah